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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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Limet Arthur 

    Né à Huy le 3 novembre 1865, décédé en 1925 

Docteur en médecine diplômé de l’Université libre de Bruxelles en 1890, Arthur Limet fait son stage à Bruxelles puis à Anvers. Attaché à un hôpital militaire en Bulgarie (1893), il revient un an en Belgique (1895) avant de repartir en Bulgarie comme médecin attaché à une compagnie de chemin de fer, puis de revenir à Liège où il est nommé médecin en chef des usines du Val-Saint-Lambert (1899-1908). Il est chargé de la direction du service médical et contrôle tant ce service que le personnel médical et pharmaceutique. Décoré à quatre reprises pour les services rendus à la santé publique, notamment au cours de certaines épidémies qui frappent les villes wallonnes à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, il est fort apprécié par une large « patientèle » ouvrière et la presse ne tarit pas d’éloges à son égard. En 1919, il prétendra qu’en raison de sa popularité, on lui aurait proposé une place au conseil provincial… à condition d’adhérer au parti socialiste, ce qu’il aurait refusé. Apprécié par ses confrères, dont le docteur Malvoz, Limet prend une part active à toutes les manifestations de la vie médicale ; président de l’important syndicat médico-rural, membre d’honneur de la mutuelle médico-pharmaceutique, il est aussi membre de la Commission médicale provinciale de Liège, et chargé des plus importantes enquêtes sanitaires à Seraing et environs. Limet est l’auteur d’un grand projet de création d’un bureau d’Hygiène à Seraing et il écrit régulièrement dans la presse liégeoise des articles de propagande sanitaire.

Pourtant, il quitte le Val St Lambert sur un différend avec la direction : Limet, dont le caractère est difficile, a la fâcheuse habitude de s’occuper de tout, même des questions qui ne le concernent pas… À ce moment, il semble avoir été défendu par l’avocat Charles Magnette. Arrivé à Bruxelles en 1909, il coupe toutes ses attaches avec Liège et prête son concours à des compagnies d’assurances avant de reprendre du service, en 1912, comme médecin dans l’armée bulgare, quand éclate la guerre balkanique. Administrateur délégué de l’Union mutuelle d’Épargne et de Crédit foncier, il organise, avec le professeur Laurent, de l’Université de Bruxelles, les services des ambulances belges en Serbie (1913). Au moment où éclate la Grande Guerre, auteur d’un projet visant à créer un service sanitaire pour renforcer la Croix-Rouge de Belgique, Limet propose son aide au directeur de la Croix-Rouge mais elle est refusée. On ne trouve aucune trace d’Arthur Limet dans le Mouvement wallon d’avant-guerre.

Quelques expériences malheureuses en politique et une instabilité professionnelle certaine ont aigri le caractère d’Arthur Limet. Répudiant sa formation latine depuis quelques années, adepte de l’Allemagne, de sa culture, de son organisation, de son génie et de son « méthodisme », il se proclame « grand ami de l’Allemagne » et, quand la guerre éclate, est certain du « triomphe germanique ». Il écrit et parle couramment l’allemand ; il s’est marié deux fois, à des Allemandes.

Devant la débâcle belge, il affiche son mépris et ses sarcasmes pour tout ce qui est belge. Dans une série de quatre Lettres ouvertes au Peuple belge, il invite ses contemporains à ouvrir des négociations de paix avec les Allemands, considérant leur victoire acquise. Sous le pseudonyme d’un philanthrope, faisant référence à son appartenance maçonnique à la Loge les Philanthropes, il se proclame pacifiste, dit vouloir éviter le massacre des troupes belges et considère que l’Angleterre et la France sont trop faibles pour aider la Belgique. Les trois premières lettres sont publiées en 1915. La quatrième paraît en janvier 1918 avec le sous-titre Demain. Rendant la France et l’Angleterre responsables de la guerre, Limet considère la victoire de l’Allemagne définitive.

 

Sa quatrième lettre contient un projet de réorganisation institutionnelle de la Belgique, État redevenu indépendant et accordant une « autonomie administrative complète aux provinces flamandes et wallonnes, unies par des liens fédéraux, absolument comme la Suisse, avec Bruxelles comme centre du gouvernement fédéral et de tous les rouages administratifs centraux ». État-tampon – pour sauvegarder l’Allemagne contre une offensive française ou anglaise –, les « Provinces unies de Belgique » deviendraient une confédération des provinces flamandes et wallonnes (sic), plus une dixième province, Bruxelles, composée de 720.000 habitants. Il y aurait un Landtag flamand et une diète wallonne, avec un gouvernement fédéral.

Persuadé du succès allemand, Limet accepte de devenir secrétaire général du ministère wallon de l’Intérieur, transféré en Namur durant l’été 1917, et tente de procéder au recrutement du personnel nécessaire aux autres ministères wallons. Il avait l’impression d’être le bras droit du chef allemand de l’administration civile wallonne, Edgard Haniel von Haimhausen. « Une paix de compromis faisait de moi un grand homme » a-t-il écrit lui-même. Cependant, le recrutement des fonctionnaires est semé d’embûches. Les employés de Bruxelles refusent de se rendre à Namur. Et Limet se heurte à des refus similaires de la part des milieux politiques wallons et laïcs. Il n’est pas question de constituer un Conseil de Wallonie, miroir du Raad van Vlaanderen. Son projet d’un Conseil supérieur de l’hygiène de Wallonie échoue lui aussi.

                                                                            

Secrétaire général au ministère wallon de l’Intérieur jusqu’au 26 septembre 1918, médecin du consul d’Allemagne, il ambitionne depuis plusieurs mois d’être nommé inspecteur général des services d’hygiène en Wallonie, fonction qu’il avait fermement demandée, avec mission spéciale d’organiser l’inspection médicale scolaire en Wallonie ; le refus des administrations communales wallonnes de vouloir organiser l’inspection de l’hygiène scolaire précipite sa nomination. Limet s’installe au château de l’Ardoisière à Jodoigne.

À la signature de l’Armistice, Limet qui était méprisé par les Allemands à cause de ses écrits ne reçoit pas de passeport. Alors que les secrétaires des administrations prennent le train pour l’Allemagne, Limet et d’autres ont dû prendre le bateau pour la Hollande. Il gagne néanmoins Duisbourg avant de venir aux Pays-Bas. En décembre 1918, il entre en contact avec un officier de l’armée belge et il est immédiatement arrêté à Moers alors qu’il voulait négocier les conditions de son retour en Belgique. Une longue correspondance écrite durant sa détention préventive (1919) tente d’expliquer les raisons de son comportement durant la guerre. À sa sœur, il demande d’intervenir auprès des francs-maçons allemands, pour qu’ils viennent à son secours ; il craint par-dessus tout d’être jugé devant un tribunal militaire.

Emmené en Belgique, il restera en prison jusqu’à son procès. Il écrit alors tant au juge d’instruction qu’à Jules Destrée. De ses nombreux témoignages ressortent quelques hypothèses que Limet croyait fondées, concernant le devenir des petits États. Sa première hypothèse supposait que l’Allemagne obtiendrait ou imposerait une paix par compromission, et réclamerait la reconstitution d’une Belgique formée d’États-tampons séparés. Dans cette hypothèse, les Wallons auraient eu le droit de réclamer une égalité de traitement avec les Flamands et, selon Limet, le schéma d’une Belgique fédérale et indépendante s’imposait. À défaut de ce schéma, la Flandre étant constituée en État indépendant séparé, la Wallonie se serait retrouvée ballottée entre une annexion par la France, une annexion par un État allemand ou sa transformation en un fief allemand, dirigé par un prince quelconque qui, après avoir épousé la Grande Duchesse de Luxembourg, aurait réuni la terre wallonne, le grand duché et les cantons wallons prussiens, devenant une barrière de défense allemande le long de la ligne de la Meuse.

Dans sa deuxième hypothèse, Limet imaginait que les Alliés exigeaient la reconstitution de la Belgique et la restitution du grand duché de Luxembourg afin qu’il n’appartienne ni à la France ni à l’Allemagne. Dans cette hypothèse, la séparation administrative s’imposait, permettant l’organisation fédérale de quatre entités, les peuples wallon, flamand, grand ducal et bas-allemand. Enfin, à plus long terme, Limet imaginait l’intérêt économique et politique des « États Belgiques, Luxembourgeois, Lorrains-Alsaciens et Suisses de former une confédération de peuples riches, industrieux et travailleurs chez lesquels sans heurt et sans haine, pour le plus grand bien de la paix mondiale, seraient venus se fusionner les civilisations latine et germanique qui se complètent si réciproquement ». De plus, isolée, la Hollande aurait volontairement sollicité son admission dans la confédération, réglant du même coup les problèmes de territoires du côté de l’Escaut et du Limbourg hollandais…

Lors du procès des Ministères wallons, qui se tient à Namur en décembre 1919, le docteur Limet apparaît comme le protagoniste central. Il a voulu assurer lui-même sa défense. Il ne renie rien. Il n’est dès lors pas surprenant qu’il soit condamné à quinze ans de prison, la peine maximale. Ne supportant pas du tout son enfermement, Limet fait valoir son état de santé pour être gracié. Au début de l’année 1924, à la veille d’être opéré, il écrit une lettre émouvante au Vénérable de la loge Les Amis Philanthropes n°III déclarant qu’il avait passé 1875 jours en prison, dix de plus que Borms, à la même date. Il fut libéré conditionnellement et mourut presque aussitôt.

 

Paul Delforge

 

Paul Delforge, La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008

 

 

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