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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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Wilmotte Maurice 

    Né à Liège le 11 juillet 1861, décédé à Saint-Gilles le 9 juin 1942 

Maurice Wilmotte appartenait à une famille de la bonne bourgeoisie liégeoise. Son père, Guillaume, était ingénieur en chef des travaux de la ville tandis que sa mère, Adélaïde Thonnar, était apparentée à des gens de robe, les de Behr. Son éducation – à l’Athénée, puis à l’Université – est soignée. À la faculté de philosophie et lettres, il est d’abord vivement impressionné par l’éloquence de Godefroid Kurth mais il finit par adhérer corps et âme à l’enseignement de son professeur d’histoire de littérature française, Jean Stecher. Celui-ci sympathise avec le jeune homme et assure plus tard son élection à la classe des lettres de l’Académie de Belgique (1897). Wilmotte s’en va ensuite compléter à Paris sa formation philosophique. Il y noue des amitiés durables qui lui permettent de fonder, en 1888, la revue Le Moyen Âge. C’est surtout Gaston Paris qui se lie à lui, encourage ses premières recherches sur le dialecte wallon, lui ouvre l’accès de sa prestigieuse Romania. Après un séjour de trois semestres outre-Rhin (1885), Maurice Wilmotte se voit confier l’enseignement du français à l’École normale. Un arrêté royal du 17 octobre 1890 le transfère à l’Université où il inaugure un peu plus tard en tant que professeur extraordinaire la section de langue et de littérature romanes. Le 10 avril 1895, il devient professeur ordinaire de l’Alma Mater liégeoise.

Entre-temps, Wilmotte a édité avec Le wallon. Histoire et littérature un petit ouvrage qui se penche sur l’origine de nos patois tout en fournissant des articles à maintes publications. Il collabore en effet dès 1881 à la vénérable Revue de Belgique (il est d’ailleurs le dernier directeur de ce phare du libéralisme belge), à la Revue de l’Instruction publique (1885), à la Revue des Patois gallo-romans. Il a en outre signé des contributions dans la Revue des langues romanes, dans La Wallonie, de Mockel (1889) puis dans Le Bulletin de Folklore de son ami Eugène Monseur (1891-1892). Enfin, alors qu’il assume la codirection du Moyen Âge, il participe également à la naissance de La Revue wallonne qui veut, un temps, prendre la relève de La Wallonie expirante.

La chose publique séduit un temps cet homme à l’activité débordante. Journaliste, il fait ses débuts au très libéral-doctrinaire Journal de Liège. Il prête sa plume au Petit Bleu, au Messager de Bruxelles, à La Flandre libérale, à L’Indépendance belge, au Soir. Ses goûts démocratiques le poussent à s’associer à la fondation d’un quotidien progressiste, L’Express, et à se lancer dans la politique liégeoise sous les couleurs du libéralisme radicalisant. Une élection gagnée, une élection perdue (1895) lui font comprendre que là n’est pas son destin.

Tout en continuant à entretenir des contacts utiles – avec Jules Destrée et Émile Vandervelde notamment – il se consacre à ses travaux scientifiques et forme de nombreux disciples : Jean Haust, Maurice Delbouille, Georges et Auguste Doutrepont... Pourtant, d’une certaine manière, Maurice Wilmotte continue à se pencher sur différents problèmes relatifs à l’organisation de la Cité. En 1902, par exemple, il intègre dans La Belgique morale et politique (1830-1900) un copieux chapitre d’une cinquantaine de pages sur les conflits de race et de langue. Dans cette étude – rééditée en 1905 – il affirme encore la suprématie « naturelle » du français sur le flamand. Ce n’est plus le cas en 1912, lorsqu’il fait paraître La Culture française en Belgique. La roue a tourné. Il lui semble désormais que la frontière linguistique doit constituer la ligne d’arrêt sur laquelle les populations de langue romane doivent défendre leur culture. Précisément, sa grande œuvre, l’Association pour la Culture de la Langue française l’a amené peu à peu à cette prise de position. Certes, les congrès qu’il organise à Liège en 1905, à Arlon en 1908, à Gand en 1912 constituent autant de brillantes réussites mais la poussée du Mouvement flamand est désormais trop forte pour que les francophones de Flandre puissent y opposer une résistance efficace.

Présent aux divers congrès wallons qui s’égrènent de 1905 à 1913 (en 1905, il accepte de faire partie du comité de patronage du Congrès wallon qui se tient à Liège les 30 septembre, 1er et 2 octobre), Wilmotte continue à y défendre la langue de Voltaire. Néanmoins, au cours de celui qui se tient en juillet 1912, il demeure fort réservé sur la nature de la séparation administrative qui y est préconisée : le francophone l’emporte décidément sur le Wallon. Au fil de ces grandes manifestations, Wilmotte a resserré les liens avec ses amis français tant et si bien qu’il sert d’honorable correspondant au Deuxième bureau.

Ces occupations lui valent d’être tenu pour un des ennemis les plus constants du Reich wilhelminien. C’est à ce titre qu’en août 1914, au moment de l’invasion allemande, il est prié par le ministre de France à Bruxelles de se mettre hors de portée de la Feldpolizei. Grâce à Paul Deschanel, alors président de la Chambre, il peut continuer son enseignement à l’Université de Bordeaux puis, au printemps 1915, à la Sorbonne. La même année, voulant aider à normaliser les rapports entre la France et la Belgique, il fait jouer ses relations pour mettre sur pied le Comité d’Entente franco-belge. Il en sera jusqu’à son décès le secrétaire général. Après le conflit, ce Comité, qui dispose de la Revue franco-belge, peut compter sur des administrateurs prestigieux, du Wallon Charles Magnette au Français Albert Lebrun, mais il ne dépasse guère quatre cents adhérents et échoue dans toutes ses tentatives de rapprochement douanier. Au déclin de l’Entre-deux-Guerres, il n’en reste plus grand chose.

                                                                            

Depuis Bordeaux, Wilmotte publie, dans le journal La Petite Gironde, une série d’articles où il se déclare grand partisan de la séparation administrative de la Flandre et de la Wallonie dans une Belgique restaurée après la guerre. Le patriotisme de Wilmotte n’est pas à prendre en défaut. Durant l’été 1916, il a adressé une lettre ouverte au recteur de « l’Université allemande de Gand » (sic), qui a circulé sous le manteau en Belgique et qui ne souffre aucune ambiguïté. « Je ne vous connais pas, et ne veux point vous connaître », écrit-il d’emblée au recteur car « tout homme qui pactise avec nos oppresseurs est un ennemi, dont nous souhaitons le châtiment. (…) ». Et Wilmotte de souligner que « la place de nos étudiants est aux environs de Dixmude ; elle n’est pas dans les amphithéâtres désertés, que nos professeurs refusent unanimement d’animer de leur parole ».

Adversaire résolu de la séparation administrative avant-guerre, le professeur liégeois avait résolument combattu sur ce point le programme et les tendances de l’Assemblée wallonne. Mais ses idées semblent avoir évolué. En 1917, dans La Petite Gironde, Maurice Wilmotte demande que le problème wallon soit saisi par la Société des Nations. Le quotidien activiste Gazet van Brussel voit alors en Maurice Wilmotte « le paladin liégeois de la propagande française en Belgique », et se réjouit que le professeur liégeois défende le principe de « l’internationalisation de la question des langues ». En février 1918, c’est dans Le Journal des Débats que Wilmotte réitère, sous le titre Flandre, son vœu de voir le problème belge réglé par les grandes puissances, ce qui n’est guère apprécié au Havre, et à la Panne d’autant que Kamiel Huysmans tient les mêmes propos, à quelques jours d’intervalle. En avril, dans la Revue des Nations latines, Wilmotte ajoute que la France a son mot à dire dans la question des langues en Belgique. Qualifié d’activiste wallon par Het Vaderland et accusé de menées antinationales par La Nation belge, Maurice Wilmotte est loin d’être un rattachiste. Plutôt patriote belge et wallon francophile, il demande, pour sa part, que le gouvernement du Havre prenne immédiatement des mesures contre les activistes flamands, coupables de la trahison la plus odieuse. Il pense aussi que la décentralisation est une solution préférable à la séparation administrative. Cette idée – la séparation – qui a eu de nombreux partisans à l’ouest comme à l’est de la Belgique n’a aucune chance de survivre à la fin de la guerre, estime-t-il, car « la guerre l’a tuée et rien ne pourra la ressusciter. Elle apparaît aujourd’hui, aux yeux de tout patriote belge, comme une mesure boche, dont il serait criminel de réclamer le maintien après la signature de paix ». Durant la Grande Guerre, Wilmotte signe aussi l’un ou l’autre article dans la Nouvelle Revue wallonne dirigée à Paris par Paul Magnette et Oscar Gilbert. Il ne refuse pas d’exprimer son avis dans les colonnes de L’Opinion wallonne.

Il faut encore ranger parmi les essais avortés d’influer sur le cours politique des choses la curieuse initiative prise par Wilmotte peu après son retour au pays. On le voit se charger en Rhénanie occupée de la gestion d’une feuille quotidienne, La Dépêche belge, lancée avec l’appui financier des services secrets belges. Il s’agit de favoriser l’éclosion d’un courant autonomiste-rhénan capable de détacher cette région du Reich vaincu. Là aussi, c’est un échec. La Dépêche belge ne vit que du 4 mars 1922 au 7 février 1923. C’est également en 1923 que Wilmotte crée avec son collègue de l’Université libre de Bruxelles, le professeur Charlier, une maison d’édition, La Renaissance du Livre, doublée d’une filiale parisienne, Les Éditions Albert.

À partir de cette époque, il s’attache plus strictement à des travaux littéraires. Désigné le 19 août 1920 par le roi Albert comme premier membre de la section de philologie de l’Académie de Langue et de Littérature françaises, il attache son nom à des études sur Chrétien de Troyes, sur la Chanson de Roland, sur le Graal...

Parvenu à l’éméritat en 1931, il a le temps de rédiger quatre ans plus tard Nos dialectes et l’histoire. Il y dénonce la surestimation des apports germaniques dans le wallon au détriment du substrat celtique. Enfin, au déclin de sa vie, Maurice Wilmotte réussit à produire deux ouvrages de synthèse, qui sont des testaments littéraires : L’épopée française, origine et élaboration (Paris, 1938) puis Origine du Roman en France. L’évolution du sentiment romanesque jusqu’en 1240 (Bruxelles-Liège, 1941).

La défaite de 1940, l’écroulement de la IIIe République, le second exode qu’il doit subir dans la région de Toulouse alors que sa santé décline altèrent sa confiance dans les idéaux démocratiques de sa jeunesse. Ses Mémoires, parues à Bruxelles après la Libération, témoignent de son désarroi (1948). Il s’éteint à son domicile de Saint-Gilles, le 9 juin 1942 sans avoir perçu le moindre signe de renaissance française. Son corps revient dans sa ville natale. Il repose désormais au cimetière de Sainte-Walburge.

 

Alain Colignon - Paul Delforge

 

 

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