Fils du sénateur Charles Magnette et neveu de l’historien Félix
Magnette, Paul Magnette ne fait pas d’études régulières. En
septembre 1912, ce critique d’art est nommé membre du comité
exécutif de la Ligue wallonne de Liège. Interrogé en 1911 par
Fernand Mallieux, au moment où les présidents flamands des
partis politiques déposent une proposition de loi en faveur de
la flamandisation de l’Université de Gand, Paul Magnette propose
la séparation complète de la Flandre et de la Wallonie,
affirmant que « nous n’avons jamais été Belges. La Belgique est
une conception diplomatique ridicule. Il réclame la création
d’une République wallonne, puissante ayant tous les avantages de
la Belgique (…) sauf l’existence d’un port de mer, que l’on
pourra remplacer par des canaux rejoignant la Seine, à travers
la France ». Partisan de l’indépendance de la Wallonie, Paul
Magnette envisage même une sorte de couloir donnant un accès à
la mer depuis Tournai. À la veille de la Première Guerre
mondiale, Paul Magnette préside un Comité de propagande
wallonne.
Secrétaire général du Syndicat d’Initiative du Pays de Liège, il
entreprend, en 1912, d’écrire une histoire de la musique en
Wallonie dont il publiera la première partie, en juillet 1914,
sous le titre Projet de dictionnaire des musiciens wallons.
Réclamant la création d’une chaire d’histoire approfondie de la
musique, du théâtre et de l’esthétique à l’Université de Liège,
celui qui devient professeur d’histoire et d’esthétique
musicales à l’Académie de musique de Liège en 1914, avait décidé
de partir étudier en Allemagne, à l’Université de Leipzig. De ce
séjour, il ramena une solide haine pour ses voisins de l’Est ;
ses prises de position, sous l’occupation, provoqueront son
arrestation et sa déportation en Allemagne : l’opinion publique
liégeoise avait été frappée par cette image d’un Paul Magnette
jouant au piano la Brabançonne et la Marseillaise aux premiers
jours de l’occupation allemande.
Condamné par les Allemands, emprisonné dans un camp en
Allemagne, Paul Magnette parvient à s’évader et se réfugie à
Paris où il s’adonne à de la propagande pro-alliée, entre en
relation avec de nombreux lettrés et fonde La Nouvelle Revue
wallonne dont Oscar Gilbert assure le secrétariat. La
Nouvelle Revue wallonne porte ce titre en souvenir de La
Revue wallonne à laquelle collabora Albert Mockel, le
fondateur de La Wallonie, en 1886. Paul Magnette est
l’une des chevilles ouvrières de cette publication mensuelle
dont le premier numéro paraît en janvier 1918 sous les auspices
de l’Union wallonne de France ; elle traite des arts, de la
littérature, des sciences et du tourisme. L’Union wallonne de
France est présidée par Oscar Gilbert et son comité de patronage
comprend d’éminentes personnalités wallonnes et françaises.
À Paris, Paul Magnette participe aussi aux activités de
L’Opinion wallonne (1917-1918) : il donne des conférences,
organise des enquêtes, publie des articles, en particulier sur
la musique wallonne, mais pas seulement : son intérêt pour la
question wallonne, il tenait à le faire partager devant un large
public français. En octobre 1917, Paul Magnette a l’intention de
donner les conférences qu’il avait prévu de prononcer en
1914-1915, en tant que secrétaire général du Syndicat
d’Initiative du pays de Liège. Il souhaite parler du pays
wallon, du point de vue artistique, touristique, et surtout
montrer qu’il existe un pays wallon français à côté de la
Flandre germanique. Le gouvernement belge réfugié au Havre le
lui interdit. Pour le responsable de la Légation belge à Paris,
M. de Gaiffier, ces projets sont inopportuns. Une note est
envoyée à l’ensemble des consuls pour qu’ils interdisent à
Magnette de prendre la parole. Une autre note est remise au
gouvernement français pour le mettre en garde… Celui-ci
s’empresse de souligner qu’il est en parfait accord avec les
Belges. Certains consuls belges pousseront le zèle jusqu’à
alerter préfets et sous-préfets français. Au début octobre 1918,
une grippe espagnole emporte Paul Magnette de façon fulgurante ;
« sa » Nouvelle Revue wallonne ne lui survivra pas
longtemps.
Paul Delforge
Paul
Delforge, La
Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la
séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 |