Docteur en droit de l’Université libre de Bruxelles (1880),
diplômé de l’Université de Bologne, père de Firmin Lorand,
Georges Lorand accomplit une double carrière d’homme politique
et de publiciste, après avoir été avocat. Stagiaire auprès de
Mes Hector Denis puis Paul Janson, sa célébrité remonte au
procès de l’anarchiste Cyvoet, dont il était le défenseur.
Secrétaire général de la Fédération progressiste depuis sa
fondation, il incarne le courant radical au sein du parti
libéral. Élu député libéral de l’arrondissement de Virton (14
octobre 1894-1900) puis de Neufchâteau-Virton (27 mai 1900-31
août 1918), Lorand écrit dans plusieurs journaux libéraux de
Wallonie. Entré à La Réforme en 1884, il en devient le
rédacteur en chef en avril de la même année et le restera
jusqu’en 1896. S’intéressant particulièrement à la politique
étrangère, il rédige un nombre important d’articles ; il figure
parmi les adversaires les plus déterminés du régime léopoldien
au Congo ; en 1897, il signe plusieurs articles sur la politique
intérieure. Actionnaire-fondateur de la société La Réforme,
ce défenseur résolu du suffrage universel est membre fondateur
de l’Association de la Presse belge (1885) – il en deviendra
l’un des présidents (1898-1899) –, fondateur du journal parisien
L’Aurore, dont il est l’un des correspondants. Apportant
aussi des articles à El Secolo de Milan et à la Revue
politique et Parlementaire de Paris, il est rédacteur à
L’Express et contribue à la fondation du Ralliement,
journal « dissident » de La Réforme et dont il est membre
du comité de direction. Personnalité majeure du mouvement
libéral de la fin du XIXe siècle, Georges Lorand est
l’auteur de plusieurs ouvrages dont La Nation armée,
Le Referendum et Démission ! Dissolution ! Président
de la Ligue des Droits de l’Homme, il préside aussi les
manifestations internationales de la Libre pensée en Belgique.
À la Chambre, en novembre 1896, Georges Lorand s’efforce de
démontrer que le wallon n’est qu’un patois et demande que l’on
fasse pour les Belges qui parlent l’allemand la même faveur
qu’aux Flamands ; nous aurons donc des textes législatifs
trilingues. Apporté à la proposition De Vriendt sur les textes
juridiques en flamand dans les publications officielles,
l’amendement Lorand est repoussé par 92 voix contre 3 et une
abstention. Pourtant, Lorand n’en démord pas : parfois contre
l’avis de ses collègues wallons, il défend le principe de
l’égalité des langues, et son application pratique. En 1898, il
vote en faveur de la loi dite d’égalité et rappelle
régulièrement qu’il est « un vieil ami des revendications
légitimes des Flamands quant à leurs droits linguistiques ».
Avec constance, il défend l’idée que chaque Belge soit jugé,
administré, instruit et commandé dans sa langue ; il demande
cependant un effort de la part de l’administration qui doit se
mettre à l’écoute de la population, voire de ses dialectes. Il
privilégie une connaissance suffisante de toutes les langues à
une connaissance obligatoire et attestée.
Pendant de nombreuses années, il se fait le défenseur acharné et
résolu d’une réforme électorale introduisant le principe de la
proportionnelle. Au Parlement, il vote en faveur de l’ensemble
des lois linguistiques qui lui sont soumises, avant de se
positionner hardiment dans le combat wallon à l’issue des
élections législatives de 1912 qui marquent l’échec du cartel
socialiste-libéral au niveau belge.
Partageant alors les prises de position de Jules Destrée, Lorand
devient l’un des premiers délégués du Luxembourg à l’Assemblée
wallonne de 1912 à 1914. Le secrétaire général lui confie
d’ailleurs la présidence de la Commission des Affaires
étrangères. Se plaçant sur le terrain de l’économie, Georges
Lorand déclare que la Wallonie est assez grande, assez riche,
assez active pour être un état autonome et se donner des lois.
Le 13 juin 1912, le député libéral du Luxembourg constate que
l’on ne connaît pas suffisamment en Belgique le mécanisme des
libres institutions suisses et américaines pour parler de
fédéralisme. Comparant la Wallonie à des Länder
allemands, il estime qu’elle est suffisamment forte pour
acquérir le même statut que ceux-ci. Lorand fait aussi allusion
au Home Rule que l’Angleterre vient d’accorder à l’Irlande.
La Grande Guerre
ne lui permettra pas de poursuivre son action au sein du
Parlement informel de Wallonie ; d’ailleurs, dès 1914, il
semblait s’éloigner quelque peu de son engagement wallon. Au
cours de plusieurs missions en Italie au service du gouvernement
belge, il donne des conférences où il défend notamment l’idée
que la Belgique existe depuis plus de 500 ans, qu’elle a
toujours été bilingue et que la question des langues est une
affaire intérieure qui ne concerne pas les grandes puissances.
Le 1er janvier 1918, il avait été nommé par le
gouvernement du Havre membre du Conseil des ministres, en même
temps qu’Émile Brunet, Prosper Poullet et Paul Hymans. Le choix
de sa personne devait sans doute contribuer à renforcer l’aile
libérale progressiste et wallonne du gouvernement.
Ce ne sera pas le cas car Lorand se démarque lui-même de son
activité wallonne des années 1912-1914 et renie d’avoir défendu
l’idée d’une séparation administrative. Il n’aura pas l’occasion
d’expliquer clairement quelle était finalement sa position
puisqu’il est emporté par la mort en août 1918.
Paul Delforge
Paul
Delforge, La
Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la
séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 |