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Un programme immuable

Tentative de relance de l’Assemblée wallonne après 1945

 

 

Un programme immuable

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la politique suivie par l’Assemblée n’évoluera pas. Lors de chaque campagne électorale, elle réalise un questionnaire qu’elle soumet aux candidats francophones, questionnaire visant à dégager les « bons candidats wallons » des autres. Elle suit en cela sa logique d’apolitisme. À chaque tentative de création d’un parti wallon, l’Assemblée réagit par une condamnation et rappelle ses membres à l’ordre. Plutôt que d’accorder leurs suffrages à une liste vouée d’avance à l’insuccès, les électeurs wallons serviront leur cause en soutenant, chacun dans son parti, le candidat le plus résolu à résister au flamingantisme.

La « séparation administrative » pour laquelle l’Assemblée avait été créée, n’est toujours pas envisagée. En 1925, une fois de plus, l’Assemblée wallonne affirme que le chaos où se débat la Belgique est principalement dû à son statut politique datant d’une époque où la possibilité d’un noyautage flamingant n’était même pas soupçonnée. Elle proclame que la nationalité belge ne peut être sauvée que par une réforme profonde de son organisation parlementaire et gouvernementale. Cependant aucune décision concrète ne suit.

En mai 1926, La Défense wallonne, qui paraît depuis 1923 dans un grand format, subit une modification de périodicité. D’hebdomadaire, elle devient bimensuelle. La raison avancée est que la gravité de la crise financière et monétaire que traverse la Belgique doit reléguer momentanément au second plan toutes les préoccupations d’ordre politique. Serait-ce plutôt le premier signe de perte de vitesse de l’Assemblée ? On peut le penser car, en novembre de la même année, un appel à l’aide est lancé dans La Défense wallonne. Les dirigeants de l’Assemblée veulent élargir la diffusion de leur journal car un journal qui n’est lu que par un groupe, même important, d’abonnés fidèles piétine sur place, un organe dont le but est de défendre une idée ne vit réellement que s’il se développe sans arrêt.

Les problèmes financiers que connaît l’Assemblée sont dus non seulement à la diminution du nombre des lecteurs et à l’augmentation du coût général de la main d’œuvre et des matières premières mais aussi à la suppression des subsides de la Ville de Liège. Sur ce point, on constate que la concurrence entre l’Assemblée et la Ligue d’Action wallonne de Liège a tourné en faveur de cette dernière. Ce n’est pas un hasard puisque, Auguste Buisseret, directeur de l’Action wallonne, est nommé échevin des finances en 1933, année de la suppression de la subvention accordée à l’Assemblée par la Ville.

En 1929, l’Assemblée publie le résultat d’études sous l’intitulé Cahiers des griefs de Wallonie. De plus, au sein de l’Assemblée apparaît une nouvelle dissension. Le directeur de La Défense wallonne, Yvan Paul n’étant plus en accord avec la politique du groupe démissionne en janvier 1933. Il est remplacé par Marcel Grafé qui réaffirme les positions unionistes de l’Assemblée.

Celle-ci s’enlise dans la voie qu’elle s’est tracée, se rendant compte peu à peu qu’elle est en perte de vitesse mais ne voulant pas avouer que ses thèses sont trop rigides, ou trop en recul par rapport à un Mouvement wallon qui s’oriente de plus en plus vers des thèses fédéralistes. En fait, malgré cela, elle n’abandonnera jamais le programme minimum qu’elle s’était fixé en 1920.

La LIIe session de l’Assemblée wallonne, réunie le 3 novembre 1935, en présence de Jules Destrée invité, réaffirme, par exemple, son loyalisme à la Belgique, son attachement à l’unilinguisme intégral en Wallonie, son rejet de toute formule fédéraliste ou séparatiste, l’abolition de toutes contraintes linguistiques à Bruxelles, la fixation de la frontière linguistique sur base du libre choix des communes, une répartition équitable des dépenses pour travaux publics, ainsi qu’une révision constitutionnelle garantissant l’égalité des Wallons et des Flamands au Parlement. La question bruxelloise est au cœur des débats ; J-M. Remouchamps n’hésitera pas à tancer les Bruxellois : une solidarité agissante doit les unir aux Wallons sous peine de succomber au bilinguisme voulu par certains Flamands. La protection efficace de la frontière orientale et la poursuite d’une politique militaire et économique avec la France sont aussi à son programme.

En 1936, la politique dite d’indépendance imposée par Léopold III et son gouvernement provoque de vives réactions au sein de l’Assemblée wallonne qui a toujours défendu les accords militaires franco-belges. Dans ce cadre, elle ne peut accepter l’abandon de la frontière de l’Est car elle considère que la Wallonie serait alors sacrifiée et offerte à l’Allemagne.

Dans le domaine de la politique intérieure, on assiste à la montée de l’extrême droite. Lors de la campagne électorale de 1936, Rex développe un programme dont certains points, comme ses revendications linguistiques (libre choix du père de famille, respect de l’autonomie communale…), trouvent un écho très largement favorable auprès de l’Assemblée. De nombreux articles parus dans La Défense wallonne, et signés notamment J-M. Remouchamps, le démontrent d’ailleurs. Fidèle à son apolitisme et soucieuse de n’exclure aucune tendance, l’Assemblée accueille en son sein des personnes comme Paul Collet ou Joseph Mignolet.

Toujours en 1936, l’Assemblée doit faire face à un nouveau problème : la maladie de certains de ses dirigeants. C’est d’abord Marcel Grafé qui, souffrant, démissionne en mai. Il mourra le 8 juillet de la même année. Ensuite, c’est au tour de J.-M. Remouchamps ; il démissionne en avril 1937 de ses fonctions de secrétaire général et de membre du bureau permanent. C’est l’Assemblée tout entière qui est décapitée. Elle

 survivra cependant jusqu’en mai 1940, grâce à son secrétaire administratif, Henri Putanier. Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Assemblée cesse de nouveau toute activité, de façon définitive pourrait-on

croire.                                                               

 

Tentative de relance de l’Assemblée wallonne après 1945

 

Cependant, au lendemain de la Libération, Henri Putanier tente de relancer l’Assemblée wallonne. Secrétaire d’un bureau provisoire composé d’une vingtaine de membres, il reprend contact avec les « anciens » et, sous forme de synthèse, publie un manifeste (le 12 juin 1945). Dans les grandes lignes, il renoue avec le programme de l’Assemblée wallonne d’avant-guerre. Les thèses défendues ont peu évolué depuis les années trente, l’Assemblée combattant toujours pour une Wallonie respectée dans une Belgique unie et libre, l’égalité politique, administrative, économique et financière de même que pour la création d’une radio wallonne officielle, la rectification de la frontière linguistique, le refus du bilinguisme à Bruxelles et l’intensification des relations franco-belges. On constate toutefois que le programme de l’Assemblée wallonne s’ouvre vers des formules de décentralisation voire éventuellement le régime fédéraliste. Le souhait du bureau provisoire est d’amener l’Assemblée wallonne à redevenir une espèce de conseil consultatif semi-officiel où toutes les tendances de l’opinion wallonne se rencontreraient et aborderaient les problèmes de l’heure avec, comme objectif, de trouver les meilleurs moyens de sauvegarder les intérêts de la Wallonie. Putanier tentera de rallier à sa cause hommes politiques, académiciens, journalistes, universitaires, syndicalistes… mais il marche là sur un terrain déjà occupé par le Congrès national wallon.

On est d’ailleurs en droit de se demander si l’Assemblée recouvre encore une réalité autre que le seul Putanier, présent au Congrès national wallon d’octobre 1945 à Liège, où il défend des thèses provincialistes. Responsable d’une Wallonie libre alors toute puissante, Georges Dotreppe mesure la divergence des principes qui nous séparent de l’Assemblée wallonne qui s’est imposé de rechercher une solution du problème wallon qui ne mît pas en cause la structure unitaire de l’État belge (…), oserai-je demander au vieux militant que vous êtes si le salut de la Wallonie n’exige pas des mesures plus profondes qui reconnaîtraient le caractère binational de l’État belge ?

Même si Putanier est de plus en plus esseulé, il parvient à organiser une première réunion d’étude sur les problèmes wallons, le 20 janvier 1946. Maître Charles Gheude la préside, en lieu et place du ministre Lefebvre empêché. À ses côtés, Émile Destrée, Robert Royer et Jules Bordet. Putanier a alors retrouvé sa fonction de secrétaire général. La question du statut de la Wallonie est discutée : fédéralisme, décentralisation… Trois mois après le Congrès national wallon, on a l’impression d’une répétition générale, en petit. Émile Destrée préconise un fédéralisme régional à quatre, axé sur une Union libre des régions belgiques : nord, nord-est, sud-est et centre, cette dernière comprenant le Hainaut et le Brabant. Robert Royer, quant à lui, s’inspire des projets Truffaut et Pieltain ; il préconise un fédéralisme à deux régions, dans lequel les provinces auraient un rôle subordonné aux régions, c’est-à-dire le régionalisme fédéral élaboré au sein du mouvement Rénovation wallonne. Jules Bordet critique les lois linguistiques des années trente : il réclame le pouvoir du libre choix linguistique du père de famille et l’accentuation de l’autonomie communale. Et si une commune devient flamande en Wallonie, on respecte le choix de la majorité. Bordet déplore la dénatalité des Wallons et les encourage simplement à changer de comportement. Putanier, quant à lui, continue à défendre le projet du vote bilatéral cher à Remouchamps. Le député catholique Marcel Philippart rappelle son rejet du fédéralisme, le sénateur libéral Robert Catteau, en tant que défenseur de Bruxelles, préconise un retour aux libertés linguistiques individuelles et non collectives comme le prévoient les lois de 1932 et 1935. À l’issue de ces exposés, aucune conclusion tendant à définir l’optique de l’Assemblée wallonne n’est tirée. Quant à la reparution de La Défense wallonne, la question est reportée après les élections. Néanmoins, l’Assemblée wallonne revit et, comme avant-guerre, des délégués d’arrondissement sont élus : Georges Dotreppe (Dinant), Adrien Bouvet et Charles Moureaux (Bruxelles), René Leclercq (Mons), Georges Gryson (Charleroi), Marcel Philippart (Liège). Jules Bordet, Émile Destrée, Charles Gheude et l’abbé de Froidmont en font aussi notamment partie.

Une deuxième réunion de travail se tient à Bruxelles, le 28 avril 1946. Il s’agit d’examiner le projet fédéraliste préparé par le Congrès national wallon. Après la présentation de Fernand Schreurs, le débat est animé par Adrien Bouvet, Jules Bordet, René Leclercq, Marcel Philippart, Henri Putanier, André Kaisin, Émile Destrée, l’abbé de Froidmont et Charles Gheude. Bruxelles est au centre de discussions où les défenseurs de la langue française ne s’accordent pas avec ceux qui insistent sur les problèmes sociaux-économiques de la Wallonie et où les fédéralistes hésitent entre une formule à deux ou à trois alors qu’une tendance provincialiste se fait aussi entendre.

En proie à des problèmes professionnels qui le touchent rudement (un candidat flamand lui a été préféré) et sans véritable soutien de la part du Mouvement wallon, Putanier démissionne de sa fonction de secrétaire général de manière à éviter de confondre intérêt personnel et intérêt général. En 1949, Henri Putanier campe toujours sur ses positions : je persiste toujours à décliner toute participation au Mouvement wallon tant que celui-ci n’aura pas pris sérieusement en mains la question des dépassements injustifiés des Wallons par des fonctionnaires flamands. En 1949, l’Assemblée wallonne a véritablement cessé d’exister. Depuis quand exactement ? Il est malaisé de répondre avec précision même si, en 1947, l’Assemblée wallonne paraît toujours avoir une certaine activité.

Groupe d’un autre âge, l’Assemblée wallonne a mal vieilli. Si elle a été le premier organisme structuré et organisé du Mouvement wallon, prouvant par là l’existence même de celui-ci et de ses revendications, une page est désormais tournée et les thèses défendues par cette assemblée ne sont plus de mise dans ces années proches d’événements tels que la Question royale. On lui doit cependant une victoire à titre posthume : le tracé de la frontière linguistique qui s’est, en 1963, réalisé presque selon le tracé réclamé par l’Assemblée wallonne.

 Paul Delforge – Sophie Jaminon

 

 

 

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