Jusqu’à la Grande Guerre, Carl Othon Gœbel vit dans l’ombre de
Jules Destrée. Son activité wallonne est alors débordante ; sous
le pseudonyme de Carlotton, il assume la fonction de rédacteur
en chef du Coq wallon (1913) avant d’être remplacé par
l’avocat liégeois Marcel Loumaye. Gœbel devient alors directeur
du journal. Carl Othon Gœbel désirait faire de ce journal une
revue de combat, d’art, de lettres et d’idées. Sa correspondance
atteste sa volonté manifeste d’ouvrir les colonnes du journal
aux diverses tendances politiques et idéologiques de la
Wallonie ; ainsi, il sollicite la collaboration du penseur
démocrate-chrétien carolorégien Élie Baussart. Celui-ci semble
avoir décliné l’offre. Mais Gœbel s’attache néanmoins la
collaboration de Charles Plisnier, Raymond Colleye, Ivan Paul,
Joseph-Maurice Remouchamps, notamment. En 1914, il signe une
réflexion sur les catholiques et le Mouvement wallon dans La
Nation, le nouvel organe de la Ligue nationale pour la
Défense de la Langue française qui remplaçait
l’Anti-flamingant. À la veille de la Première Guerre
mondiale, Gœbel fonde à Mons, avec quelques amis, dont Arthur
Cantillon et Charles Plisnier, une section de la Jeune Garde de
Wallonie, à l’existence éphémère. Gœbel en est le secrétaire.
Depuis la création de l’Assemblée wallonne, certains militants
wallons se plaignent de la lenteur affichée par les hommes
politiques qui y siègent à vouloir étudier le projet de
séparation administrative conformément aux vœux adoptés en 1912.
En mars 1914, lors du congrès wallon qui se tient à Verviers,
via Oscar Gilbert notamment, ils sont quelques-uns à vouloir
créer une fédération des ligues wallonnes, parallèle à
l’Assemblée wallonne, où les ligues auraient davantage
d’autonomie et de liberté. En raison du peu d’enthousiasme qui
accompagne cette proposition, la Jeune Garde wallonne du
Hainaut, conduite par Carl O. Goebel, publie un manifeste
fustigeant les tergiversations de l’Assemblée wallonne et son
manque d’action. Il conteste aussi le mode de recrutement de
l’Assemblée wallonne. Goebel reste sur cette opposition avec
l’Assemblée wallonne lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale.
Mobilisé en août 1914, Carl Othon Gœbel fait toute la campagne
de guerre dans l’armée belge, avant de gagner la France. À
Paris, il collabore au journal publié par Raymond Colleye,
L’Opinion wallonne, qui eut si souvent maille à partir avec
la censure belge. Par ailleurs, il fait régulièrement valoir un
point de vue sur la question wallonne dans Le Pays,
organe des radicaux-socialistes français publié lui aussi à
Paris. Il y manifestera notamment son étonnement quant à
l’engagement d’Oscar Colson comme directeur au ministère wallon
des Sciences et des Arts. Il écrira aussi son espoir dans une
proclamation aux Wallons et aux Flamands que pourrait faire le
roi Albert. « Pourquoi ne promettrait-il pas d’instaurer le
régime fédéral qui est la solution logique, légale et la plus
pratique à la question des langues et des races en Belgique ? Et
pourquoi n’apaiserait-on pas l’excitation intérieure belge, en
promettant simplement dès à présent le régime fédéral, que nos
deux peuples désirent visiblement, une forme de gouvernement qui
constituerait la solution la plus légale, la plus utile et la
plus juste de la question de la langue et des races en
Belgique ? ». Ainsi, estimait Goebel, les autorités belges
auraient pu couper l’herbe sous le pied des Allemands. Elles ne
l’ont pas fait.
En février 1918, Goebel lance un cycle de conférences
franco-wallonnes. En mars, avec Joseph Hulet et Raymond Colleye,
Carl-O. Goebel tente de reconstituer le mouvement La Garde de
Wallonie, à Paris,. Sans grand succès. Membre du comité de la
Ligue de Défense wallonne (août 1918), Gœbel est chargé de la
propagande.
Après la guerre, il devient journaliste professionnel à
Bruxelles où il fonde une agence de presse (Prescobel) qui
fournit aux journaux belges des informations sur le Congo. Il
est aussi rédacteur à La Gazette de Charleroi. Secrétaire
de la Jeune Garde de Wallonie, il sera élu à l’Assemblée
wallonne, en 1919, comme représentant de l’arrondissement de
Charleroi. Quatre ans plus tard, il n’apparaît plus parmi les
membres de l’Assemblée wallonne, dont il a démissionné (1923).
Membre du comité de rédaction de L’Opinion wallonne
(1920), il collaborera au journal Midi. En mai 1944,
établi au Congo, Carl Gœbel participe à l’expérience de la
Belgique d’Outre-Mer, organe du V Club n° 1.
Paul Delforge |