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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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Mottard Jean 

    Né à Herstal le 19 avril 1925, décédé à Liège le 22 juillet 2006 

Docteur en droit de l’Université de Liège (1948), avocat au barreau de Liège (1950), pénaliste renommé, spécialiste des acquittements difficiles et des causes désespérées, Jean Mottard plaide avec succès de nombreuses affaires d’assises, dont le procès du Softénon au début des années ’60 qui le place sur le devant de la scène publique quand il obtient l’acquittement du Docteur Casters. Maître de stage d’un jeune avocat qui se réclamait de la gauche extrême (Jean Gol), compagnon de sorties de Freddy Terwagne lorsqu’ils étudiaient ensemble le droit à l’Université de Liège, Jean Mottard entre très tard en politique, bien qu’il ait déjà milité dans les milieux wallons et progressistes au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et au début des années soixante.

Au lendemain de la Libération, en effet, Jean Mottard participe à l’éphémère Forces nouvelles (février 1945-août 1946), hebdomadaire fondé à l’initiative de la famille Levaux et proche de l’Union démocratique belge ; pendant une courte période, il est d’ailleurs le secrétaire de rédaction du journal. Jeune étudiant, il participe également au Congrès national wallon qui se tient à Liège, les 20 et 21 octobre 1945. Il prend déjà nettement conscience de l’importance du fédéralisme pour l’avenir de la Wallonie, mais c’est sa rencontre avec André Renard qui marque son enracinement dans le Mouvement wallon. Défenseur des « casseurs » de la gare des Guillemins (grève de l’hiver ’60-’61), l’avocat liégeois est séduit par le programme du Mouvement populaire wallon, surtout les réformes de structure économiques et sociales. Lors du deuxième congrès du mouvement (Liège, décembre 1962), le président de la cantonale de Liège (mars 1961) se déclare partisan du fédéralisme et des réformes de structure et dénonce les attaques dont sont victimes les populations des Fourons. Prônant un dialogue permanent avec les fédéralistes flamands, Jean Mottard veut aussi rassurer les catholiques wallons que jamais la Wallonie fédérale ne se fera contre eux. Présent à de nombreuses reprises dans les Fourons où il donne notamment des conférences, il est l’un des « pionniers » de la résistance « à l’annexion », et l’avocat de la cause fouronnaise avec son confrère, parfait bilingue, Max Hoge. Vice-président du bureau de la régionale de Liège (1962-1969), Jean Mottard est l’un des deux délégués liégeois au bureau fédéral du Mouvement populaire wallon (1965) et l’un des neuf délégués de Liège au conseil général. Lors du cinquième congrès (Namur, 23 juin 1968), il s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour réaliser une gauche wallonne. Il suggère d’élaborer un programme, simple, qui pourrait être largement diffusé. Il dénonce par ailleurs le fait que l’autonomie culturelle telle qu’elle est conçue dans le programme du gouvernement Eyskens-Merlot repose essentiellement sur une base linguistique.

À l’occasion de l’Assemblée commune des trois Mouvements wallons (Liège 18 décembre 1976), Jean Mottard considère que ce serait une erreur historique de sacrifier l’essentiel des revendications wallonnes (fédéralisme et réformes de structure) à des considérations tactiques erronées. C’est l’exemple wallon qui permettra aux progressistes flamands de s’exprimer. Il propose que le 1er mai 1977 soit placé sous le signe du renouveau wallon.

Avocat de la FGTB Liège-Huy-Waremme, il joue un rôle important dans l’ombre de Robert Gillon avant d’entrer en politique au sein non pas du parti socialiste mais du Rassemblement wallon. Présent sur les listes du parti wallon aux élections d’avril 1977 et de décembre 1978, il n’est pas élu. Il réagit très durement en apprenant la chute du gouvernement Tindemans II alors que le Pacte d’Egmont était en cours de négociation et que la Wallonie commençait à croire que les lois de 1970 allaient enfin être appliquées. Avec l’ensemble du conseil général du MPW (réuni à Namur le 24 février 1979), Jean Mottard a des mots très durs contre le CVP et, s’il se réjouit du front francophone constitué par le PS, le PSC et le FDF pour résister au front flamand, il ne pense pas qu’il s’agisse là de l’amorce du rassemblement des progressistes que le Mouvement populaire wallon appelle de ses vœux. Il est plus que jamais convaincu que le fédéralisme est la seule solution aux problèmes wallons, un fédéralisme à trois qui accorde aux régions de réels pouvoirs et compétences. Avec Pierre Lothe et Léon Damery, Jean Mottard s’insurge aussi particulièrement contre le sort qui est réservé aux Fourons. Aucun démocrate ne peut rester insensible à la situation des Fourons (1979). Avec Robert Gillon et José Happart, Jean Mottard est membre du comité de Wallonie-Fourons, créé au printemps 1980, et où il représente le MPW.

En octobre 1981, il démissionne du Rassemblement wallon, dont il était l’un des vice-présidents, pour protester contre la présentation de listes communes RW-FDF aux élections du 8 novembre 1981 et l’orientation « pro-communauté française » que cela implique. Avec P-H. Gendebien, Yves de Wasseige et les trois autres vice-présidents du RW (J-É. Humblet, Marie Caprasse et Paul Nopère) qui formaient déjà la tendance Indépendance et progrès au sein du RW, il participe à la création du Rassemblement populaire wallon. Le nouveau parti défend un fédéralisme fondé sur trois Régions, rejette l’option « Communauté française » et par conséquent l’idée de la fusion qui représente, pour le RPW, la négation de la Wallonie et un obstacle à l’émergence de la Région bruxelloise. À Liège, le RPW fait alliance avec le PS et se présente en cartel sous le nom de Rassemblement des progressistes. Une place en ordre utile est offerte à Jean Mottard, qui est élu : député socialiste-tendance RPW en 1981 (3.326 vp.), réélu en 1985 (4.732) et 1987 (5.915), l’avocat de José Happart et le conseil de l’Action fouronnaise ne devient membre du PS qu’en septembre 1988. De 1985 à 1987, il préside la Commission des Technologies nouvelles, des Relations extérieures, des Affaires générales et du Personnel du Conseil régional wallon.

                                                                              

Lors des élections communales d’octobre 1982, il se présente à Liège en cartel avec le PS, sur une liste du Rassemblement des Progressistes et Socialistes Wallons (RPSW) qui s’oppose à l’Union pour Liège (UPL) des libéraux Michel Foret et Jean Gol et des sociaux-chrétiens conduits par William Ancion. Réélu en octobre 1988, en tant conseiller communal PS, Jean Mottard se refuse cependant à se lier à un « clan », oscille entre réalisme et souhaitable entre le PS officiel, dont le RPW est partenaire, et les « rebelles » régionalistes wallons vis-à-vis desquels il est en forte sympathie, tout en exerçant sa liberté de penser et de critiquer ; ainsi, quand est émise l’idée de vendre le tableau de Picasso, détenu par la ville de puis son achat à Lucerne en 1939, pour rééquilibrer les caisses communales, le président de la Commission de la Culture de Liège (1989-1994) fait entendre fermement son opposition (mars 1990). Ce sont les années où les finances de la ville de Liège conduisent le bourgmestre Édouard Close à imposer un plan de restructuration drastique, avec le ministre de l'Intérieur Louis Tobback et en accord avec André Cools qui deviendra le ministre de tutelle de la ville de Liège (1988-1990), dans une atmosphère particulièrement tendue: les poubelles ne sont plus ramassées pendant plusieurs semaines et le personnel communal qui craint pour son emploi mène un long mouvement de grève. Lorsqu’il faut pourvoir au remplacement du bourgmestre Édouard Close (décembre 1990), le nom de Jean Mottard circule avec insistance, comme conciliateur et réconciliateur… avant que Henri Schlitz ne soit finalement désigné.

Porteur d’une « triple casquette » parlementaire, Jean Mottard siège, de 1981 à 1995, à la Chambre des Représentants, au Conseil régional wallon et au Conseil de la Communauté française. Deuxième vice-président de la Chambre (1989-1992), président de la Commission de la Justice de la Chambre (1988-1995), l’avocat et juriste se voit confier un domaine dans lequel il excelle. Mais les dossiers qu’il va avoir à examiner ne sont pas de tout repos. En novembre 1989, après son adoption par le Sénat, le projet de loi sur la dépénalisation partielle de l’avortement revient en Commission de la Justice : Jean Mottard devra faire preuve de patience et de diplomatie pour mener les travaux à leur terme (mars 1990). Par ailleurs, faut-il rappeler que les années ’80 ont notamment été marquées par les tueries du Brabant et les actions des CCC ? Membre de la commission parlementaire d'enquête sur le banditisme et le terrorisme, Jean Mottard est ainsi amené à rouvrir les dossiers relatifs aux secrets de l'affaire Pinon, à l'incendie de l'hebdomadaire Pour (1981), au «suicide» du chef du W.N.P. Paul Latinus (1984)… Au moment du dépôt du rapport de la Commission d’enquête en mai 1990, Mottard rejette la thèse du grand complot et en appelle à une « révolution tranquille » mais ferme dans le monde judiciaire, afin d’éviter les errements identifiés. Dans la foulée, il signe la préface de l’ouvrage que le journaliste René Haquin consacre aux « Tueries du Brabant, enquête parlementaire sur la manière dont la lutte contre le banditisme et le terrorisme est organisée », et auquel il a apporté sa collaboration.

Absorbé par les travaux de la Commission de la Justice, l’élu de Liège ne consacre guère de temps aux travaux des assemblées fédérées. Deux interventions seulement marquent son activité au sein du Conseil régional wallon entre 1988 et 1991. Néanmoins, ce sont ses interpellations répétées qui conduisent les entités fédérées à intervenir pour sauver l'Hôtel de Soër de Solières, seul exemple liégeois d'architecture de type « Renaissance italienne », menacé de disparition. Par ailleurs, président-fondateur de RTC depuis 1971, le député Mottard réclame au Conseil de la Communauté française des subventions proportionnelles à l’importance des activités de la télévision liégeoise (1991).

Restant partisan de l’indépendance de la Wallonie et un défenseur acharné de la cause fouronnaise, Jean Mottard avait encouragé le Parti socialiste présidé par Guy Spitaels à réaliser une nouvelle avancée institutionnelle et à résoudre définitivement la question fouronnaise, selon ses revendications les plus chères. Les circonstances paraissaient propices au soir du scrutin de décembre 1987. Quand, enfin, la crise politique qui a duré cent jours au niveau du pouvoir national se dénoue en mai 1988, il se montre déçu par les résultats finalement obtenus. Afin de mieux faire entendre sa voix à l’intérieur de la formation politique, il rallie alors officiellement le parti socialiste. En 1988 et en 1989, Jean Mottard fait partie des mandataires qui votent les lois qui transfèrent vers le pouvoir régional wallon notamment les travaux publics et les communications (excepté la Sabena et la SNCB), le Fonds des Communes et le Fonds des Provinces, ainsi que les programmes de résorption du chômage et les cinq secteurs économiques qui étaient restés nationaux. Il adopte alors aussi le principe du transfert des compétences résiduaires vers les régions et communautés et celui du vote direct et distinct des conseils régionaux. En janvier 1989, il participe enfin au vote de la loi communautarisant l'enseignement et son financement. Une nouvelle étape dans la réforme de l’État est franchie, les entités fédérées obtenant un large accroissement de compétences et une augmentation des budgets, Bruxelles étant reconnue comme Région-Capitale. Convaincu que l’avancée aurait pu être plus forte encore, Jean Mottard accepte avec une certaine résignation une solution provisoire pour Fourons ; moyennant une série de compensations améliorant la vie des Fouronnais, Nico Droeven est nommé bourgmestre, tandis que José Happart accepte un mandat de premier échevin (accord dit de la Saints-Innocents, 28 décembre 1988).

                                                                                

Et dans l’atmosphère pesante qui règne alors au PS, entre ceux qui ont accepté la participation au gouvernement et ceux qui l’ont refusée, Jean Mottard s’essaye à nouveau au rôle de conciliateur, dénonçant la chasse aux sorcières faite aux opposants de mai ’88 (Dehousse, Happart, Van Cauwenberghe) par les partisans d’André Cools. Rappelant que le droit de tendance fait partie du débat démocratique, il stigmatise aussi les excès verbaux des « contestataires » et réclame la fin du clanisme dans l’intérêt général du parti socialiste. Ce rôle d’entre deux ne plaît cependant pas. Ayant assisté impuissant à un important renouvellement des membres du Conseil d'administration de l’asbl en 1990, il pressent un entrisme de la Fédération liégeoise du PS, et proclame vouloir maintenir autant que possible l’indépendance des journalistes ; un an plus tard, il est remplacé à la présidence de RTC par Maurice Demolin, provoquant même la réaction offusquée de Jean Gol. Défenestré, Jean Mottard dénonce un accord PS-PSC et refuse le titre honorifique de président d’honneur (juillet 1991). En juin 1992, non sans surprise…, il retrouve la présidence de RTC, s’imposant d’une seule voix au candidat officiel de la Fédération du PS, soutenu par le PSC. C’est sous sa présidence qu’est décidé le déménagement des locaux de RTC dans le quartier du Laveu.

Atteint par la limite d’âge fixée par le parti, Jean Mottard ne se représente pas au scrutin de novembre 1991. Toutefois, réanimant le Rassemblement populaire wallon et ses centaines de sympathisants, il encourage tous ceux qui avaient voté pour lui en 1987 (5.915 voix de préférence) à soutenir le candidat Jean-Maurice Dehousse, relégué au septième rang de la liste PS à la Chambre.

Au-delà de ce rapprochement entre le groupe Perron et le RPW, Jean Mottard reprend alors ses activités d’avocat, anime le « Club Rencontres », tout en continuant à veiller avec attention à la manière dont est menée la politique culturelle liégeoise, ainsi qu’n se préoccupant de la préservation du patrimoine liégeois (hôtel de Soër de Solières, Tour cybernétique de Nicolas Schöffer, Musée du Verre, imprimerie Bénard-Bâtiment Jaspar, implantation du théâtre de la Place, etc.). En novembre 1992, il est le seul membre de la Commission de la Culture qu’il préside à s’opposer à la fermeture provisoire du Musée de l’Art wallon pour y installer l’exposition d’une association privée, et consacrée à « Tout Simenon ». Jusqu’aux élections d’octobre 1994, où il ne se présente plus, le conseiller socialiste multipliera les demandes d’explication auprès de l’échevin de la Culture Hector Magotte, se défiant notamment d’un projet de musée de la Chine. Renonçant à présenter une liste dissidente socialiste sous le nom de « Liège 94 » aux communales de 1994, Jean Mottard conserve la présidence de RTC jusqu’en juin 1996. Il s’agit de son dernier mandat, mais non dans son dernier combat, l’avocat demeurant attentif aux enjeux culturels et wallons.

Son amour du théâtre se mêlera à son action wallonne. Farouchement indépendant, homme de culture et d’esprit, humaniste appartenant à la gauche tolérante, Jean Mottard est le fondateur, avec la fille de Jean Rey, du théâtre de l’Étuve au tout début des années ’50. De cette scène coincée dans une petite cave (ancien mûrissoir de bananes), sortiront des personnalités comme Georges Koonen, Dolly Damoiseau, Anne Marev, Jo Rensonnet, Michel Franssen, etc., qui feront carrière la RTB. Jean Mottard organise aussi des expositions de peintures. Il n’a alors que 25 ans et termine ses études de droit à l’Université de Liège. Plus tard, lassé de constater que les meilleurs comédiens formés à l’Étuve partent pour Bruxelles, Jean Mottard travaille à la création d’une compagnie professionnelle, le Centre dramatique de Liège, et à sa reconnaissance comme établissement d’utilité publique au service de la culture française en Wallonie. Son objectif est de décentraliser des lieux permanents de culture dans divers lieux de Wallonie que ce soient les théâtres ou les services de radio ou de télévision (1971). Il prend d’ailleurs une part active dans la création des festivals de Stavelot et préside Radio-Télévision Culture, asbl chargée par la Communauté française d’une expérience de télévision locale en région liégeoise (1977).

Avocat de la Maison de la Presse de Liège, président-fondateur des Amitiés Wallonie-Québec, Jean Mottard était un idéaliste généreux qui a servi avec conviction la Wallonie et la Culture à Liège. Jean Mottard nourrissait deux nostalgies : celle d’André Renard (s’il n’était pas mort si vite, la Wallonie eut été tout autre…) et celle d’un Parti wallon indépendant. Néanmoins, il affirmait que le Mouvement wallon ne pourra progresser qu’au sein des structures du plus important parti politique wallon, à ses yeux, le Parti socialiste.

 

Paul Delforge

 

 

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