Fils d’un fonctionnaire au ministère des Chemins de fer
originaire du Hainaut, Georges Moulinas est diplômé en droit à
l’Université libre de Bruxelles en 1909, devient stagiaire
auprès de Me L. André (1909), puis avocat à la Cour
d’Appel de Bruxelles (1913). Jusqu’alors, Moulinas ne semble pas
avoir été en contact avec le Mouvement wallon.
Durant la Grande Guerre, Georges Moulinas considère qu’il
convient de s’accommoder et, si possible, tirer parti de la
séparation administrative réalisée par les Allemands. La rumeur
se fait plus forte quant à une paix de compromis et les
revendications flamandes semblent trouver de plus en plus de
satisfactions de la part de l’occupant. Dès lors, Moulinas
accepte les propositions de l’occupant allemand de devenir
directeur de la protection de l’enfance à Namur et directeur de
l’administration de la Justice installée à Namur ; il
démissionne alors de son poste de juge suppléant à la justice de
Paix de Saint-Josse-ten-Noode. Il aurait réalisé une étude sur
la réforme de la magistrature, qu’il ne croyait pas pouvoir
appliquer avant la signature de la paix.
Invité par Oscar Colson à signer le manifeste Au Peuple de
Wallonie (1er mars 1918), il devient membre du
Comité de Défense de la Wallonie et, en son sein, aurait été le
responsable d’un Bureau de presse. Partisan de l’émancipation
politique de la Wallonie dans le cadre de la Belgique, il entend
ainsi poser la question wallonne sur le plan international et
défendre les intérêts wallons face au danger qu’il identifie
venir du Raad van Vlaanderen et des indépendantistes
flamands.
Rédacteur occasionnel de L’Avenir wallon, il fait part de
Réflexions d’un Wallon sur la Bataille des Éperons d’Or où se mêlent anti-flamingantisme et amour de la
France : « Pourquoi nous en cacherions-nous ? Le 11 juillet 1302
sera toujours pour nous une date sinistre. Le souvenir de cette
date sera toujours particulièrement douloureux à notre cœur. La
journée des Éperons d’Or
est une défaite française, c’est aussi une défaite wallonne ».
À plusieurs reprises, Georges Moulinas prend publiquement la
parole. Animateur du groupe l’Avant-Garde wallonne, il donne une
conférence sur le Symbolisme dans la littérature, en avril 1918.
Au sein d’un Centre de formation établi au Casino de Namur,
Moulinas donne encore quelques cours de droit administratif aux
jeunes « fonctionnaires ». Au théâtre de Namur, le 24 juillet
1918, lors d’une fête de charité, il présente le programme
politique fédéraliste du Comité de Défense. En juillet toujours,
il prononce une conférence à l’Eden, où il fait le bilan de la
séparation administrative et demande que l’on défende l’idée
d’une Wallonie libre au sein d’une Belgique indépendante.
Après l’Armistice, l’opinion publique se déchaîne. Arrêté le 21
novembre 1918, emprisonné immédiatement, Moulinas est rapidement
jugé. En mars 1919, il comparaît devant le Conseil de Guerre.
Déjà rayé de l’Ordre des avocats sur décision du Conseil de
l’Ordre du Barreau de Bruxelles, Moulinas se voit reprocher
d’avoir signé le manifeste du 1er mars 1918, d’avoir
collaboré au journal L’Écho de Sambre et Meuse et d’avoir
accepté la place de directeur au ministère wallon de la Justice.
On lui reproche aussi d’avoir posé divers actes de politique
séparatiste militante, notamment d’avoir pris la parole lors
d’un meeting wallon au théâtre de Namur. Au cours du procès,
l’accusation porte sur une correspondance déguisée que les
responsables du journal L’Écho de Sambre et Meuse
auraient entretenue avec les prisonniers belges dans les camps
allemands et dont le but était de les éloigner de l’union
nationale. Il est également reproché à Moulinas un article de
L’Écho dirigé contre les magistrats belges en grève.
Fondamentalement, il est reproché à Moulinas d’avoir sapé
l’unité nationale, ainsi que soutenu l’ennemi par le fait
d’avoir défendu la séparation administrative. Il est alors
condamné à douze ans de réclusion. Réduite à trois ans par le
ministre de la Justice Émile Vandervelde, sa condamnation est
mise en corrélation avec celles prononcées par la suite à Namur.
En 1921, après vingt-sept mois de prison, Moulinas recouvre la
liberté.
Après s’être essayé dans la publicité, l’ancien avocat à la Cour
d’Appel de Bruxelles devient commis voyageur en cartes
postales…. Ses anciens collègues comme le bâtonnier Botson
l’aident à se réinsérer. N’ayant reçu aucune révocation
officielle de la Cour de Cassation, il demeure toujours juge
suppléant. Absent du Mouvement wallon avant-guerre, Moulinas ne
sera membre d’aucune association wallonne après l’Armistice.
Paul Delforge
Paul
Delforge, La
Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la
séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 |