Comme nombre de jeunes Wallons de sa
génération, Jean Cudell est pris dans la tourmente de la Seconde Guerre
mondiale alors qu’il est toujours étudiant. C’est à Londres, en 1943, qu’il
passe sa première licence en droit devant le jury central. Engagé volontaire
auprès des forces belges en Angleterre (brigade Piron), lors de la Seconde
Guerre mondiale, il participe au premier congrès du Congrès national wallon,
à Liège, en octobre 1945. À la Libération, il devient docteur en droit de l’Université
de Liège (1946), puis reprend le commerce de jouets de ses parents (1948).
Président des Jeunesses libérales, candidat libéral aux élections de 1949,
Jean Cudell est très hostile à Léopold III lors de la Question royale. Il
déclare avoir adhéré spontanément aux idées wallonnes mais il ne joue pas un
rôle actif au moment de la grève de 1960.
Secrétaire du Groupe des commerçants et des
artisans du Mouvement populaire wallon (créé à Liège en septembre 1961), il
rejoint pourtant le Mouvement libéral wallon, en raison du rejet, par le
Parti libéral, des thèses fédéralistes. Considérant le passage des Fourons à
la province de Limbourg comme un marchandage socialiste en relation avec
Mouscron-Comines, ce commerçant liégeois entre au Rassemblement wallon en
1968. Aux élections du 31 mars 1968, il occupe la troisième place sur la
liste du parti à la Chambre, dans l’arrondissement de Liège, liste conduite
par François Perin et Pierre Bertrand. Il est élu député suppléant. Une
semaine après l’élection, Cudell devient vice-président du nouvel exécutif
du Mouvement libéral wallon dont c’est la renaissance après quelques années
de sommeil. C’est en tant que représentant du Mouvement libéral wallon qu’il
participe au congrès extraordinaire des quatre mouvements wallons (Jambes,
22 février 1969). Membre du comité de patronage de la grande mobilisation
wallonne du 19 avril 1969, il apporte ainsi son soutien à l’action lancée en
1968 par les quatre mouvements wallons, sur base du Memorandum
réalisé par le Conseil économique wallon (1968) : il s’agit de mobiliser
tous les Wallons pour obtenir au minimum une réelle décentralisation
économique. Membre du comité d’arrondissement de la régionale de Liège du
Rassemblement wallon (1969), il se dit indifférent à la problématique
bruxelloise.
Arrivé en 1963 au sein
du Mouvement libéral wallon, Jean Cudell y joue d’abord un rôle discret. Il
ne paraît pas être mêlé aux querelles intestines qui minent le mouvement
jusqu’en 1968. Vice-président lorsque André Piron relance le mouvement,
Cudell s’affirme nettement hostile à la politique unitaire du PLP et réclame
une place pour le Mouvement libéral wallon dans le courant politique wallon.
Jean Cudell joue alors un rôle plus important dans l’animation du Mouvement
libéral wallon. En 1969, au moment des travaux du groupe des Vingt-huit, il
insiste sur l’importance d’une autonomie régionale en matière économique et
sur le parallèle à maintenir entre autonomie culturelle et autonomie
économique. Partisan d’un fédéralisme à trois régions homogènes (Wallonie,
Flandre, Bruxelles), il exige la consultation des populations pour fixer la
frontière linguistique, exclut toute formule provinciale même en matière
économique et réclame la constitution d’une aile wallonne dans tous les
partis traditionnels.
En 1970, Jean Cudell devient président du
Mouvement libéral wallon. Sous sa direction, le MLW se réunit à de
nombreuses reprises et, par voie de communiqués de presse, définit sa
position par rapport à la réforme institutionnelle de 1970. Les Fourons, la
révision du tracé de la frontière linguistique, des garanties pour Bruxelles
et la reconnaissance de trois régions figurent parmi les priorités que le
MLW veut voir respectées, notamment et surtout par le PLP. À la même époque,
Jean Cudell propose à Jacques Yerna, président du MPW, un rapprochement
entre travailleurs et travailleurs indépendants. Jean Cudell affirme avoir
eu une longue réunion sur ce sujet avec André Renard, en 1962. Sa
proposition, en 1970, de créer une Commission d’étude sur la question n’aura
pas de suite.
Proche du Rassemblement wallon, Jean Cudell
figure en huitième position sur les listes de l’alliance Rassemblement
wallon, Démocratie chrétienne, Centre Gauche wallon aux élections communales
de Liège, en 1970. Les élections seront annulées et recommencées en juin
1971. À ce moment Cudell s’écarte du Rassemblement wallon et présente une
liste sous son nom. Il recueille 1,2% des suffrages liégeois et n’est pas
élu. La constitution à Liège du mouvement Centre Gauche wallon, émanation
des libéraux liégeois, concurrent du MLW, est à l’origine de cet
éparpillement des voix wallonnes, estime Jean Cudell.
La fusion de diverses listes de libéraux
dissidents donne naissance à un Parti radical dont la base doctrinale peut
se résumer en quatre points : intransigeance sur le plan des libertés
individuelles du citoyen ; résolution de la question sociale ; instauration
du fédéralisme ; intégration de la Wallonie dans l’Europe, en commençant par
le monétaire, puis l’économique et enfin le politique. Jean Cudell préside
le nouveau parti qui compte une fédération wallonne et une fédération
bruxelloise. À la fin des années septante, Jean Cudell quitte la politique
et s’éloigne du Mouvement libéral wallon. Déçu, il déclare que le Mouvement
wallon est trop morcelé pour être efficace.
Paul Delforge