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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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Presse d’action wallonne

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PERIN François

   

Liège le 31 janvier 1921 - Liège, 27 septembre 2013

Étudiant de l’Athénée de Liège, où il suit des humanités gréco-latines, François Perin dévore de nombreux ouvrages de littérature et développe un esprit anti-belge qui ne le quittera pas. Produit de l’enseignement officiel, comme il aime à se présenter, il étudie le droit à l’Université de Liège lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Il se souvient que, dans les dernières années de ses humanités (1937-1938), il fait partie d’un groupe d’étudiants formé spontanément sous le nom de Cercle 40, l’année 40 devant être le moment de leur accès à l’âge adulte. Au cours des nombreux débats organisés par le Cercle, naquit le constat que la Belgique était une stupidité historique, qu’elle était donc grotesque, vulgaire, moralement basse, inculte, ridicule, méprisée et méprisable. Lorsque la guerre éclate, il se retrouve en France, en tant que soldat sursitaire. Mais la guerre se termina avant que nous ayons eu le temps de la faire (Wallonie libre, 15 juin 1990). Membre de Wallonie libre dès 1942 et surtout de la section Jeune Wallonie, il rejoint les Lycéens wallons (septembre 1943) qui se transforment alors en Jeunesses estudiantines wallonnes, mouvement wallon pluraliste, affilié à la Wallonie libre. Outre une action par la presse clandestine, il collabore au journal du mouvement ; François Perin fait partie de Jeune Wallonie. J’avais 20 ans en 1941, durant la Seconde Guerre mondiale et c’est à ce moment-là que je suis devenu socialiste par haine du fascisme. Sur le plan wallon nous, jeunes, nous avions répondu à l’appel du 18 juin du général de Gaulle avec l’organisation clandestine Wallonie libre. Plus tard, ce sont les rencontres avec le groupe Esprit, fréquenté par des amis de l’ULB et de l’UCL qui m’ont influencé (Le Soir, 15 juin 1974). Début 1944, il entre en contact avec le parti socialiste et en devient membre. Après la Libération, il participe à une intense campagne de propagande (par conférences, meetings, débats, organisation de bals et placardage d’affiches), notamment en faveur de l’abdication de Léopold III. Il participe aussi à la préparation du congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945. À ce congrès, François Perin ne peut pas être présent : malade, il a dû partir en convalescence en Suisse. Pour la même raison – son état de santé –, c’est en 1946 que François Perin achève ses études de droit à l’Université de Liège. Stagiaire au ministère de l’Intérieur dès la fin de son doctorat, il entre au Conseil d’État, comme substitut (1948). Assistant à temps partiel de Walter Ganshof van der Meersch, professeur de droit public à l’Université libre de Bruxelles (1954), chef de Cabinet adjoint auprès du ministre de l’Intérieur Pierre Vermeylen (1954), chargé du cours de droit constitutionnel à l’Université de Liège (1958), il est mis en disponibilité, à sa demande, par le Conseil d’État en 1961. Ce haut fonctionnaire de l’État est ainsi délié de son devoir de réserve. Il devient professeur ordinaire en 1968.
 

Depuis 1954, il participe avec Jean Ladrière, Marcel Liebman, Jules Gérard Libois, Yves de Wasseige, Ernest Glinne et Jacques Yerna, aux discussions et rencontres du groupe Esprit qui, en 1958, donne naissance au CRISP. Membre actif du journal La Gauche, il y côtoie Jacques Yerna, Freddy Terwagne et André Renard. Avec ces deux derniers, il se trouve à la base de la création du Mouvement populaire wallon, né au lendemain des grèves contre la Loi unique (1960-1961). Avec Fernand Dehousse, il est rapporteur de la commission politique du congrès du Mouvement populaire wallon (novembre 1961) : leur projet prévoit un fédéralisme à trois où chaque région dispose d’une Assemblée nationale élue au suffrage universel direct et au scrutin proportionnel, ainsi que d’un Exécutif collégial responsable devant la seule Assemblée. L’État central ne conserve que certaines compétences sur la région où est située la capitale fédérale ; le projet prévoit aussi un Conseil économique et social régional qui disposera de réels pouvoirs. Le referendum d’initiative populaire est enfin inscrit dans le projet. À la tribune du congrès constitutif du Mouvement populaire wallon, François Perin prévient que la monarchie doit rester en dehors du débat sur le fédéralisme. Ne résistant pas à l’envie d’ironiser sur la disparition prochaine des monarchies européennes (Un souverain déchu a dit un jour qu’en l’an 2000, il n’y aurait plus que cinq monarques : le roi de Cœur, le roi de Trèfle, le roi de Carreau, le roi de Pique et le roi d’Angleterre. Le roi des Belges n’était pas mentionné. Je m’étonnerais qu’il ne soit pas bientôt mis en disponibilité, avec pension, pour suppression d’emploi). Cette philippique provoque les applaudissements des congressistes mais la réaction négative d’André Renard et de Fernand Dehousse. Après que le second s’est désolidarisé de François Perin, André Renard souligne que Perin n’a engagé que lui-même, qu’il peut se faire élire à la présidence si telles sont les conclusions du congrès, mais Ce n’est pas avec des paroles prononcées dans des moments de passion que nous sauverons la situation. Des discours, nous en avons assez entendus pendant des années. Ce qui compte aujourd’hui, c’est l’action. L’incident était clos.
 

Membre du bureau du MPW, il est l’un des principaux responsables de la doctrine du mouvement. En 1962, il publie La Belgique au défi, livre dans lequel il analyse de façon précise la situation interne de la Belgique, dresse la genèse de deux peuples et, sur base de données statistiques économiques, sociales et démographiques de la crise wallonne, en conclut que seul fédéralisme et réformes de structure peuvent apporter un remède à la Belgique. Fidèle aux deux revendications majeures que sont le fédéralisme et les réformes de structure (adoptées par le PSB en 1959, 1960, 1961 et 1962), il n’hésite pas à dénoncer les prises de position du PSB qui s’en écartent progressivement.

Membre de la Commission politique et de la Commission des résolutions du Congrès d’Action wallonne (Namur, 1963), le juriste François Perin explique à la tribune comment permettre au peuple de procéder lui-même à une révision constitutionnelle (révision de l’article 31 de la Constitution). Il défend l’idée fédéraliste et de l’établissement d’un nouveau pacte constitutionnel reconnaissant en Belgique l’existence de deux communautés égales en droit. Il réclame une plus grande initiative pour les parlementaires, l’introduction du principe du referendum et la constitution d’une assemblée wallonne ; il s’oppose à la fixation de la frontière linguistique et à l’adaptation des sièges parlementaires au chiffre de la population sans mesure spécifique en faveur de la Wallonie. L’idée du referendum sera reprise par le Collège exécutif de Wallonie, où François Perin représente le MPW, lors du pétitionnement de l’automne 1963 : 645.499 signatures seront récoltées en faveur d’un mode de consultation populaire directe.

Faisant suite à l’adoption par le Parti socialiste belge d’une motion d’incompatibilité de double appartenance au MPW et au PSB, François Perin poursuit son combat pour le fédéralisme en dehors du PSB non sans avoir lancé un dernier pavé dans la mare socialiste lors du congrès des 16 et 17 novembre 1963. À la tribune, il affirme aux dirigeants socialistes que le nationalisme wallon n’existe pas, pas plus que la culture ou la nation wallonnes. Conspué par la salle, il défend le fédéralisme comme seule solution au mal belge et préconise le référendum comme moyen de rencontrer le choix des gens.

Pendant quelques mois, François Perin tente de convaincre le Mouvement populaire wallon de se transformer en un parti politique travailliste wallon. Face au refus d’André Genot, notamment, François Perin constitue, avec d’autres militants MPW, le Parti wallon des Travailleurs (1964), sur les listes duquel il est élu député en 1965. Avec Robert Moreau à Charleroi, François Perin devient ainsi le premier parlementaire élu sur une liste exclusivement wallonne. Par la suite, dans le souci de rassembler les forces wallonnes, le PWT fusionne avec le Front wallon de Robert Moreau et devient le Parti wallon, dont le programme repose sur quatre revendications : fédéralisme, réformes de structure, référendum, retour des Fourons à Liège. En juin 1965, lors du congrès de fusion du PWT et du FW, François Perin est désigné comme président du nouveau parti. À cette occasion, il est chargé de la rédaction du programme économique et social. Ce rapport s’articule autour de plusieurs axes essentiels : planification et réformes de structure (les pouvoirs publics wallons doivent pouvoir exercer une véritable politique économique) ; action résolue pour moderniser l’agriculture et la dégager de l’emprise du Boerenbond ; politique démographique résolument ouverte sur l’immigration et qui conduit à la réorganisation en profondeur de la scolarité ; réforme de la sécurité sociale ; réforme fiscale et salariale ; réduction du temps de travail ; suppression du service militaire obligatoire ; réduction du budget de la gendarmerie et extension de la sécurité sociale aux indépendants... Pour François Perin, la prise de conscience ethnique doit s’accompagner d’une prise de conscience économique et sociale. N’appréciant pas la démocratie au deuxième degré, il préfère l’élection d’un Parlement wallon et d’un Parlement flamand au suffrage universel direct, dans un système où il y aurait moins de ministres et de parlementaires. Dès cette époque, la qualité du travail parlementaire de François Perin ne manque pas d’être soulignée par l’ensemble des commentateurs politiques.

Après les événements de Louvain, le Parti wallon se transforme en Rassemblement wallon, accueillant des catholiques déçus par l’attitude du Parti social chrétien. Entouré de Marcel Thiry et de Jean Duvieusart, François Perin préside ce nouveau parti wallon et en devient un des représentants à la Chambre (31 mars 1968), confirmant ainsi son élection de 1965. Son rôle dans les discussions conduisant à la réforme de l’État de décembre 1970 est considérable. Au sein de la Commission des XXVIII, il apporte un programme clair tenant en quelques lignes directrices : reconnaissance parallèle de l’autonomie des communautés (culture) et des régions (économie et social), attribution de compétences et de réels pouvoirs à ces entités fédérées, consultation des populations sur le tracé des limites territoriales. La Libre Belgique titrera F. Perin conduit le bal. S’il n’obtient que des satisfactions partielles, elles sont néanmoins fort importantes pour la Wallonie, après l’apport de voix libérales wallonnes au projet gouvernemental. En ayant fait admettre que les régions devaient disposer d’une dimension politique, François Perin peut être considéré comme un des pères du fameux article 107 quater et des institutions régionales.

Le Rassemblement wallon que préside François Perin ne développe pas que des positions d’ordre institutionnel. C’est la vie de la cité dans son ensemble qu’ambitionne de changer le parti wallon. Ainsi en 1970, François Perin propose-t-il la création de nombreux Conseils de consommation afin d’élaborer une politique saine et réaliste des prix. De même, en 1971, François Perin suggère de faire inscrire dans la Constitution le droit à un environnement non polluant parmi les droits économiques et sociaux.

En prônant une nouvelle voie, celle du fédéralisme intégral, François Perin souhaite faire une synthèse de la substance positive du socialisme, du libéralisme et du christianisme ; davantage que contre les autres, c’est un combat contre eux-mêmes que les Wallons doivent mener sur le chemin de la libération. François Perin dénonce la sclérose qui emprisonne la société wallonne. L’autonomie – qui peut s’appliquer à de nombreux aspects de la vie – est une libération mais aussi un moyen de se mettre soi-même au pied du mur. La société que nous voulons, faite d’être libres et divers, de communautés multiples, autonomes et associées, c’est la société fédéraliste. Elle est possible dans l’Europe occidentale entière du Cap Nord à Gibraltar (Forces wallonnes, 13 mars 1971). L’influence de Denis de Rougemont, de Jean Monnet, du personnalisme et du fédéralisme d’Alexandre Marc est évidente chez un François Perin qui rencontra pour la première Guy Héraud et ses idées lors d’un colloque en 1964.

Parti d’opposition, le RW se montre constructif. Soucieux d’atteindre ses objectifs, François Perin n’hésite à proposer des moyens et des schémas à la majorité en place. Ainsi, à l’automne 1972, trace-t-il le canevas d’une négociation de communauté à communauté afin que se concrétisent les principes contenus dans l’article 107 quater ; plus précisément, il souhaite simplifier le système tortueux issu de la réforme de 1970. Dans ses priorités, il inscrit le retour de Fourons à la province de Liège, la dotation de l’éducation aux Conseils culturels, la délimitation de la région bruxelloise, l’octroi de réels pouvoirs (législatif, exécutif, financier, compétences) aux entités fédérées. Quant aux structures périmées (la province de Brabant par exemple), elles doivent être supprimées. Et François Perin de souligner que l’ensemble des changements devra faire l’objet d’une consultation des populations. Au moment de la présentation du gouvernement tripartite conduit par Edmond Leburton (1973), François Perin dénonce la faiblesse du projet de régionalisation et propose un contre-programme : limitation du nombre de ministres à douze, mesures pour améliorer le travail parlementaire, établissement d’un système scolaire pluraliste, régionalisation véritable et totale établissant une procédure pré-fédérale.

Même si les élections du 10 mars 1974 ne permettent pas à la fédération FDF-RW de confirmer sa progression victorieuse, le RW accepte l’invitation à participer aux discussions de Steenokkerzeel (19 avril 1974). Négociateur pour son parti, François Perin est heureux d’engranger des avancées significatives pour la Wallonie. Outre une série de compétences conforme aux souhaits du RW, François Perin obtient la reconnaissance de Conseils et d’Exécutifs régionaux. Pour le président du RW, le choix des sénateurs pour composer les Conseils régionaux n’entraînera pas de nouveaux mandats et pourrait conduire à la réforme du Sénat en une Chambre des Régions. Souhaitant poursuivre les négociations de communauté à communauté, le RW apportera tout d’abord un soutien passif au gouvernement minoritaire de Léo Tindemans. Soucieux de conserver la solidarité Wallonie-Bruxelles mais en même temps d’engranger des avancées pour la Wallonie, le RW et lui seul accepte de renforcer le gouvernement de sa présence en même temps qu’est votée à la majorité simple le projet provisoire de régionalisation ; il est prévu que, dans un second temps, la négociation de communauté à communauté devra se poursuivre pour chercher un accord sur Bruxelles avant que, dès l’automne, le gouvernement ne s’ouvre au FDF et à la VU, après le vote du projet définitif (application du 107 quater qui requiert la majorité des deux tiers).

Durant cette phase de négociation, François Perin accepte d’abandonner l’idée d’une consultation des populations de Bruxelles pour définir ses limites territoriales. Cependant, avec Ch-F. Nothomb, il propose le statu quo pour les six communes à facilités et en même temps de doter les francophones des autres communes jouxtant les 19 communes de Bruxelles-Capitale d’un statut individuel leur permettant de s’inscrire dans l’une de celles-ci afin d’y exercer leurs droits essentiels et d’y être traités en langue française, notamment en matière judiciaire, sociale et administrative (ce système sera connu sous le nom de Droit d’inscription).

Tentant l’expérience gouvernementale afin d’approfondir le processus de la régionalisation, François Perin devient ministre de la Réforme des Institutions (10 juin 1974-1976), tandis que Robert Moreau assure la présidence intérimaire du parti. Au gouvernement, François Perin tente de mettre en application l’article 107 quater. Votée en juillet 1974, la loi Perin-Vandekerckhove – tous les deux ministres de la Réforme des Institutions – crée des institutions régionales provisoires. En octobre 1974, François Perin fait ainsi partie du tout premier comité ministériel régional pour la Wallonie (octobre 1974), sorte de premier exécutif wallon officiel. Pendant la durée de son mandat ministériel, François Perin entretiendra un mutisme qui désarçonnera les militants de son parti. Je ne peux exercer à la fois un rôle de ministre et un rôle de président de parti. Je dois loyauté à l’équipe ministérielle (1975).

L’écart va cependant se creuser entre nombre de militants et le ministre : l’achat des F16 au lieu des Mirage français ; le projet préparatoire de réformes institutionnelles, la rupture de subsidiation des écoles françaises de Fourons provoquent de vifs remous au sein du Rassemblement wallon. En remettant un Rapport politique au Premier ministre (26 mars 1976) dans lequel il fait le bilan de la régionalisation préparatoire et propose de nouvelles pistes, François Perin tente de donner une nouvelle impulsion au processus de réforme institutionnelle : il propose notamment de superposer les institutions culturelles et régionales, de maintenir les Exécutifs régionaux pendant quelques années encore au sein du gouvernement central et de donner un statut particulier – à définir – à Bruxelles ; Perin propose la suppression de l’agglomération et la fusion des 19 communes bruxelloises (par la suite, dans les années 1980, il émettra l’idée de faire de Bruxelles un district européen). Il estime aussi indispensable d’élaborer une procédure électorale garantissant une représentation propre aux deux communautés linguistiques. N’ayant pas été soumis préalablement à l’aval de son parti, ce Rapport politique va faire éclater publiquement le conflit larvé qui minait le RW depuis son entrée au gouvernement. Convaincu du succès de sa politique (le bureau du PSB présente un document de travail sur la régionalisation définitive le 8 juin 1976), François Perin se heurte à un mur d’incompréhension du côté des militants du RW. Il est vrai aussi que le François Perin volubile et parfois arrogant lorsqu’il était président de parti a fait place à un François Perin taiseux et discret lorsqu’il est devenu ministre.

Durant la même période, François Perin est en contact avec le PSC ; en juillet, avec Jean Gol et Étienne Knoops notamment, il constitue le groupe CRéER, club de réflexion centriste. L’échec électoral du Rassemblement wallon aux communales de 1976 précipite les événements. Après l’échec d’un rapprochement avec le PSC et dans la mesure où il se trouve en désaccord avec le Manifeste politique du président Gendebien, François Perin opte pour un rapprochement avec l’aile wallonne du PLP ; ayant abandonné la voie du fédéralisme intégral, il quitte le RW, dynamise l’ancien parti libéral et lui donne une coloration wallonne. La formation du Parti pour les Réformes et la Liberté de Wallonie est annoncée le 24 novembre 1976. François Perin démissionne de sa charge ministérielle en décembre.

Membre-fondateur du PRLw où il a souhaité avoir la caution des sages Jean Rey et Robert Henrion, François Perin poursuit toujours le même objectif : contribuer à la transformation de l’État belge. Il se refuse à tout négativisme stérile et n’hésite pas, loin de la discipline de parti, à soutenir tout projet qui lui paraît bon, quels qu’en soient les auteurs (bien que dans l’opposition, il s’abstient lors du vote au Sénat du pacte d’Egmont). Au sein du PRLw, François Perin se sent cependant mal à l’aise. Ses contacts avec Jean Gol se détériorent ; l’électoralisme du parti ne lui plaît pas, la présence de Luc Beyer de Rijke, notamment sur les listes européennes, encore moins. Au moment des négociations du Stuyvenberg, il se réjouira de voir le FDF reprendre le principe du Droit d’inscription, que le parti bruxellois avait rejeté quelques années plus tôt, et prônera le référendum d’autodétermination pour les populations des communes bruxelloises ou proches de la frontière linguistique. Entre le FDF et François Perin, les relations seront toujours très tendues.

Présent comme dernier suppléant aux premières élections européennes au suffrage universel (1979), élu par cooptation puis directement au Sénat, il est chef de groupe de son parti lorsqu’il décide de quitter définitivement l’hémicycle parlementaire avec fracas, le 26 mars 1980 : en pleine discussion sur le projet de régionalisation, il donne sa démission d’élu de la nation, disant ne pouvoir rester le représentant d’un État auquel il ne croit plus et d’une nation qui n’existe plus. La Belgique est malade (...) du nationalisme flamand, (...) de la particratie et (...) des groupes syndicaux de toutes natures. Le seul précédent avait été créé en 1839 lorsque Alexandre Gendebien démissionna pour marquer son désaccord sur l’abandon de territoires belges aux Pays-Bas. Cinq ans plus tard, c’est-à-dire le 12 juin 1985, François Perin démissionne du PRL dont il ne peut, dit-il, supporter la politique conservatrice, et avec lequel il ne partage pas la même vision du fédéralisme européen.

Puissant penseur et orateur brillant, François Perin n’a cessé de clamer que la Belgique n’a plus de raison d’être. Au printemps 1982, alors que la crise sidérurgique bat son plein, il considère que la régionalisation est un échec. S’il estime que les lois de 1980 sont mieux que rien, il n’en conclut pas moins que le fédéralisme est bloqué par les prétentions flamandes en matières économiques et sur la question de Bruxelles. Je suis un séparatiste de cœur mais ma raison me dit le contraire (Le Soir, 4 mai 1982). Il estime qu’un rattachement de la Wallonie à la France se réalisera inéluctablement par étapes. Le 26 mars 1982, pour le CACEF, François Perin suscite une réflexion décapante et fouillée en posant la question Quelle identité pour quelle communauté ? Tout au long des années 1980 et 1990, Perin reste un acteur et un observateur attentif de la vie politique belge. Lors des multiples interviews que sollicitent les journalistes, il continue à faire preuve d’indépendance d’esprit mais aussi d’imagination institutionnelle.

Professeur de droit constitutionnel de l’Université de Liège, il est admis à l’éméritat le 1er octobre 1986. Quelques jours auparavant, lors du congrès constitutif de Wallonie Région d’Europe, il apportait sa caution à la naissance du nouveau mouvement wallon (Namur, 25 septembre 1986). Membre de Wallonie Région d’Europe, il ne manque pas de prodiguer ses conseils à José Happart. Néanmoins, rapidement, François Perin fera savoir qu’il ne croit guère au succès de l’idée de l’Europe des régions : ce sont les États qui feront l’Europe et celle-ci pourra alors peut-être “ libérer ” les régions sans effacer les États.

Soucieux de faire aboutir les réformes nécessaires au maintien de l’État belge, dans l’intérêt de ses composantes, François Perin arrive néanmoins à la conclusion que le flamingantisme empêche toute réforme intellectuellement acceptable. Attiré depuis longtemps par la France, il se range progressivement dans les rangs des Wallons qui perçoivent le rattachement de la Wallonie à la France comme une solution réaliste. Le Belgique requiem écrit par René Swennen, un ancien étudiant du professeur liégeois, ne manque pas de l’impressionner (1980). En 1986, il participe à la naissance du Mouvement pour le Retour à la France (Manifeste du 21 octobre). Avec Pierre Ruelle et René Swennen, il est aussi l’un des auteurs et signataires d’un mémorandum destiné aux membres du MRF. Dénonçant les velléités des partisans de l’apprentissage du wallon et de la création d’une langue commune wallonne, les auteurs du Memorandum soulignent les liens multiséculaires qui unissent les habitants de l’actuelle Wallonie et de la France. La langue et la culture françaises sont la langue et la culture naturelles des Wallons qui sont en fait des Français. Ils soulignent que la Flandre, nation en devenir, qui lorgne sur Bruxelles et la Wallonie, est un corps étranger inassimilable pour la France. Conscients que toutes les conditions d’un rattachement de la Wallonie à la France ne sont pas encore réunies, ils constatent cependant une évolution majeure même si entre partisans et opposants au rattachement, c’est le groupe des indifférents qui est le plus important. N’imaginant pas d’autres voies que la démocratie et le suffrage universel pour arriver à leurs fins, les auteurs du Mémorandum prendront un maximum de contacts auprès de tout interlocuteur français quel qu’il soit. Ils affirment aussi que la Wallonie, peuple de langue française, est une fraction de la nation française que seuls les aléas de l’histoire ont maintenu en dehors des frontières de l’État français. Voulant ménager toutes les susceptibilités, le texte prévoit de nombreuses étapes sur le chemin du retour à la France. Quant à Bruxelles, aux communes à facilités et à la Communauté germanophone, leur cas devra trouver une solution particulière. Ce Memorandum servira de base au Manifeste sur la Wallonie française, publié en avril 1990. À Paris, en 1997, lors d’une conférence de René Swennen, chaque participant reçoit une plaquette intitulée Scission de la Belgique, rédigée par François Perin. En 2002, François Perin annonce son adhésion au Rassemblement Wallonie-France, présidé par P-H. Gendebien qu’il considère comme son deuxième fils spirituel, après Jean Gol.
 

Homme de plume, polémiste ardent, François Perin publia notamment La démocratie enrayée. Essai sur le régime parlementaire belge de 1918 à 1958 (IBSC, 1960) ; La Belgique au défi : Flamands et Wallons à la recherche d’un État (Huy, 1962) ; La décision politique en Belgique (CRISP, s.d.) ; Le régionalisme dans l’intégration européenne (Bruxelles, 1967) ; Germes et bois morts dans la société politique contemporaine, (Bruxelles, 1981) ; À la recherche d’une nation introuvable (Bruxelles, 1989).
 

 Paul Delforge

 

 

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