Imprimeur namurois, Jean-Baptiste Collard apporte sa
contribution au journal Le revendicateur, avant la
Première Guerre mondiale. Il est aussi le créateur de Li
Couarneu, Gazette des Wallons couarnant tos les dimeignes
(1904-1910).
Lorsque les troupes allemandes envahissent la Belgique en août
1914, les quotidiens belges continuent de paraître tant bien que
mal avant de cesser complètement leur tirage. Certains titres
sont relancés à la demande « insistante » voire « forcée » de
l’occupant, soucieux de faire paraître sous son contrôle des
informations relatives aux faits de guerre, à la vie quotidienne
dans le pays, mais surtout ses arrêtés et directives. Les
initiatives spontanées sont rares.
Parodie du titre Sambre et Meuse publié avant la guerre
sous la direction de François Bovesse, le premier numéro de L’Écho
de Sambre et Meuse
paraît sous censure en date des 28 et 29 janvier 1915. Le
directeur-propriétaire en est Jean-Baptiste Collard. De sources
convergentes, il semble que c’est l’occupant allemand qui a
contribué à la création, sinon au développement du journal, en
lui fournissant notamment des informations en primeur par
rapport à son concurrent en région namuroise, le quotidien
catholique L’Ami de l’Ordre.
Quotidien à partir du 22 avril 1915, après être sorti à raison
de trois numéros par semaine, L’Écho de Sambre et Meuse
se présente sur une feuille unique. Pendant plusieurs mois, il
n’a aucun caractère spécialement wallon puisqu’il se contente de
reproduire des communiqués ou des arrêtés militaires, des
petites annonces, ainsi qu’une chronique sportive, une
nécrologie, des chroniques locales ou provinciales et un agenda
des spectacles. Le journal se voit octroyer comme gage supposé
de sa docilité le privilège de publier « la liste complète et
officielle des prisonniers belges en Allemagne » et devient
ainsi l’intermédiaire indispensable entre les prisonniers
originaires de la province et leurs parents. Ceci explique sans
doute son tirage important. Un premier changement de ton
intervient lorsque Paul Ruscart signe des articles vantant la
séparation administrative et le pacifisme.
À partir du 18 juin 1918, L’Écho de Sambre et Meuse prend
une coloration nettement anti-unitariste et pro-allemande, et
s’entoure de nouveaux collaborateurs. Le bruit court alors selon
lequel J-B. Collard a revendu son journal aux Allemands. Son nom
figurera sur la manchette du quotidien, jusqu’à son dernier
numéro, le n°260. Sous la direction politique de Henri Henquinez,
le journal prend un autre ton qui n’est pas sans inquiéter
Collard. À plusieurs reprises, il a été pris à partie par la
population ; on a cassé les vitres de sa maison. Il est
conscient que les articles publiés dans son journal surtout en
juillet ont été excessifs. Il dit avoir envoyé des lettres de
protestation au censeur Brauweiler et l’avoir menacé d’arrêter
l’édition de son journal. Néanmoins, responsable du journal, il
poursuivra la publication jusqu’au 16 novembre 1918, moment où
il se réfugie en Hollande.
À l’issue du procès en Cour d’Assises, à Namur, en 1920, il sera
reproché au seul éditeur responsable la publication des
informations militaires allemandes qui ont contribué à saper le
moral de la population : les victoires allemandes y étaient
vantées et les actes alliés minimisés. Accusé d’avoir méchamment
servi la politique et les desseins de l’ennemi et participé à la
transformation des institutions belges, J-B. Collard est le seul
à être poursuivi et à être condamné. C’est le seul à n’avoir
écrit aucun article « politique ». Éditeur-propriétaire du
journal L’Écho de Sambre et Meuse, mais surtout du
Bulletin des Lois et Arrêtés pour la Wallonie durant
l’occupation du territoire (1915-1918), il est jugé par
contumace et condamné à 15 ans de prison. En 1918, Collard avait
aussi été l’éditeur d’une brochure rédigée par Paul Ruscart,
La question flamande et la Wallonie. Pourquoi devons-nous agir ?
qui exhortait les Wallons à définir les conditions de la
séparation administrative de la Belgique.
Paul Delforge
Paul Delforge,
La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de
la séparation administrative, Namur, Institut Destrée, 2008 |