Léonie de Chestret était la fille du baron de
Chestret de Haneffe, commissaire d’arrondissement (1830) puis sénateur
libéral (1846-1851) de Liège, et la nièce du savant bien connu Edmond de
Sélys Longchamps. Formée par une série de gouvernantes qui lui donnent le
goût de l’histoire et la connaissance de six langues, elle se proclame
d’opinion libérale, démocrate, tolérante et croyante. Elle épouse le baron
Victor de Waha de Baillonville, qui décède quatre ans plus tard, à l’âge de
31 ans. Veuve jeune, elle décide de se rendre utile à ses semblables :
poursuivant l’œuvre de son mari, elle s’associe à la Société Franklin et
développe des bibliothèques à Chênée et à Esneux. Par ailleurs, elle fait
construire des maisons ouvrières suivant le système de Mulhouse (six groupes
de quatre maisons adossées avec jardinet en façade), maisons louées avec
faculté d’en devenir propriétaire en seize ans. Elle développe aussi, dans
le quartier de Saint-Gilles, à Liège, plusieurs écoles et jardins
d’enfants ; elle fonde, à Tilff, une école de coupe et de couture.
Jusqu’au deuxième tiers du
xixe siècle, il
n’existait, à Liège, aucun établissement scolaire formant les jeunes filles
à l’Université. À la demande du bourgmestre d’Andrimont et sous la forme
d’une Société anonyme, Léonie de Waha achète un immeuble rue Hazinelle et y
crée l’Institut supérieur de demoiselles (1868), repris ensuite par la ville
de Liège (1878) et devenu Lycée de Waha. À l’Institut supérieur de
Demoiselles, l’enseignement de chaque culte est donné par un prêtre de sa
religion, avec faculté d’en être dispensé à la demande des parents. L’Institut
est contesté par l’Évêque de Liège qui refuse d’admettre la présence d’un
prêtre catholique, d’un pasteur et peut-être d’un rabbin dans un même
établissement. Lorsque l’Institut est inauguré, Mgr de Montpellier
excommunie tous ceux qui le fréquentent (direction, personnel enseignant,
élèves et parents). Le successeur de de Montpellier, Mgr Doutreloux, lèvera
l’excommunication.
Pionnière de l’enseignement féminin, elle
encourage les Djônes Auteûrs Walons, ainsi que la Garde wallonne (de
Liège) présidée par son petit-fils, Hector de Sélys. Elle accepte aussi de
présider l’Union des Femmes de Wallonie que Marguerite Horion vient de
fonder. Né le 28 octobre 1912, le mouvement Union des Femmes de
Wallonie (UFW) s’inscrit dans le prolongement du congrès wallon
(juillet), de La Lettre au roi de Jules Destrée (15 août) et de la
création de l’Assemblée wallonne (20 octobre). Par le biais de diverses
activités et de la publication de son bulletin, l’Union des Femmes de
Wallonie se veut le stimulant d’une conscience politique, wallonne au
premier chef, chez les femmes de Wallonie.
Préconisant une large autonomie administrative
dans le cadre belge, réclamant la réalisation de manuels d’histoire où l’on
tiendrait compte du passé wallon, très attachée à Liège et à la Wallonie,
ainsi qu’elle l’écrit elle-même, Léonie de Waha propose à l’Assemblée
wallonne réunie en 1913 pour choisir l’emblème de la Wallonie, le Perron du
Pays de Liège aux couleurs de flamme de la Cité ardente. Si les couleurs
sont retenues, le coq l’emporte sur le perron. Paix de Fexhe… que
n’a-t-on développé ces principes en les accommodant aux temps actuels !
Nous aurions aujourd’hui un état politique et social semblable à celui de la
Suisse ! Même les Flamands ne nous gêneraient pas, puisque la
décentralisation les mettrait dans l’impossibilité de nous dominer et nous
accabler de vexations, écrivait Léonie de Waha, une vieille liégeoise
qui, depuis 1848, rêve de l’autonomie de sa Patrie wallonne. Si l’Assemblée
wallonne ne retient pas le perron, elle conserve cependant une autre idée de
Léonie de Waha, à savoir la gaillarde comme un des symboles de la Wallonie.
Soutenant le combat des “ jeunes ”, Léonie de
Waha les encourage, en 1922, à établir à Tournai une nouvelle université en
déménageant les livres, les instruments, les professeurs et les cours en
français que les Flamands ne veulent plus à Gand ! (La Barricade, n°
1, 1922). Elle écrit dans La Barricade et dans La Femme wallonne.
Paul Delforge