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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie

Prospective, pilotage stratégique et développement régional
Journées d'étude, Charleroi, 31 mars 2000
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Prospective, pilotage stratégique et développement régional
Elio Di Rupo

Ministre-Président du Gouvernement wallon

 

Lors de votre précédente journée du 3 mars 2000 consacrée à l’évaluation, nous avons pu faire le point sur une pratique, une démarche acceptée aujourd’hui par tous et qui s’accentuera encore davantage à l’avenir.

En effet, qu’il s’agisse du Contrat d’Avenir pour la Wallonie dans les principes communs d’action du Gouvernement wallon ou des prérogatives de la Commission européenne en matière d’évaluation, notamment dans les fonds structurels, nous plaidons et poussons tous pour le développement d’une véritable culture de l’évaluation en Région wallonne.

La prospective quant à elle, est un peu moins avancée dans la prise de conscience collective. Pourtant ce n’est pas auprès de vous que je dois insister sur sa nécessité et sur l’importance de celle-ci pour l’avenir de notre région.

Dans un monde où les changements sont de plus en plus rapides, de moins en moins transparents, de plus en plus nombreux, nous avons encore trop souvent tendance à assister, perplexes, aux bouleversements qui nous entourent. Et ainsi, à en subir les conséquences sur notre développement.

L’incertitude grandissante ne doit pourtant pas inciter l’homme à privilégier l’invariant et l’habitude. Face à l’urgence de situations imprévues mais rarement imprévisibles, nous avons souvent tendance à parer au plus pressé et à répondre à court terme. Pourtant je pourrais utilement paraphraser Talleyrand en disant "quand nous sommes confrontés à l’urgence, il est déjà trop tard".

Ainsi, le défaut de prévoyance devrait être considéré comme un péché capital du management privé et de la gestion publique. La prospective, qui n’est pas la prévision et encore moins la futurologie, nous montre que l’avenir n’est pas prédéterminé mais qu’il est ouvert à plusieurs futurs possibles.

Attention, faire de la prospective, ce n’est pas rêver et encore moins passer pour des rêveurs. Il s’agit, pour reprendre la distinction judicieuse de Michel Godet, "d’être pré-actif, c’est-à-dire se préparer à un changement anticipé, mais aussi et surtout, d’être pro-actif, c’est-à-dire agir pour provoquer un changement souhaitable".

En fait, la prospective consiste à regarder l’avenir pour se forger sa propre trace, pour influer sur son propre destin.

Le Gouvernement wallon veut se donner des moyens modernes pour opérer des choix stratégiques. Il désire tracer cette carte d’un progrès que nous nous assignons, bousculer les idées reçues en ouvrant la voie de l’imagination et en balisant la piste de tous les phares de la rigueur intellectuelle. Nous voulons décrire les futurs possibles et tous les possibles de futur et c’est pourquoi nous sommes là, convaincus de l’enjeu, attentifs à une méthode.

Avec mon Gouvernement, nous sommes assignés à un objectif, celui de changer la donne et de faire basculer la Wallonie dans le peloton de tête des régions d’Europe en pratiquant le changement dans les têtes et la pro activité dans les actes. Dans quelques minutes, dans ses conclusions, le Professeur Michel Quévit posera la question "quel travail de prospective mettre en œuvre pour la Wallonie ?".

Je suis convaincu que nous avons, avec humilité, ouvert la voie de la prospective dans le chef du Gouvernement wallon avec le Contrat d’Avenir pour la Wallonie. En effet, nous avons analysé les rétroactes, le passé historique, sociologique et économique de la région, nous avons fait un constat de base qui nous a poussés à choisir un scénario de développement régional pour la législature. C’est un acte typiquement prospectif dans lequel nous avons associé la technique du Contrat.

Amendé, débattu, restructuré, le Contrat d’Avenir pour la Wallonie est maintenant un instrument de repères qui indique les étapes d’une marche à suivre. En même temps que nous planchions sur cet outil important, une méthode semblable d’information et de dialogue élaborait le document final du Phasing out soumis pour l’instant à l’appréciation de la Communauté européenne. En même temps encore, se concoctait le Plan fédéral pour un Développement durable, lui-même proposé à l’appréciation des citoyens, des interlocuteurs économiques et sociaux.

Ces deux documents sont, autant que le Contrat d’Avenir, des documents de prospective. Ils tentent tous de définir un horizon pour un pays ou une région en mouvement. Ils prennent pour référence ce que nous appelons de nos vœux comme le Développement durable, c’est-à-dire la possibilité pour une communauté d’individus de pénétrer le temps en gardant intactes les valeurs fondamentales qui garantissent une vie en société : la création de richesses, le respect de l’environnement et la cohésion sociale.

Cependant, ces quelques documents ne sont qu’autant de moments dans la nécessaire prise de conscience du besoin de changement que nous connaissons aujourd’hui. Nous avons besoin d’une réflexion prospective continue. La question fondamentale que pose tout ceci et que ne manquera certainement pas de poser le Professeur Quévit dans sa conclusion est donc "comment devons-nous intégrer tout aussi durablement l’acte de prospecter et le pilotage stratégique des projets et des politiques, tant dans une authentique culture de service public que dans une culture entrepreneuriale ?".

Les besoins en Wallonie sont immenses. Pour faire en sorte que s’installe l’air du temps si favorable aux révolutions mentales, il faudra certainement miser sur l’éducation. En terme de formation, il faudra préparer les générations futures à ce nouveau mode de gestion et de prise en charge.

En espérant que le Professeur Quévit ne m’en voudra pas d’anticiper un petit peu ses conclusions, et parce que je suis persuadé que la prospective wallonne nécessite un outil d’intégration continue de l’acte de prospecter, je me permettrai ici de développer un comportement pro et pré actifs en levant un coin du voile sur le mécanisme de suivi permanent du Contrat d’Avenir que je voudrais voir élaborer dans les tout prochains jours.

Vous vous doutez évidemment bien qu’une structure, un mécanisme d’évaluation du Contrat d’Avenir, est actuellement en cours de finalisation. Plutôt que de chercher une évaluation "ex post" arrivant généralement trop tard, nous sommes attelés à mettre sur pied un mécanisme de suivi permanent du Contrat d’Avenir pour la Wallonie. Dans toutes les politiques menées dans le cadre du Contrat d’Avenir pour la Wallonie, nous favoriserons ainsi une expertise extérieure en partenariat étroit avec les administrations afin de disposer d’une batterie d’indicateurs immédiats de suivi et de pilotage des politiques menées.

Un travail méthodologique préalable du consultant extérieur devra permettre d’élaborer une arborescence d’indicateurs qui définit une causalité objective entre l’ensemble de ces indices d’évolution des politiques menées avec les deux objectifs du Gouvernement wallon, à savoir, la convergence européenne en matière de taux d’emploi et de création de richesses par habitant.

Voilà, très brièvement résumé, le volet évaluation du Contrat d’Avenir. Mais ce n’est pas tout. Nous chercherons également à y associer un volet prospectif important.

Si çà et là différents instituts ou centres de recherche font de la prospective, nous ne disposons pas de centre régional de prospective. Reconnaissons-le, nos universités n’ont pas encore structuré, fédéré, une démarche prospective. Par le biais de son conseil d’administration, l’Institut Jules Destrée s’est proposé d’ériger en son sein une cellule indépendante de prospective régionale.

Mes collaborateurs et moi-même avons longuement réfléchi sur ce sujet pour trouver un système qui permette d’une part, la garantie du niveau d’indépendance requis pour une telle cellule et d’autre part, des retombées directes et effectives sur le Contrat d’Avenir pour la Wallonie et la Région wallonne. Moyennant quelques retouches que nous discuterons, je m’apprête donc à financer, au départ de mon budget, la création d’une cellule indépendante de prospective au sein de l’Institut Jules Destrée.

Cette cellule sera en relation avec le Service des Etudes et de la Statistique de la Région wallonne, les universités, la cellule de prospective de la Commission européenne, mais également, le contractant de l’évaluation du Contrat d’Avenir.

Ainsi, il y aura interrelation permanente entre l’évaluation et la prospective du Contrat d’Avenir.

Je proposerai également que deux champs de recherche soient directement affectés à cette cellule par le Gouvernement wallon, tout en garantissant l’indépendance du travail effectué. Ces deux champs de recherche cadrent directement avec la philosophie du Contrat d’Avenir et touchent des domaines historico-sociologiques dans lesquels l’Institut Jules Destrée dispose déjà d’une expérience importante.

Il s’agit de :

  • L’évolution de l’image des Wallons de leur propre région et d’eux-mêmes;
  • L’évolution de la mentalité des Wallons par rapport à la réussite et à l’échec et par rapport à l’esprit d’initiative.

Le Gouvernement wallon a effectivement besoin de disposer de vues prospectives et de propositions d’action dans ces matières quelque peu intangibles.

Le sondage sur la Wallonie réalisé par la RTBF pour son émission du 30 mars l’a encore démontré. Si les Wallons reprennent confiance en l’avenir, s’ils estiment que la région est effectivement sur la voie du redressement, il reste un déficit d’image, non par rapport au Gouvernement, mais vis-à-vis de la Wallonie et des Wallons eux-mêmes.

Nous savons tous que ces éléments découlent de l’évolution historique et sociologique de la Région mais nous n’avons que très peu d’aptitudes prospectives par rapport aux actions à mener pour influer sur nos propres mentalités et notre avenir. La future cellule de prospective régionale y travaillera.

Bien entendu, outre ces prérogatives spécifiques du Gouvernement wallon, le rôle de la cellule indépendante de prospective sera d’assurer des missions de prospective plus générales :

  • La veille et la détection des signaux porteurs de sens;
  • L’animation de la réflexion générale sur l’avenir de la Région wallonne;
  • Une activité de recherche prospective, directement ou en partenariat;
  • Une fonction de conseil pour le Gouvernement wallon dans les deux matières retenues et ce, dès la mise en place de la cellule.

Ainsi, grâce à la mise en place d’une cellule indépendante de prospective, le Gouvernement wallon pourra disposer d’un rapport prospectif pour sa future évaluation à mi-parcours du Contrat d’Avenir pour la Wallonie, rapport prospectif qui lui permettra de mener des actions concrètes pouvant influer sur notre "paradigme" régional.

En espérant ne pas avoir trop anticipé le discours de conclusion, je voudrais terminer mon intervention par ce mot de Sénèque : "il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va".

Evaluation, prospective et développement régional - Institut Jules-Destrée - mars 2000

Journées des 3 et 31 mars 2000 :  
Evaluation, gestion démocratique et développement régional
  Prospective, pilotage stratégique et développement régional

 

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