Représentant de commerce installé à Bruxelles en 1921, René Legaux est bien
décidé à ne pas perdre sa personnalité wallonne. Pourtant, il dit
percevoir très vite la précarité du sort de la Wallonie livrée aux augures
bruxellois et la faiblesse d’action wallonne des sociétés et ligues plus
préoccupées, à ce moment, par les fêtes, le folklore ou les palabres que du
salut de leur patrie. Il s’affilie à de nombreuses sociétés wallonnes,
actives à Bruxelles, avec l’intention de les convaincre et de les amener au
combat politique en faveur de la défense de la Wallonie. Désabusé, il fonde,
en décembre 1927, l’Avant-Garde wallonne dont il devient le vice-président.
Participent aussi à cette entreprise Maurice Esser, Henri Ohn, Henri Albert,
son ami Edmond Dupuis, Charles Subitte et Georgette Cormeau qui deviendra
son épouse. Pendant quinze années, René Legaux multiplie les projets
concrets au sein de l’Avant-Garde wallonne. C’est à ce titre qu’il participe
au tout premier pèlerinage de Waterloo le 16 juin 1928, en compagnie de
Maurice Esser, de Henri Ohn, de Henri Albert et de Raymond Colleye
notamment.
Auteur wallon, René Legaux publie une sélection de ses meilleures œuvres,
primées ou non, sous le titre T’Avau Binche. Il y écrit notamment
Malgré tout, él Wallonie èn mourra nie. Déssus no bèlle terre, i aura toudis
dès Wallons… Il crée aussi l’association Les Amis du Vieux Binche qui
s’occupe de faire revenir dans sa ville le drapeau des volontaires binchois de
1830, conservé à Bruxelles. En fait, il craint que, si Bruxelles perdait ou
abandonnait un jour son caractère français, ce symbole de fierté wallonne
disparaisse. En 1929, il n’hésite pas à arborer le drapeau wallon, à
l’occasion des fêtes de Wallonie, au milieu de la chaussée de Wavre, où il
réside. Malgré les menaces de son propriétaire, Legaux laisse flotter le
drapeau pendant une semaine. Auteur de nombreux articles sur Binche dans
divers journaux, Legaux collabore notamment à La Défense wallonne et au
Guetteur wallon. Président de l’Union binchoise de Bruxelles, il est aussi
l’actif secrétaire de l’Entente des cercles wallons du Hainaut. Républicain et
francophile, il organise, sous couvert de Causeries littéraires, des matinées
mensuelles, à Bruxelles. Alors que l’occupant n’est pas loin, ce chrétien fait
chanter La Marseillaise à l’assistance de ces matinées, et exalte la
grandeur de la France. Parallèlement, il organise de semblables causeries à
Binche, au Théâtre municipal ; il récite des poèmes d’auteurs wallons et à la
gloire de la Résistance ; entre les lectures, ses commentaires sont des
messages à l’adresse de la France et au général de Gaulle. Responsable du
Front de l’Indépendance et membre de l’Armée secrète, il est arrêté le 5
juillet 1944, à Saintes. Le 7 juillet, il est condamné à mort par fusillade
comme terroriste. Emmené à Breendonck, il est torturé mais refuse de dire
qu’il connaît le compagnon qui l’accompagne. Le 30 août, il est emmené à Wught,
puis, le 6 septembre, à Sachsenhausen. Il ne devait pas revenir de Neuengamme.
Paul Delforge