Fils de
commerçants bouchers, vivant dans un milieu ouvrier, Émile Lempereur suit
une formation d’instituteur à l’École normale de l’État à Mons. Instituteur
communal à Châtelet (1928-1950) et à l’Athénée de Châtelet (1950-1963),
chargé de cours à l’École provinciale de service social à Châtelineau
(1948-1952) et à l’École industrielle de Châtelet (1952-1954),
bibliothécaire diplômé de l’Institut provincial d’Éducation et des Loisirs,
Émile Lempereur est surtout un touche-à-tout-culturel-wallon. Déjà en
1930, il créait à Châtelet un club de cinéma et assurait le secrétariat d’un
nouveau cercle local d’histoire et de folklore et, en 1932, figurait parmi
les fondateurs d’un cercle régional d’art et de littérature, qu’il
présidera, après la guerre, pendant un demi-siècle. C’est à partir de 1933
qu’il rayonne à travers la Wallonie. Toute sa vie, il multiplie articles,
causeries, conférences, débats, concerts, expositions, récitals, cours
d’initiation, etc.
Il se
proclame homme de Mouvements et se reconnaît comme un disciple de
Jules Destrée, d’Arille Carlier et d’Élie Baussart ; il s’occupe de
littérature wallonne et française, d’histoire régionale, de toponymie,
d’onomastique, de dialectologie, de folklore, de beaux-arts. Présent dans de
nombreux cercles, il connaît de nombreux artistes et écrivains. Il a
toujours souhaité établir des liens permanents entre tous les groupements,
de Mouscron à Malmedy.
En 1933,
au congrès de langue et de littérature wallonnes qui se déroule à Charleroi,
Émile Lempereur dépose un rapport révolutionnaire sur les sources
d’inspiration de la poésie dialectale. À la suite de ce congrès, il crée
l’Action littéraire interprovinciale wallonne, avec Fernand Stévart, Michel
Duchatto, Marcel Fabry, Franz Dewandelaer, Gabrielle Bernard, notamment. Les
premières manifestations de l’Action sont des adaptations réciproques de
textes et des expositions de livres et de revues. En 1935, membre de la
Ligue wallonne de Charleroi et de la Concentration wallonne, Lempereur fait
partie de la nouvelle équipe de La Wallonie nouvelle, aux côtés de
l’abbé Mahieu et d’Arille Carlier ; en collaboration avec son épouse, il
dirige la page littéraire, artistique et folklorique qu’il a créée en 1936.
Il tient une chronique régulière des Lettres wallonnes à l’INR ; il
est considéré comme la tête de file du mouvement pour le renouveau de la
littérature wallonne. En 1935, avec Fernand Stévart, il organise une
exposition de livres wallons à Amiens, sous l’égide de l’Amitié
franco-wallonne. Conférencier de l’Office des Conférences wallonnes de
Propagande, il collabore à de nombreuses revues françaises et wallonnes dont
Le Pays noir, l’Almanach de La Wallonie nouvelle-Le Carré wallon,
La Défense wallonne (critique littéraire), Échos de Wallonie,
La Flûte de Pan (1938), La Terre wallonne, Radio-Wallonie
(1939). Il est l’un des premiers écrivains wallons à adhérer à la
Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie (1938).
Lorsque
la Seconde Guerre mondiale, Émile Lempereur participe à la Campagne des
Dix-huit Jours. Fait prisonnier sur la Lys, il est envoyé au Stalag IIC, en
Poméranie. Là, il organise un cercle clandestin de conférences auquel il
associe des prisonniers français en vue d’une connaissance réciproque.
Libéré pour raison de santé en juin 1941, il rentre à Châtelet. D’emblée, il
crée l’Aide aux Écrivains wallons prisonniers, dont il devient le
secrétaire. En 1942, il est recruté par la Wallonie libre clandestine. En
contact avec l’abbé De Froidmont (alors chapelain à Pontaury), il distribue
des tracts et le journal Wallonie libre. Avec Maurice Bologne, Nestor
Miserez et Émile André-Robert, il crée, en 1943, la section culturelle du
Conseil économique clandestin de l’ouest wallon, qui deviendra en 1945 la
section carolorégienne de l’Association pour le Progrès intellectuel et
artistique de la Wallonie. Par ailleurs, il refuse de collaborer à diverses
organisations « à tendance germanique », à savoir de faire une conférence
sous les auspices du Grand Charleroi (1941), de collaborer à l’INR, à la
Gazette de Charleroi (1941) ; il refuse aussi d’entrer à la Commission
archéologique du Grand Charleroi (1942) et démissionne de l’Association
littéraire wallonne de Charleroi lorsque celle-ci envoie un délégué lors des
journées culturelles de Charleroi (1942). Il refuse enfin de prendre une
direction de la Communauté culturelle wallonne (1941). Il sera reconnu
résistant par la Presse clandestine du 1er février 1943 au 3
septembre 1944.
À la
Libération, avec Jacques Dupont, Fernand Massart, René Demeuse et M. Salmon,
Émile Lempereur prend l’initiative de créer Le Coq wallon (1945),
hebdomadaire spécifique à la fédération de Charleroi de Wallonie libre. Avec
Albert Gilain, il crée aussi l’hebdomadaire Femmes wallonnes dont il
est le rédacteur en chef. Il fonde encore un comité d’aide aux artistes et
écrivains wallons sinistrés. Membre du Congrès national wallon, il participe
au congrès national wallon de 1945 les 20 et 21 octobre.
Secrétaire du comité artistique des Cahiers du Nord (1945-1960),
créateur et rédacteur unique du Bulletin trimestriel du Cercle d’Art et
de Littérature du Canton de Châtelet (1954-1994), directeur-fondateur
des Cahiers de la Sambre, responsable du mensuel franco-wallon El
Bourdon (1975-1987), Émile Lempereur donne des cours de wallon,
collabore régulièrement au Journal de Charleroi (de septembre 1944 à
décembre 1975). Conseiller d’art dramatique auprès de l’Institut provincial
de l’éducation et des loisirs puis du Centre culturel du Hainaut à partir de
1936, il est membre de la Commission ministérielle pour la promotion des
dialectes de Wallonie (1976-1986) puis du Conseil des Langues régionales
endogènes (1986-1996), membre de comité directeur de l’Union wallonne des
associations culturelles à partir de 1968.
De 1960
à 1985, il visionne des spectacles dialectaux pour la télévision, et
programme des émissions dialectales carolorégiennes pour la RTB-Hainaut.
Membre de la Commission culturelle consultative de Radio-Hainaut
(1947-1977), vice-président des Amis de Radio-Hainaut (1960-1990), il a
figuré dans le comité fondateur du Conseil national des Écrivains de
Wallonie
Rapporteur à de nombreux congrès de langue, de littérature et de folklore
wallons, Émile Lempereur participe à toutes les initiatives nombreuses de
l’Association littéraire wallonne de Charleroi, à laquelle il adhère en
1932, et qu’il préside de 1950 à 1987. Il y mène une politique de
confraternité, de perfectionnement mutuel, d’édition et de présence dans
toutes les manifestations wallonnes. Membre titulaire de la Société de
Langue et de Littérature wallonnes (1955) et de la Société des Sciences, des
Arts et des Lettres du Hainaut (1938), administrateur du Fonds d’Histoire du
Mouvement wallon (1964), de la Fondation Joseph Calozet (1964), de
l’Institut Jules Destrée, de la Fondation Plisnier, administrateur du Foyer
culturel wallon Arille Carlier (1974), membre de l’Union wallonne des
Écrivains et des Artistes, vice-président de la Commission culturelle de
Wallonie libre de Mons-Borinage (1974), créateur des Journées des Écrivains
de Wallonie, celui que Olympe Gilbart qualifiait, en 1950, de Wallon
inoxydable est l’auteur ou l’éditeur d’une soixantaine de livres, tous
inspirés par la Wallonie. Il apporte encore sa collaboration aux journaux et
revues Les dialectes belgo-romans, Alerte, L’Avant-Poste,
Forces nouvelles, La Vie wallonne, La Nouvelle Revue
wallonne. Il collabore au 3e tome de l’encyclopédie
Wallonie, Le Pays et les Hommes, à l’édition de l’Encyclopédie
Larousse en 10 volumes, et au Dictionnaire de la chanson en Wallonie
et à Bruxelles.
Dans les
années ’80, il publie régulièrement dans L’Ethnie française-Francophonie
vivante, la revue trimestrielle de la Fondation Plisnier, des
éphémérides rappelant ce que la Wallonie a fourni à la civilisation
gallo-romane, depuis Charlemagne, comme écrivains, artistes, savants et
institutions. S’inscrivant à la suite des Fleurs de Wallonie de
Lucien Colson (1912), il accomplit totalement seul cette immense recherche
pour laquelle il reçoit le prix Bouvier-Parvillez de l’Académie de Langue et
de Littérature françaises, en 1997.
En juin
1976, Émile Lempereur figure parmi les signataires de la Nouvelle Lettre
au roi pour un vrai fédéralisme rédigée à l’initiative de Fernand
Dehousse, Jean Rey et Marcel Thiry, notamment, et qui vise à dépasser la
régionalisation pour instaurer un fédéralisme véritable, fondé sur le
respect des droits de l’homme et de l’égalité des citoyens, fondé sur
l’égalité politique des communautés et des régions qui ont des pouvoirs
véritables, un fédéralisme où Bruxelles est reconnue comme région à part
entière.
Fondateur, président ou simple membre de
nombreuses organisations artistiques, littéraires, folkloriques, dramatiques
et radiophoniques, Émile Lempereur est tout à la fois poète, essayiste (sur
la littérature dialectale), animateur de la vie artistique et littéraire au
pays de Charleroi et écrivain. Au cours de sa longue carrière vouée à la
Wallonie, il a usé de plusieurs pseudonymes : L. Wallon, A. Debry, El Walon,
J. Fostier, etc. et signé des initiales de sa mère (A.D.) ou de sa femme (J.F.).
Paul Delforge