Georges Hubin est le fils d’un maçon originaire de Moha. Tôt
revenu dans la région hutoise, il est tour à tour ouvrier à la
fonderie Nestor Martin, tailleur aux fours à chaux de Moha puis
sculpteur en pierres. Membre actif du Parti ouvrier belge,
conseiller communal à Vierset-Barse, où il s’est établi, de 1894
à 1932, échevin de cette même localité durant 36 ans
(1896-1932), élu au conseil provincial de Liège (1894-1898),
député de l’arrondissement de Huy (22 mai 1898-1900) puis du
nouvel arrondissement de Huy-Waremme (27 mai 1900-1946), Georges
Hubin participe à toutes les luttes sociales que mène le
mouvement ouvrier au début du
xxe
siècle. Jusqu’au premier conflit mondial, ce socialiste ardent
mais pragmatique témoigne une bienveillance détachée envers la
question wallonne. S’il figure parmi les représentants hutois de
la première Assemblée wallonne, il n’assiste pas à ses séances
(1912-1914, 1919-1940).
Volontaire de guerre en 1914 – à 51 ans ! –, Hubin effectue un
bref séjour au front avant de se retrouver l’année suivante
président de la commission de recrutement à Versailles. Farouche
défenseur, en 1913, de la création de régiments flamands et
wallons à l’armée, ou plus exactement d’un recrutement régional
sans se préoccuper de questions linguistiques, Georges Hubin
change radicalement d’avis en 1919 et défend le principe d’une
armée nationale, unie, sans régiments régionaux. Pendant six
mois, il a commandé deux compagnies d’instruction et cette
expérience lui a fait comprendre que les difficultés des
miliciens sont moins dues à la question linguistique qu’à la
manière dont usent les officiers pour diriger les troupes.
Repoussant les griefs flamands à l’égard des vexations
qu’auraient subies les soldats flamands sur le front, il
souligne que les miliciens wallons ont vécu les mêmes
situations, tant sur le front que dans les camps de prisonniers.
De 1916 à 1918, Hubin séjourne à Paris.
Unitariste bon teint à l’Armistice, on le voit lutter au
Parlement contre les « Aktivistes » flamingants et rompre plus
d’une lance en faveur du maintien de l’Université française de
Gand. L’élection de Borms, en 1928, lui fait ouvrir les yeux.
Lors du premier congrès de la Concentration wallonne (27-28
septembre 1930), il reconnaît lui-même avoir changé rapidement
d’avis en raison des événements. Il déclare solennellement que
l’heure des discussions sur les questions linguistiques est
dépassée et que, désormais, le débat doit porter sur la manière
de vivre avec la Flandre. Conscient de la difficulté de réunir
tous les Wallons autour d’un programme commun, il souligne que
l’unanimité se réalise cependant sur ce que refusent les
Wallons : ils ne veulent plus être exploités par la Flandre sur
aucun terrain. Rallié au fédéralisme, il fait partie de la
commission interne à la Concentration wallonne créée afin de
rechercher, dans le cadre de la Belgique, la forme
institutionnelle destinée à résoudre le différend wallo-flamand.
Après quelques mois de travaux, le choix de la Commission se
porte sur le projet fédéraliste, seul moyen d’encore maintenir
unis, dans le cadre de la Belgique, les deux peuples, en fait
séparés. Le projet élaboré était un simple contrat qu’il
s’agissait d’établir entre Wallons et Flamands. Il prévoit la
reconnaissance de deux régions, la Wallonie et la Flandre, et du
territoire fédéral de Bruxelles ; séparée par la frontière
linguistique, chaque région est autonome et délègue au pouvoir
central les seules compétences de la politique étrangère, de la
défense nationale, de l’administration de la colonie et de
l’établissement d’un système douanier ; quant à l’accès aux plus
hauts grades de la hiérarchie administrative, il est permis avec
la seule connaissance d’une des deux langues régionales. Georges
Hubin signe, le 18 octobre 1931, le projet de Constitution
fédérale élaboré par cette association. Néanmoins, il n’exprime
pas de préférence particulière pour une formule provincialiste
ou régionaliste, tant qu’elle permette à la Wallonie de se
développer librement dans le cadre de la civilisation latine.
Lors du quatrième congrès de la Concentration wallonne (1933),
il tient un discours ferme en faveur du fédéralisme qui, à ses
yeux, est le seul système capable de garantir l’intégrité de la
Wallonie. À la Chambre, il déclare, sans être démenti, que les
Wallons payent les deux tiers des impôts que dépensent les
Flamands. Il participe souvent aux pèlerinages de Waterloo. En
1938, il est membre du comité d’honneur du premier Congrès
culturel wallon qui se tient à Charleroi.
Au cours du premier congrès des socialistes wallons de janvier
1938, Georges Hubin présente à ses collègues un rapport où sont
soulignées les tendances inquiétantes qui se font jour à
l’intérieur du Mouvement flamand. Il y déclare notamment :
« C’est peut-être moins comme Wallons que comme démocrates que
le mouvement flamand nous a toujours inquiétés ». C’est, en
effet, qu’à côté des revendications d’une indiscutable justice,
il revêtait des aspects racistes et totalitaires qui ne peuvent
conduire qu’à l’oppression des consciences et à la négation de
la liberté individuelle. Sa francophilie, aussi affirmée que sa
germanophobie (un de ses enfants était mort dans un camp
allemand en 1914-1918), l’incite à s’opposer farouchement à la
politique dite d’Indépendance qui se révèle dans la pratique un
retour à la neutralité. À l’occasion de ce congrès des
socialistes wallons, il réclame aussi une politique militaire
axée sur une couverture terrestre et une couverture aérienne.
Lors du IIe congrès des socialistes wallons
(Charleroi, 11 juin 1938), il présente un rapport sur La
question des allocations familiales. Lors du IIIe
congrès des socialistes wallons, il est l’auteur du rapport
consacré au Problème des langues en Belgique.
Le 5 septembre 1939, il quitte la Belgique avec fracas pour
s’enrôler dans la légion étrangère. Il avait alors 76 ans…
Naturellement refusé en raison de son âge, Hubin donne toutefois
au journal de Léon Blum, Le Populaire (du 10 septembre) une
interview où il attaque l’attitude des dirigeants responsables
de la neutralité belge. « (…) Ce sont les cordes les plus
basses, les plus méprisables que l’on fait vibrer, l’égoïsme et
la peur ». Le roi semblait visé. La droite catholique et
l’extrême-droite rexiste s’en prennent à lui par voie de presse
dès son retour en Belgique. Quelques mois plus tard, Hubin
s’illustre en plein Parlement en crachant à la face de Degrelle
qui avait mis en cause son honneur de militant politique. À
nouveau volontaire de guerre le 10 mai 1940, il s’exile dans le
Midi de la France, à Verdun-les-Cabannes, après la capitulation
de l’armée belge. Il ne regagne son pays qu’après la Libération.
Nommé ministre d’État le 3 septembre 1945, membre du Congrès
national wallon, Hubin s’éteint à Modave le 29 juillet 1947.
Alain-Colignon - Paul Delforge |