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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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 GAILLY Arthur

     Né à Wanfercée-Baulet le 20 mars 1892,
décédé à Charleroi le 25 juin 1974

Ayant quitté l’école très rapidement pour entrer dans la sidérurgie, Arthur Gailly se révélera un tribun redoutable. Modeste manœuvre d’usine, ouvrier comme son père, militant syndical dès sa prime jeunesse, le jeune Arthur Gailly était né avec un tempérament de meneur d’hommes. Ayant à peine connu les Destrée, Pastur, de Brouckère et Vandervelde, il côtoie davantage les Julien Pappart, Léonard Henry, Eugène Van Walleghem et autres Edmond Yernaux, qui seront ces compagnons de combat politique. Conseiller communal (1921-1934), échevin (1921-1925, 1933) et bourgmestre socialiste (1933-1934) de Mont-sur-Marchienne, il gravira très rapidement les échelons de responsabilités pour finalement se retrouver seul maître à bord tant dans les milieux syndicaux que mutualistes, coopératifs et politiques de Charleroi. Jusqu’à la Grande Grève de l’hiver 60-’61, Gailly décidera seul et imposera sa volonté. De 1929 à 1960, il a été de toutes les grèves et de tous les mouvements sociaux : bien des réformes sociales du milieu du XXe siècle sont liées à son action en faveur tant des sidérurgistes, des houillers, des verriers que des pensionnés. Ses qualités et ses défauts en feront un personnage mythique dans la région de Charleroi, son fief… Orateur doué qui n’hésitait pas à interrompre son discours en français pour haranguer la foule en wallon, leader incontesté du mouvement socialiste carolorégien, anticlérical farouche, il contribuera à faire du Pays de Charleroi un bastion rouge. Réellement préoccupé par le sort de la classe ouvrière, fidèle partisan de l’Action commune, pourfendeur du patronat, ami sincère des dirigeants flamands, Gailly souhaitait avant tout préserver l’unité de toutes les formes de l’Action socialiste et il ne comprendra que fort tard que l’heure du fédéralisme et du régionalisme avait sonné. Contre les marées montantes des grévistes réclamant la venue d’André Renard à Charleroi, Gailly persiste à clamer son attachement au Parti uni et fort, et à un système politique unitaire. Au plus fort de la grève, lors d’un meeting organisé sur le terrain de football du Sporting de Charleroi, Gailly prônera le calme et laissera clairement entendre que les Carolos n’avaient aucune leçon de syndicalisme ni de socialisme à recevoir d’André Renard. Plusieurs mois après les événements de 1960-1961, il reconnaîtra ne pas être monté dans le bon bateau… Pour Arthur Gailly, la grève de l’hiver ’60 marqua incontestablement la fin de son hégémonie. Emporté par ce ras de marée fédéraliste, il se concentrera dorénavant sur “ son ” institut de mutualités, l’Institut médico-chirurgical Arthur Gailly. C’est d’ailleurs davantage dans l’action sociale que wallonne que le souvenir d’Arthur Gailly est le plus marquant. Néanmoins, la question wallonne ne lui a pas été indifférente.

Ainsi, du 27 juillet au 19 septembre 1935, Arthur Gailly écrit, dans Le Peuple, une série d’articles sous le titre Au pays qui ne veut pas mourir ; constatant la fermeture de trop nombreuses usines, il déplore leur départ vers le Nord. Et il demande que l’on réalise un inventaire de toutes celles qui sont dans le cas depuis un quart de siècle. () Car on ne crée plus d’usines chez nous, on va les fonder en pays flamand. Nous sommes menacés de devenir dans cent ans une région désertique. Ces articles vont largement alimenter la réflexion, tant dans le Mouvement wallon qu’en dehors de celui-ci. Quant aux solutions à apporter pour remédier à la désertification de la Wallonie, Gailly pense pouvoir les trouver non pas dans un rapprochement avec la France – comme le suggère généralement le Mouvement wallon – mais plutôt dans le Plan de travail d’Hendrick De Man. (…) Comme tout Wallon qui se respecte, nous nous sentons bien un peu français mais, en l’occurrence, nos préférences et nos sentiments ne comptent pas. Et il ajoute : au surplus, il faut qu’on sache que les travailleurs de Wallonie, dont nous sommes, sont plus près de leurs frères des Flandres que des bourgeois de chez eux, de France, de Navarre ou d’ailleurs.

Jeune député socialiste, Gailly est rapidement épinglé par le Mouvement wallon qui reproche à l’élu de Charleroi, émigré à Bruxelles, d’aller chercher ses directives dans les milieux socialistes de la capitale. Gailly ne cache d’ailleurs pas qu’il n’a jamais voulu verser dans le wallingantisme ni la francophilie. Mais au Parlement, en novembre 1938, il avoue ne pas avoir été attentif aux conséquences de la politique d’indépendance votée en 1936. Il la dénonce alors en proclamant qu’il s’agit d’une fausse sécurité. Tandis que le fascisme triomphe, la seule indépendance belge se trouve derrière les remparts des démocraties assemblées. Nous serons toujours avec les démocraties et la vraie France républicaine. (…) les travailleurs ne tourneront pas leurs fusils ni leurs canons contre le peuple de France. Mises à part ces deux interventions remontant à l’avant-guerre, il faut reconnaître un certain mutisme d’Arthur Gailly sur la question wallonne avant les événements de cinquante, même s’il paraît avoir noué des liens étroits et des amitiés wallonnes avec Georges Thone et Jean Coyette durant la guerre, et qu’en 1945, il est devenu membre du Congrès national wallon.

À la pointe des luttes sociales de l’après Seconde Guerre mondiale, Gailly apparaît alors comme le tribun carolorégien. Contrairement à un André Renard qui refuse le cumul des mandats politiques et syndicaux, Arthur Gailly est à la tête à la fois du syndicat et du parti socialistes de Charleroi (député de 1936 à 1961, secrétaire de la Fédération des Métallurgistes de Charleroi de 1939 à 1965, et secrétaire général de la régionale FGTB de Charleroi dès la Libération, puis président de cette régionale jusqu’en 1961). Personnalité fort écoutée et crainte à la fois, il n’hésite jamais à monter à la tribune pour haranguer les ouvriers ou impressionner ses collègues parlementaires. Il est vrai que la présence de Jean Duvieusart, son adversaire à Charleroi, à la tête du gouvernement homogène catholique a dû motiver le tribun socialiste. Ainsi, au cours du débat d’investiture du gouvernement, vers le 10 juillet 1950, son intervention à la Chambre est-elle fort remarquée : Dans cette lutte, le Peuple wallon est prêt à se replier sur la Wallonie, sa véritable patrie. Syndicalement d’accord avec nos amis flamands, nous constituerons le Mouvement syndical wallon. Nous ferons une confédération avec la Flandre si c’est possible. Sinon, la Wallonie sera seule et libre s’il le faut.

La Wallonie rouge et bleue, la Capitale rouge et bleue, ne se soumettront jamais à la Flandre noire. Léopold ne sera plus jamais le roi des Wallons, moins encore celui des travailleurs.

Le 27 juillet, celui qui était un Londonien de 1940 à 1944, qui critique Léopold III et accepte le maintien du Régent, va même un peu plus loin : Dans une confédération belge, nous voulons que la Wallonie ait des droits égaux à ceux de la Flandre. Si ce n’est pas possible, la Wallonie proclamera son indépendance. Le 31 juillet 1950, il réclame, dans une vibrante allocution, la transformation de la Belgique en une confédération d’États et, si la chose est impossible, l’indépendance complète de la Wallonie.

Après les événements de l’été 1950, l’intérêt manifesté par Arthur Gailly aux problèmes wallons s’estompe : il siège néanmoins au Centre Harmel, où il a été désigné par la Chambre. Il convient de relever aussi que le comité provincial élargi de la FGTB Hainaut, présidé par Arthur Gailly, vote, le 30 août 1952, une résolution en faveur du confédéralisme, système établi dans le cadre belge et garantissant l’égalité des droits entre Flamands, Wallons et Bruxellois. Dans L’Action du 17 février 1956, Gailly évoque enfin, de façon ponctuelle, la question des allocations familiales en Wallonie quand il écrit : Dans le régime actuel, la Wallonie est refaite comme un rat au bénéfice des familles nombreuses flamandes et très souvent cléricales pour lesquelles le régime a été imaginé. Avec la FGTB, nous sommes pour une répartition en fonction de l’âge des enfants et non exclusivement de leur nombre. Les premiers enfants sont plus difficiles à élever ; dès lors il faut augmenter l’allocation aux premiers enfants.

Si le monde ouvrier débraye spontanément durant le mois de décembre 1960, il se trouve quelques représentants syndicaux en Wallonie pour tenter de freiner le mouvement ; Gailly est parmi eux et il est notoire que ses relations avec André Renard ne sont pas au beau fixe. Il y a davantage qu’une simple rivalité de personnes entre Renard et Gailly. À Charleroi, c’est la CGSP qui impose la grève et la FGTB ne suivra que sur le tard, poussée par les manifestants. Fidèle à la ligne du PSB, Gailly l’impose à la FGTB carolorégienne. Il redira en 1965 combien, à ses yeux, la grève de fin 1960 et janvier 1961 (fut) la plus malheureuse, la plus improductive – à courte et longue échéance (Combat, 10 juin 1965, p. 2). Il a aussi des mots très durs à l’égard du Mouvement populaire wallon, auquel il n’adhère évidemment pas : sous-produit des masses flottantes et interchangeables (L’Action, 16 septembre 1961, p. 1). Le pétitionnement de l’automne 1963 est lui aussi décrié au nom de l’idéal socialiste : Le pétitionnement n’a aucun sens, on fait dire ce que l’on veut aux chiffres (…) Il suffirait de comparer les chiffres cités avec les cotisations libres et volontaires versées au Mouvement populaire wallon (L’Action, 14 décembre 1963) ; il conteste notamment le fait que des listes aient pu être signées dans les usines et les charbonnages.

Après la période des grandes tensions du début des années soixante, où Gailly démissionne de la présidence de la Régionale FGTB de Charleroi (1961), il écrit : On nous a collés ensemble, Flamands ou Ménapiens au Nord, Wallons ou Nerviens au Sud La Belgique est, à la longue, devenue un champ de bataille pour nos voisins Et de traiter de psychopathes les deux clans qui veulent, l’un le rattachement à la Hollande, l’autre à la France. Fataliste, il conclut que, bon gré mal gré, pour le bonheur et pour le pire, la situation est impossible à changer (Drôle de pays, dans L’Action de mars 1966).
 

 Paul Delforge

 

 

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