Après des études moyennes inférieures et une
quatrième année industrielle, Georges Dejardin réussit une première épreuve
de géomètre arpenteur, suit ensuite des cours à l’École ouvrière supérieure
et devient agent commercial temporaire (1930-1937). Engagé dans le mouvement
socialiste, il devient secrétaire national adjoint des Jeunes Gardes
socialistes (1938-1940). Mobilisé au début de la Seconde Guerre mondiale, il
se retrouve, comme de nombreux jeunes Wallons de sa génération, captif
pendant les cinq années de guerre. Prisonnier de guerre, il est contraint à
exercer le métier de valet de ferme (1940-1945).
Journaliste, secrétaire national de la Centrale
d’Éducation ouvrière (1945-1950), Georges Dejardin est élu conseiller
communal de Liège (1946-1964) ainsi que conseiller provincial (1946-1950).
Député de Liège (1950-1965), il est désigné comme sénateur provincial
(1965-1968) puis élu directement sénateur (1968-1974). Intéressé plus
particulièrement par les questions d’éducation et de culture, il est
rapporteur de plusieurs projets de loi importants (réforme de l’enseignement
secondaire, majorité à 18 ans, statuts du prisonnier de guerre, etc.).
Membre de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe, membre de l’Assemblée
de l’Union de l’Europe occidentale (1962-1965), il devient secrétaire
adjoint de l’Agence de Coopération culturelle et technique (Paris) avec le
statut de diplomate (1974-1976). Président-fondateur de la Guilde belge du
livre (1956-1978), membre du Grand Liège, il est l’auteur de plusieurs
articles et ouvrages dont l’un est consacré aux soixante ans du suffrage
universel.
Dans Socialisme (novembre 1960, p.
809-816), il développe le point de vue d’un Wallon modéré sur les problèmes
linguistiques. Il insiste sur la divergence des enjeux entre Flamands et
Wallons. Alors que les premiers continuent à placer la priorité sur les
questions d’égalité et d’autonomie culturelle, les seconds sont davantage
préoccupés par des questions d’ordre socio-économique. Se référant aux
conclusions de la Commission politique du Centre Harmel, il soutient la
fixation définitive de la frontière linguistique, défend le bilinguisme des
services de l’État mais dénonce le bilinguisme obligatoire des agents.
Favorable à un régime de facilités pour les communes sises sur la frontière
linguistique, il souhaite que le recensement de la population de 1960 puisse
permettre de déterminer les limites de la région bruxelloise. Insistant sur
le fait que la Wallonie est particulièrement défavorisée en matière
d’équipements de base (autoroute, ligne de chemin de fer, voies d’eau,
logement, industrie de base…), il s’inquiète de la minorisation politique de
la Wallonie au Parlement belge et prône la création d’un Sénat géographique
et paritaire.
Proche d’André Renard au moment de la Grève
contre la loi unique, c’est lui qui rédige, au nom de l’Action commune, le
texte de l’Appel aux soldats qui vaudra au journal La Wallonie
d’être saisi en décembre 1960. Membre du Comité d’Action wallonne de Liège
(1962-1963), Georges Dejardin participe au pétitionnement de l’automne 1963
organisé par le Collège exécutif de Wallonie et qui recueille 645.499
signatures en faveur du referendum d’initiative populaire notamment ; au nom
des divers groupements wallons, Georges Dejardin est chargé d’apporter les
milliers de listes de signatures au greffe du Sénat. Il fait ainsi décharger
des camions de documents dans les caves du Parlement. Pourtant, cinq jours
plus tôt, Dejardin avait dénoncé publiquement au sein de son parti le
pétitionnement qu’il avait pourtant patronné au nom de l’action wallonne. De
plus, dans un article de Socialisme (septembre 1963, p. 525-534), où
il explique le nouveau Compromis des socialistes, il dénonce en
termes à peine voilés le Mouvement populaire wallon parce qu’il s’inscrit en
marge du PSB, en opposition à la démocratie parlementaire et parce qu’il
s’enrobe d’un nationalisme anachronique dangereux pour la conscience de
classe. Se référant aux conclusions du Congrès des socialistes wallons
(24 septembre 1961), il tente de maintenir l’unité du Parti socialiste belge
et de défendre la pertinence du Compromis socialiste de 1963, dont
les quatre axes principaux sont : l’instauration d’un Sénat paritaire, la
décentralisation économique (création d’un Conseil économique et social et
de sociétés régionales de développement, d’investissement et d’aménagement
du territoire), la décentralisation sociale, l’autonomie culturelle
(Conseils culturels). Considérant que le fédéralisme est impossible à
obtenir en raison de l’opposition des socialistes flamands et bruxellois, il
prône une voie médiane, entre révolution (fédéralisme) et statu quo
(unitarisme).
Éloigné
des travaux qui conduisent à la réforme de l’État et des débats au terme
desquels les régions et communautés sont inscrites dans la Constitution,
Georges Dejardin a néanmoins l’honneur d’être le premier président élu du
Conseil culturel de la Communauté française (7 décembre 1971). Il préside
dès lors les premiers travaux de la nouvelle assemblée et reçoit, notamment,
la proposition de décret relative à la fixation d’une fête de Wallonie, d’un
drapeau et d’un hymne. Rédigée par Maurice Bologne et déposée, le 6 juillet
1972, à l’initiative de Fernand Massart par les parlementaires
Lassance-Hermant, Defosset, Leroy, Levaux et Defraigne, la proposition est
soumise à l’avis du Conseil d’État par Georges Dejardin (31 août 1972). Le
président du Conseil culturel suit ainsi une procédure normale, mais ne
manque pas de faire savoir son opposition personnelle à une proposition que
le Parti socialiste n’a pas contresignée.
Paul Delforge