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Cette section propose la liste des notices contenues sur le cédérom de l'Encyclopédie du Mouvement wallon. Les notices accessibles en ligne sont datées : le carré jaune indique les mises à jour, le carré rouge signale les nouvelles notices.

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Henquinez Henri 

   

Né à Huy le 27 mars 1884, décédé à une date inconnue

Docteur en philosophie et lettres de l’Université de Liège où il se revendique comme un élève de Godefroid Kurth, Henri Henquinez est professeur à l’École des Hautes Études de Liège quand la Première Guerre mondiale éclate. Ancien élève de la faculté des lettres et de la faculté de droit de Paris, historien de formation, directeur de la Revue belge d’exportation, Henri Henquinez est l’auteur d’une étude sur Les origines de Huy et notre plus ancienne charte de liberté. Introduction à l’histoire de la constitution de Huy. D’après Félix Rousseau, il n’était pas pris au sérieux dans le milieu des historiens et s’occupait d’un commerce de cigarettes lorsqu’il fut nommé secrétaire général du ministère wallon des Sciences et des Arts, en janvier 1918.

Comme à son habitude, Félix Rousseau est bien informé. Henquinez tient en effet une boutique de bijoux et de cigarettes, le comptoir central, lorsque les Allemands prennent l’initiative de la séparation administrative en mars 1917. Il est aussi écrivain, publiciste et conférencier. Ses quelques essais littéraires et ses articles consacrés à la Wallonie ont été remarqués par ses contemporains, voire peut-être par quelques Allemands… En 1917, Henquinez signe l’introduction d’un ouvrage de Giorgio Molli (Le destin de l’Angleterre) où, à partir de communiqués officiels allemands, l’auteur montre que le monopole maritime anglais sera brisé par les sous-marins allemands…

Entré en relation avec des Allemands, Henquinez s’installe à Namur, en janvier 1918, où il accepte de recruter des fonctionnaires supérieurs pour les administrations wallonnes et, par sa présence, permet le paiement des traitements du personnel resté en fonction. Parce qu’il appartient au courant catholique et qu’il marque de l’intérêt pour la question wallonne, Henquinez semble être l’interlocuteur complémentaire et idéal pour l’occupant. Comme Oscar Colson et Franz Foulon, Henquinez semble prêt à s’accommoder de la situation imposée par les Allemands et à faire en sorte de préserver les intérêts wallons. Henquinez est nommé Secrétaire général et Directeur du Département des Sciences et des Lettres.

Invité par Oscar Colson, son collègue au ministère, à signer le manifeste Au Peuple de Wallonie, Henri Henquinez devient membre du Comité de Défense de la Wallonie. Partisan de l’émancipation politique de la Wallonie dans le cadre de la Belgique, il entend poser la question wallonne sur le plan international et défendre les intérêts wallons face au danger qu’il identifie venir du Raad van Vlaanderen et des indépendantistes flamands. Lors d’une conférence organisée par le Comité de Défense de la Wallonie, Henquinez précise la nécessité, pour la Belgique indépendante de demain, de s’organiser, non en fédération d’États comme le proposent les Jeunes-Flamands, mais en État fédératif. La Suisse est, à ses yeux, le modèle à suivre.

                                                                              

Dans un éditorial de L’Information du 28 mai 1918, Henquinez précise « son » fédéralisme : autonomie administrative et linguistique pour la Flandre et la Wallonie, tout en maintenant l’indispensable unité commerciale et industrielle de la Belgique.

Par ses articles dans l’Écho de Sambre et Meuse, dans L’Information et dans L’Avenir wallon, Henquinez multiplie les prises de position en faveur d’une Belgique fédérale où la Wallonie disposerait de larges compétences. Si l’on ne peut pas nier que de telles idées expriment ses convictions les plus profondes, force est de constater qu’elles correspondent parfaitement aux intentions politiques des Allemands en 1918.

Établir un système fédéral entre Wallons et Flamands présuppose un dialogue entre les deux. Par voie de presse, Henri Henquinez tente de jeter des ponts avec le Mouvement flamand, quitte à inviter un représentant du Raad van Vlaanderen pour une conférence au casino de Namur. D’autres conférences y ont déjà eu lieu et Henquinez semble avoir pris l’habitude d’introduire les orateurs. Le 18 juin 1918, Emiel ver Hees évoque La Flandre et la Wallonie au point de vue économique, mais s’en tiendra là, refusant toute discussion politique. Le dialogue ne peut être qu’impossible dès le moment où Henri Henquinez revendique un régime bilingue pour tout l’arrondissement de Bruxelles, considérée comme ville exclusivement flamande par le Raad van Vlaanderen. Vraisemblable signataire du second manifeste wallon (5 juillet 1918), Henquinez dénonce tout projet en faveur d’une République wallonne ou d’un Grand-duché de Wallonie. Souhaitant une Belgique rétablie sous une forme nouvelle ainsi qu’une certaine autonomie accordée aux deux peuples frères, il accepte de reconnaître que sa revendication fédéraliste est peut-être inopportune mais souligne qu’il n’est pas responsable des circonstances. À la veille du 21 juillet 1918, Henquinez adresse une lettre ouverte au roi Albert dans laquelle il se réjouit et remercie le roi d’avoir constitué une Commission, en dehors du territoire belge, chargée d’étudier la question wallo-flamande, le système électoral et la révision éventuelle de la Constitution. Il s’agit là « de l’esquisse d’un programme destiné à assurer aux Flamands et aux Wallons l’autonomie administrative qui cimentera la paix de demain ». Dans un autre article, Henquinez trouvera en W. Wilson, le président américain, le père de la séparation administrative belge.

Chef de la propagande politique dirigée par les Allemands, éditorialiste et responsable politique du journal L’Écho de Sambre et Meuse, tout cela subsidié par les Allemands, Henquinez est affublé de nombreux titres par quelques témoins qui déposeront après guerre devant le juge d’instruction. Même si l’adage veut que l’on ne prête qu’aux riches, aucun document n’a été retrouvé prouvant ces affirmations. Néanmoins, en novembre 1918, Henquinez a préféré quitter Namur.

                                                                              

Après un passage par Bruxelles, où il devait régler « ses affaires commerciales », Henquinez gagne l’Allemagne, puis se rend à Kreuxlingen, en Suisse. Par l’intermédiaire de la « Commission internationale pour la défense des intérêts wallons en Belgique et à l’étranger », Henquinez veut prendre la défense des fonctionnaires démis par le gouvernement belge. Sans grand succès. Avec Oscar Colson, lui aussi exilé, il écrit et publie, en 1922, leur acte de défense sous la forme d’une brochure intitulée L’Unionisme wallon pendant l’occupation allemande en Belgique (1917-1918).

Lors du procès dit des « ministères wallons » qui se tient à Namur en décembre 1919, Henri Henquinez figure parmi les inculpés absents et en fuite. Dans son acte d’accusation, l’avocat général le considère comme l’un des huit « politiques ». Jugé par contumace, il est condamné à vingt ans de travaux forcés. Inconnu du Mouvement wallon avant guerre, Henquinez semble n’être jamais rentré au pays. Pourtant, sa foi dans un fédéralisme belge est demeurée intacte si l’on en croit un très long article qu’il publie en 1924 dans la Revue de Genève et intitulé Flandre et Wallonie.

Il y montre l’importance stratégique de la Belgique et évoque en détail la question linguistique. Observant qu’une solution simple consisterait à une administration séparée de la Flandre et de la Wallonie, il souligne que le conflit oppose moins Flamands et Wallons que ceux-ci au pouvoir centralisateur bruxellois. Celui-ci s’appuie tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre pour imposer sa volonté directrice aux deux. Dans un pays dont le modèle institutionnel est le système français jacobin, en tous points semblables, il était impossible qu’un tel système puisse s’appliquer harmonieusement à deux peuples aussi différents que les Wallons et les Flamands. Se référant à Maurice Wilmotte et à Godefroid Kurth, Henquinez explique que l’avènement au XIXe siècle tant de la démocratie que du phénomène des nationalités a permis l’émergence du Mouvement flamand, scellant la fin de la Belgique unitaire. Ce mouvement d’émancipation a cependant été confisqué par le parti catholique, regrette Henquinez qui évoque brièvement le Mouvement wallon en le faisant remonter à 1912. Il résume l’activisme flamand des années de guerre avant d’évoquer brièvement ce qu’il appelle la réaction wallonne. « Grâce aux fonctionnaires wallons, la Wallonie a réussi à passer la guerre dans les meilleures conditions » ; de plus, le manifeste Au Peuple de Wallonie pensait l’avenir de la région dans les mêmes termes que ceux employés à la même époque dans la presse wallonne de Paris. Après avoir montré que le programme flamand trouve à s’appliquer au Parlement belge dès l’Armistice signé, Henquinez constate que la Wallonie est ainsi menacée et que la seule solution de la question belge est l’application urgente d’une formule fédéraliste, à trois composantes.

 

Paul Delforge – Jean-Pierre Delhaye

 

Paul Delforge, La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008

 

 

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