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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie

Contrats, territoires et développement régional
Actes de la
Journée d'étude du 11 mai 1999 au Château de Namur
Organisation :
Institut Jules Destrée
CEMAC (Centre de Management et de Créativité)
OGM (Organisation Gestion Marketing)
Contrats, territoire et développement régional -11.05.99

Que peut-on attendre de la démarche contractuelle ?

Jean-Louis Dethier
Administrateur délégué du CEMAC

 

Dans son rapport général du quatrième congrès La Wallonie au futur, organisé par l’Institut Jules Destrée, Philippe Destatte plaidait au nom du Congrès pour intégrer les réalités en termes d’espace. Ceci signifie qu’actuellement, selon ce congrès qui a rassemblé, rappelons-le, 500 personnes pendant deux jours à Mons les 9 et 10 octobre 1998, un déficit existe dans ce domaine : certains espaces du territoire wallon seraient mal intégrés les uns par rapport aux autres.

Les disparités socio-économiques sont le reflet dramatique de ce manque d’intégration : on sait que les taux de chômage par arrondissement varient du simple au double entre la dorsale et la verticale wallonne. On observe aussi que certaines sous-régions – nous les appellerons territoires pour utiliser un terme plus neutre – ont des dynamiques de développement très favorables, et que d’autres connaissent depuis vingt ans une dynamique d’effondrement telle qu’un programme d’une importance de l’Objectif 1 actuel ne semble pouvoir parvenir au mieux qu’à ralentir leur déclin

Ces faits étant reconnus, il importe de les assumer. Parler de manifestations de sous-régionalisme entrave l’intégration territoriale. Et le rapporteur du Congrès de plaider en faveur d’innovations dans les relations sous-régionales destinées à accentuer les processus d’expression des besoins et le développement endogène par des démarches bottom-up.

Cette expression anglaise, qui se traduit littéralement par "du fond vers la surface", désigne les processus de changement, d’évolution, partant de la base. Introduite dans les entreprises au cours des années 80 notamment via les cercles de qualité, la démarche bottom-up consiste à proposer aux personnes de première ligne (ouvriers, employés), c’est-à-dire ceux qui font le travail, de se réunir pour identifier et rechercher des solutions aux problèmes se posant à leur niveau, et pour proposer celles-ci aux dirigeants (c’est-à-dire ceux qui fournissent les ressources, orientent et coordonnent le travail de la base). Après accord des dirigeants, ces solutions sont mises en œuvre par les personnes qui les ont proposées avec le concours de leurs collègues.

La démarche bottom-up a ses inconvénients et ses limites. Elle ne peut prétendre résoudre tous les problèmes. Sans le "sommet", la "base" ne dispose pas d’un recul suffisant par rapport aux problématiques d’ensemble, et notamment aux grands mécanismes régulateurs qui nécessitent de définir les grandes priorités de l’entreprise, comme la veille technologique, stratégie marketing et sa gestion financière. Mais elle présente deux avantages irremplaçables. Elle restitue à la base l’expression de la réalité du terrain et la formulation de ses besoins. Elle lui renvoie en même temps aussi la responsabilité de participer activement à la satisfaction de ceux-ci.

A l’opposé de la plupart des autres régions européennes en retard de développement, la Wallonie a la chance – et saluons en ce sens les sacrifices et la clairvoyance des générations antérieures – de disposer de structures de développement et de dialogue politique et social qui ont fait la preuve de leur utilité et de leur efficacité. Même si, dans certains domaines, expertises et structures nous manquent encore, c’est en termes d’orientation et d’intégration des efforts et de mobilisation des ressources que se situe le déficit.

Et c’est ici que les contrats interviennent.

Sans anticiper excessivement sur les communications et les débats qui vont suivre, exprimons simplement l’intérêt que la démarche contractuelle nous semble présenter, et qui justifie cette journée d’étude :

Le contrat augmente l’efficacité globale des actions de développement. Il implique la définition d’objectifs communs, de prestations réciproques, une durée, un système de gestion des relations et de gestion du projet commun : le contrat oblige les partenaires à réfléchir, à prévoir, à s’organiser. Il donne ainsi des perspectives, et constitue une structure commune de référence pour l’action.

Un contrat reconnaît et légitime l’existence et les obligations des partenaires. Ainsi sont magnifiées les aspirations et valorisées les ressources locales. Ainsi le soutien des autorités centrales (régionales mais aussi communautaires, fédérales et européennes) peut-il être personnalisé, la solidarité en sa faveur peut-elle être identifiée, alors que les limites mises au support extérieur sur lequel le territoire peut compter lui font assumer la définition de son propre avenir.

Le contrat clarifie et renforce les responsabilités. Il considère les signataires comme des partenaires responsables. Pour peu que l’accord qui en résulte soit libre (et le contexte institutionnel, environnemental et temporel influence profondément la négociation), il crée un cadre assurant la sécurité, et laisse ainsi le champ libre à l’action. C’est ce dont les territoires wallons ont besoin pour agir comme opérateurs de leur propre avenir, en sachant comment et en quoi ils peuvent s’appuyer sur la synergie avec le pouvoir central, et sur la solidarité et la complémentarité avec les autres territoires.

Un contrat qui marche induit une dynamique, un partenariat. Sa négociation et son exécution ouvrent un dialogue permanent, un apprentissage dans l’action, un espace dans lequel "grandir ensemble", Il contient des mécanismes de correction, de renégociation qui font du partenariat commun une entité flexible dans le temps, comme les organismes vivants.

Comment susciter et organiser cette collaboration à long terme entre acteurs de différents niveaux et de différentes compétences, qui respecte la spécificité des chacun, et valorise leurs apports à une action collective intégrée ?

Cette journée se fonde sur l’hypothèse d’un déficit de mobilisation de la "base" dans le développement régional wallon, lié à une absence de mécanismes permettant d’exprimer clairement et de satisfaire ses besoins spécifiques. Elle vise à étudier les apports de la technique contractuelle comme mode de structuration de cette expression et de cette implication, pour la conduire à déclencher un développement de la Wallonie par le développement de chacune de ses composantes territoriales.

La définition de ces composantes et de leur mode de représentation et d’action sont évidemment essentielles à la réussite de cette démarche contractuelle.

Sur le plan local, la qualité du processus d’expression bottom-up est essentielle. Au niveau du processus, cette expression doit non seulement passer par des canaux représentatifs de toutes les dimensions essentielles du développement local (c’est-à-dire par des canaux multiples et non limités aux structures politiques et administratives). Au niveau du contenu, elle doit s’exprimer de façon constructive et prospective. Il ne sera pas facile de sortir des sentiers battus de la revendication !

Sur le plan régional, la créativité et la fermeté seront nécessaires pour former un cadre général ouvert et fédérateur, qui constitue le ciment nécessaire à l’harmonisation des actions dans une dynamique de solidarité, et à leur intégration dans l’environnement européen en mondial. Il ne sera pas facile d’éviter de décider à la place des territoires, ni à l’inverse de mettre des limites à leurs attentes.

De nombreuses expériences se font en termes de développement régional et local, en Wallonie et à l’étranger.

En France, elles doivent être prudemment analysées pour pouvoir être transposées en Wallonie :

– la Wallonie avec ses 3,2 millions d’habitants, est une région qui, sur le plan de la population, se situe entre la Nord - Pas de Calais et la Région Pays de Loire, c’est-à-dire la cinquième à l’échelle des régions de France, pour un territoire comparable à celui de la région de Champagne - Ardennes. Quand on parle de développement local en Wallonie, on se situe de facto à un niveau inférieur à celui de la région française, voire du département;

– le poids de l’Etat en France est écrasant, et toute la réforme de la régionalisation vise à le rééquilibrer, alors que, chez nous, on pourrait plutôt observer que le manque d’intégration dont je parlais tout à l’heure est un écho de la relative faiblesse du pouvoir central;

– malgré la proximité géographique, une histoire en partie commune et une langue partagée, la tradition et les mécanismes administratifs, la structure et la culture des entreprises publiques et privées, français et wallons, sont très différents.

Il faudrait ajouter que, bien sûr, la recherche de la contractualisation s’éloigne de l’expérience française dans la mesure où, en face de la dialectique entre les acteurs régionaux et le conseil régional, il n’y a ni Datar, ni ministère de l’Intérieur, porteur de sa propre dynamique. En cela, la contractualisation en Wallonie rejoint à la fois le contrat social rousseauiste et le concept d’"excellence territoriale", réalisation d’un projet commun partagé par la majorité des acteurs d’un territoire, cher à Michèle Cascalès (Commissariat général du Plan). On pourrait ajouter que le pouvoir normatif étant faible dans les régions françaises, l’initiative régionale en serait plus facile à partager avec les citoyens. C’est en tout cas une hypothèse.

 

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