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L'évolution du travail social sur le terrain, en fonction des nouvelles pauvreté et de la crise économique

Rosalba COMANDO
Assistante sociale
Licenciée en Criminologie
Chargée de cours à l'Institut supérieur des Sciences humaines appliquées (ISSHA)

 

Si le service social est une création de la deuxième partie du 20ème siècle, l'action sociale est connue et pratiquée depuis plusieurs siècles, mais recouvrait des actes et un esprit bien différents: compassion envers les malheureux, charité des âmes miséricordieuses envers les pauvres et les malades, philanthropie des hommes éclairés envers toute l'humanité et solidarité des travailleurs.

Le service social s'est institutionnalisé et professionnalisé après la seconde guerre mondiale acquérant ses outils de travail majeurs lors de l'organisation de la sécurité sociale.

Le droit au travail est reconnu à tout citoyen: le travail offre les ressources essentielles, toute cessation de travail momentanée ou définitive est "couverte" par un aspect de la sécurité sociale qui garantit ainsi une "sécurité d'existence" à chacun, de la naissance à la mort. Peu nombreux étaient ceux qui demeuraient à la marge des "assujettis".

C'est essentiellement dans ce cadre que s'est développé le service social, prenant en charge les personnes qui, pour de multiples raisons, (handicap physique, mental, social...) sortaient de la protection sociale (ou n'avaient jamais eu la possibilité d'y entrer) pour s'insérer dans le circuit de "prévoyance" sociale et être ainsi intégrés à un système ayant tout prévu ou presque pour que personne ne soit livré à la pauvreté.

Nous connaissons la suite: des pans entiers de l'économie se sont effondrés, laissant à découvert des milliers de personnes, en principe, récupérés par la sécurité sociale. Mais les caisses se vident, la couverture sociale doit cesser d'être un droit individuel et répondre plutôt aux besoins de chacun selon son statut familial. La pirouette est étonnante...

Aujourd'hui,la grande majorité des assistants sociaux constate que le nombre de personnes en état d'exclusion totale est en progression constante. Le seul recours encore possible (outre le suicide, la délinquance ou la loterie nationale) est le CPAS qui a vu augmenter de manière effarante ses nouveaux assujettis; face à cette montée de pauvreté, les AS ont le choix entre un travail dédié à l'urgence (courir d'une misère à l'autre afin qu'aucun ne sombre vraiment) et les initiatives nouvelles, qui toutes ont pour but le reclassement social des exclus par le travail et leur nécessaire réintégration dans la sécurité sociale (en même temps, ailleurs, l'on étudie les motifs d'exclusion...). Les initiatives nouvelles sont importantes, intéressantes en soi: création de son propre emploi, formule "up to date" de coopératives, minimexé, travailleur exonéré de taxes pour l'employeur,... mais tout ceci a un petit relent de bricolage, de précarité... Tout comme les emplois morcelés en sigles, le tout animés par des assistants sociaux tout aussi précarisés que leur client et qui ne savent pas s'ils iront jusqu'au bout (?) du projet. Tout le monde est précaire dans un monde social qui a perdu son assise.

L'assainissement des finances publiques, pour indispensable qu'il soit, ne justifie pas que l'on jette aux orties et les gens et les outils de protection sociale.

Le service social s'interroge, se scrute, se réunit, s'analyse, tente de se définir, cherche ses moyens tout en connaissant fort bien sa finalité, se voudrait constructif, compétitif, efficace pour les exclus, alors que la "Charité Spectacle" le rejette dans l'ombre sinistre des "choses institutionnalisées, donc lourdes, bureaucratiques. Les restaurants du coeur ont donné plus à manger que les CPAS et même si ce n'est pas vrai, ils ont fait plus de bruit.

Economique et politique, le travail social est à la périphérie du pouvoir de décision; le politique et l'économique interviennent dans son champ rendant son action incohérente, impuissante, bientôt inutile. Quel est l'avenir du travail social dans une société qui veut le désengagement de l'Etat à l'égard des problèmes sociaux? Que devient dès lors le droit à l'aide sociale si, celle-ci, privatisée, médiatisée, occupe seule le devant de la scène, demain?

Il y a quelques années de cela, un étudiant originaire d'un pays en voie de développement me disait, admiratif et plein d'espoir: "Vous les Européens, vous avez inventé la démocratie et la sécurité sociale...".

(Octobre 1987)

 


 

 

 

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