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Il est le premier grand rassemblement de toutes les forces vives de la Wallonie libérée et consciente de son identité. Au cours de ce congrès, toutes les opinions ont pu s’exprimer, les plus radicales comme les plus modérées. Des passions exacerbées par quatre années de rancœur se sont donné libre cours. Présidé par le ministre Joseph Merlot, le congrès se déroule devant plus d’un millier de personnes. Fernand Schreurs, secrétaire général, présente le rapport introductif. Il évoque, dans un premier temps, l’ensemble des griefs wallons : menace de la langue et de la culture françaises ; minorisation de la Wallonie dans le cadre belge ; problèmes économiques ; politique déficiente en matière de travaux publics en Wallonie ; système des allocations familiales mal adapté ; volonté d’établir une entente économique avec la France ; aspect culturel (subsidiation, bilinguisme, etc.) ; inégalité en matière administrative ; sous-représentation des Wallons dans les instances nationales ; politique étrangère aux mains des Flamands. Après avoir dressé un rapide historique du Mouvement wallon, Fernand Schreurs souligne la nécessité de constituer un bloc wallon pour défendre les intérêts de la Wallonie. Tel est l’objectif du Congrès : définir une politique commune aux Wallons qui permettrait de résoudre la question wallonne.

Quatre solutions sont proposées au vote des congressistes qui ont le loisir de les défendre, discuter et argumenter :

– le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;

– l’autonomie de la Wallonie dans le cadre de la Belgique ;

– l’indépendance complète de la Wallonie ;

– la réunion de la Wallonie à la France.

Pour ses organisateurs, le congrès devrait idéalement retenir la formule du fédéralisme. Les débats débutent par une intervention d’Henri Putanier, défenseur du “ provincialisme ” ; il développe la thèse classique de l’Assemblée wallonne que Joseph-Maurice Remouchamps avait imaginée et élaborée avant-guerre. Le sénateur socialiste Albert Renard, défend ensuite, sous les huées, la thèse de la Belgique unitaire. Le député du PSC Marcel Philippart développe, à titre individuel, l’idée d’un Sénat à base géographique composé de mandataires élus à la représentation proportionnelle par les Conseils provinciaux, en nombre égal pour chaque province.

Fernand Dehousse (PSB), Henri Glineur (PCB), Jean Rey (PL), Léopold Levaux (UDB), René Lyr (Wallonie indépendante) défendent l’idée du fédéralisme, laissant à l’après congrès le soin de définir quelle forme de fédéralisme ; autonomie de la Wallonie dans le cadre de l’État belge, telle est la formule à laquelle ils se raccrochent ; vague, le concept d’autonomie peut aussi bien revêtir le sens de l’union personnelle, l’union réelle, la confédération d’États que le fédéralisme.

 

 

François Van Belle, en son nom personnel, défend la thèse de l’indépendance complète de la Wallonie, thèse illustrée également par un représentant du Parti d’Unité wallonne et par Charles-François Becquet. François Simon défend quant à lui la thèse du rattachement à la France. C’est ensuite au tour de René Thône, député permanent, de monter à la tribune, précédant ainsi Léon-Éli Troclet, ministre en fonction. Le premier, favorable à une solution dans le cadre belge, se dit opposé au système de vote en deux temps imaginé par le comité organisateur. Le second émet le souhait de voir le congrès faire la démonstration de son sérieux et de sa sagesse, et de se montrer respectueux à l’égard des revendications flamandes.

Le vote en deux temps, sentimental d’abord et réaliste ensuite, a été programmé par les organisateurs du congrès ; les votants devront d’abord utiliser le bulletin prédécoupé de couleur rouge, ensuite le même bulletin mais de couleur jaune. Il est certain que la volonté de pratiquer deux votes, l’un sentimental, l’autre de raison, est antérieure au congrès. On peut d’ailleurs penser que c’est au sein de la section de Chênée que l’idée d’un vote en deux temps est née, suite à une enquête réalisée par le docteur Crismer, en septembre 1945. Malgré les protestations de René Thône qui rejette aussi l’idée du vote secret, le premier tour donne le résultat suivant :

sur 1.048 votants ;

17 voix en faveur de la première solution, le maintien de la structure unitaire de la Belgique avec des modifications plus ou moins importantes dans l’appareil constitutionnel ou légal ;

391 en faveur de l’autonomie de la Wallonie dans le cadre belge ;

154 en faveur de l’indépendance complète de la Wallonie ;

486 en faveur de la réunion de la Wallonie à la France.

À la suite de ce vote, Marcel-Hubert Grégoire dépose une proposition qui s’écarte des quatre solutions précédentes, tout en se rapprochant de la solution 2, celle de l’autonomie. François Simon, Piérard et François Van Belle souhaitent que les votants se prononcent pour le projet n° 2 lors du deuxième tour. Mais la formule qu’ils souhaitent est plus proche de l’autonomie que du fédéralisme. C’est pourquoi Fernand Dehousse, qui déplore le résultat du premier vote, souligne que le projet n° 2 est une formule fédéraliste, par essence. Souhaitant éviter de polémiquer stérilement pendant des heures sur la forme de fédéralisme à proposer, la résolution qui est présentée aux congressistes par Maurice Delbouille au nom de la Commission des Résolutions, consiste à revendiquer l’autonomie dans le cadre belge, à constituer un Comité permanent chargé de mettre au point la forme d’autonomie prévue et de préparer un rapport pour le prochain congrès qui se tiendra au début de 1946, à Charleroi. Abandonnant la formule du vote au moyen des bulletins jaunes, c’est finalement par acclamation et à main levée que la proposition de l’autonomie est approuvée (à l’unanimité moins 12 voix) et que le bureau est chargé de constituer la Commission préposée à la mise au point pour le lendemain les résolutions qui seront présentées au Congrès.

Les interventions du dimanche 21 octobre tendent à convaincre l’ensemble des votants de converger vers une doctrine commune (Pouret, Levaux, Grégoire, Terfve et Fabry). Les “ indépendantistes ” et “ réunionistes ” mettent de l’eau dans leur vin (Simon, Van Belle), d’autres campent sur leurs positions (Philippart). Mais c’est l’intervention de Charles Plisnier qui laissera le plus d’impact dans la mémoire des participants, pour diverses raisons liées à sa personnalité, à son charisme, à ses propos et à sa conclusion qui conduit l’assemblée à entonner, debout, La Marseillaise.

Le deuxième vote (surnommé le vote de raison) est confirmé le dimanche matin, à mains levées, par l’unanimité de l’assemblée moins deux voix : la motion générale est ainsi entérinée ; elle reprend les points importants suivants : revendication de l’autonomie de la Wallonie dans le cadre de la Belgique ; formation d’un Comité permanent chargé de mettre au point la forme de l’autonomie prévue, de déterminer les voies et moyens par lesquels cette réforme pourra être obtenue et de faire rapport au prochain congrès. Le double vote (sentimental puis de raison) sera ironiquement commenté par Jean Terfve : une contredanse, un pas en avant, un pas en arrière.

 

 

Dans le même temps, le Comité permanent, provisoire, du Congrès national wallon est créé ; 35 membres le composent, en fait le comité organisateur élargi : Joseph Merlot (le président), Henri Glineur, René Pouret, Lucien Godeaux, Fernand Pieltain et Jean Pirotte (les vice-présidents), Félix Depresseux, Auguste Buisseret, Léon-Éli Troclet, Fernand Dehousse, Fernand Schreurs, Henri Reners, Jean Terfve, Albert Schlag, Hubert Lemme, François Van Belle, Léopold Levaux, Jean Firket, Maurice Firket, François Simon, Georges Lambermont, René Thône, Marcel Florkin, Marcel Paquot, Georges Dedoyard, Léon-E. Halkin, Paul Renotte, Charles Defrecheux, Antoine Delfosse, Émile Jennissen, Fernand Diépart, Albert Delperée, Maurice Denis, Louis D’Heur, Max Drechsel, Maurice Delbouille.

Enfin, sont aussi adoptées à l’unanimité diverses motions portant sur la radiodiffusion en Wallonie (création d’un diffuseur spécialement réservé aux Wallons), l’unilinguisme intégral et intangible de la Wallonie et le rejet définitif du bilinguisme, et l’instauration d’une Commission d’experts nommés par le Congrès national wallon et chargés de dresser le cahier complet et systématique des griefs wallons (présidée par Albert Schlag, elle compte huit sous-Commissions). La définition du concept d’autonomie dans le cadre belge est laissée à la Commission des Questions institutionnelles présidée par Fernand Dehousse (entouré d’Antoine Delfosse, Jean Terfve, François Van Belle, Marcel Grégoire, René Thône, René Pouret, Yves Bricteux, Jean Marcy).

Outre de multiples et importants échos dans la presse, le congrès donnera lieu à deux interpellations à la Chambre, dont une, très hostile, du député PSC d’Aspremont Lynden demandant des arrestations contre certains intervenants (7 novembre 1945). La seconde, nettement plus nuancée, émane de Jean Duvieusart qui souligne l’importance des problèmes wallons au point de vue économique, social et démographique. Le ministre Paul-Henri Spaak répond en deux temps. Tout d’abord, il n’appellera pas les Parquets à poursuivre les militants wallons présents à Liège. Ensuite, en réponse au second intervenant, il donnera notamment mission au Conseil économique wallon de dresser le cahier des griefs wallons. Ce dernier dépose entre les mains du Premier ministre un rapport de 247 pages, le 20 mai 1947 où sont présentés l’ensemble des griefs wallons ainsi que des pistes pour y remédier. Aucune suite tangible ne sera donnée à ce rapport. En 1949, Albert Schlag et Fernand Schreurs décideront de remettre sur pied la Commission des griefs en la chargeant de publier des monographies relatives à des problèmes particuliers. Sans plus de succès.

 Paul Delforge

 

 

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