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Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie

Contrats, territoires et développement régional
Actes de la
Journée d'étude du 11 mai 1999 au Château de Namur
Organisation :
Institut Jules Destrée
CEMAC (Centre de Management et de Créativité)
OGM (Organisation Gestion Marketing)
Contrats, territoire et développement régional -11.05.99

La contractualisation, un outil pour le développement régional en Wallonie ?

Jean-Marie Agarkow
Inspecteur général, Direction de la Politique économique, Ministère de la Région wallonne
Luc Vandendorpe et Vincent Lepage

1. Préambule

La présente note de réflexion a été rédigée en vue de préparer l’intervention de M. Jean-Marie Agarkow, inspecteur général de la Division de Politique économique (MRW/DGEE), dans le cadre de la journée d’étude "Contrats, territoires et développement régional" qu’organise l’Institut Jules Destrée le 11 mai 1999.

Le texte n’engage les auteurs qu’à titre personnel.

 

2. Situation actuelle

Avant de tracer des perspectives quant à une utilisation plus systématique de la contractualisation dans les politiques de développement régional et local en Wallonie, il y a lieu de décrire brièvement le type de contractualisation appliquée à l’heure actuelle en la matière. Quelques constats s’imposent.

De manière générale, la Région wallonne, à l'instar de l’ensemble des composantes institutionnelles du pays, n'a pas développé une forte tradition en matière de contractualisation, ce qui la distingue nettement du cas français (1).

Pour ce qui concerne la politique économique de la Région, les premières démarches de contractualisation sont nées du partenariat avec la Commission européenne au titre de la programmation des Fonds structurels FEDER, FSE et FEOGA, singulièrement à partir de la réforme des ces Fonds qui, en 1988, généralise le principe de programmation. Entre 1989 et 1993, ce furent les Cadres communautaires d’Appui (CCA) et, à partir de 1994, les Documents uniques de Programmation (DOCUP) tels que ceux en vigueur aujourd’hui dans le Hainaut (Objectif 1), dans le bassin Meuse-Vesdre et à Aubange (Objectif 2) et dans la zone rurale éligible à l’Objectif 5b.

Le DOCUP constitue dans les faits un quasi-contrat (2) entre la Région et la Commission. En effet les deux partenaires s'engagent, en base pluriannuelle, sur :

– des objectifs à atteindre en termes méso et macro-économiques,
– des axes prioritaires et des mesures concrètes,
– les moyens budgétaires à engager,
– les mécanismes de co-décision (entre autres le Comité de Suivi qui est par essence l’instance qui symbolise le partenariat
    Région / Commission),
– les modalités de gestion, de suivi et de contrôle,
– la réalisation d'évaluations régulières des résultats obtenus.

Avec le recul d’une décennie, on peut affirmer que l'application de cette démarche de contractualisation globale entre la Commission et la Région wallonne est à l’origine de plans de développement nettement plus intégrés qu’auparavant : dans un DOCUP, les actions de développement économique, de recherche et développement ou d’infrastructures concourent à la réalisation d’une même stratégie globale.

En outre, ces quasi-contrats entre Région et Commission ont permis - c’est vrai pour la Wallonie comme pour la plupart des régions européennes - le développement de méthodes de management public telles que :

– les analyses Forces / Faiblesses / Opportunités / Menaces au moment de poser le diagnostic socio-économique d’une sous-région et de définir les axes stratégiques du programme ;
– la programmation par les objectifs : schématiquement, on définit les objectifs globaux du programme qui se déclinent en objectifs intermédiaires qui eux-mêmes se déclinent en objectifs spécifiques à une action particulière ;
– un suivi des actions qui s’est de plus en plus informatisé au fil du temps : pour le DOCUP Objectif 1 Hainaut, une base de données puissante reprend la description de tous les projets cofinancés par le FEDER, leur état d'avancement ainsi que les informations financières et les indicateurs de réalisation les concernant ;
– un dispositif d'évaluation continue basé sur l'expertise externe.

On peut d’ores et déjà affirmer que ces dispositifs seront renforcés dans le cadre de la prochaine période de programmation des Fonds structurels européens entre 2000 et 2006.

Jusqu’ici, généralement, la Région n’a pas répercuté cette démarche contractuelle globale au niveau des opérateurs locaux mettant en œuvre l’une ou l’autre action du DOCUP. Ici, ce sont des conventions ad hoc qui sont passées entre la Région et les opérateurs.

Une sous-région donnée peut faire l’objet pour le même DOCUP d’une multitude de conventions passées entre la Région et un ou plusieurs opérateurs locaux. Il en résulte le plus souvent une absence de stratégie intégrée au plan sous-régional.

Toutefois, dans le cadre du Programme d’Initiative Communautaire PME ont été mis en place en Hainaut trois "Comités de Bassin", c’est-à-dire des cellules de coordination locale qui visent à assurer la cohérence des projets menés par les différents acteurs, de favoriser leur orientation vers les PME ainsi que de faciliter l’accès des PME aux programmes de développement.

De plus, on relève au niveau de certaines sous-régions des initiatives s’apparentant à une démarche programmatique. A Charleroi, le programme FUTURA décline depuis 1994 sept axes d’actions prioritaires pour le développement socio-économique de la zone. Dans le Tournaisis a été conçu un programme d’action intégré en matière touristique. Dans les deux cas, les opérateurs locaux concernés déterminent les projets particuliers qu'ils souhaitent mettre en œuvre à travers le prisme des stratégies qu’ils ont définies.

 

3. Vers un nouveau mode de contractualisation

Le système en vigueur aujourd’hui en matière d’animation économique locale présente une série d’inconvénients :

– en l’absence d’une stratégie intégrée à laquelle les différents opérateurs "de terrain" peuvent faire référence, les actions menées ne présentent pas toujours un degré de cohérence suffisant, que ce soit d’un opérateur à l’autre ou dans une perspective de long terme ;
– on assiste au développement d’une politique d’offre de produits en lieu et place d’une politique orientée d’abord sur la demande des entreprises ;
– les contrôles effectués par le donneur d’ordre (càd la Région) sont plus souvent axés sur le respect des clauses administratives (éligibilité des dépenses, conformité des pièces comptables , etc.) que sur les résultats des actions ;
– en corollaire, on constate une démultiplication de la charge administrative liée au suivi et au contrôle, tant au niveau des services de la Région que des opérateurs eux-mêmes ;
– la réflexion relative à la poursuite des actions et leur financement après DOCUP est généralement absente.

A la veille des travaux de programmation des Fonds structurels pour la période 2000-2006, il est donc logique de songer à la pertinence et à la praticabilité de nouveaux modes de contractualisation entre la Région et les opérateurs locaux impliqués dans l’animation économique.

 

4. Modalités

Trois principes directeurs doivent présider à l’élaboration de ce nouveau mode de contractualisation : la mise en concurrence des offreurs de services aux entreprises, la responsabilisation du (des) prestataire(s) sélectionné(s) et la pluriannualité.

Mise en concurrence

Qui dit contractualisation dit, pour les pouvoirs publics, marché public, et donc mise en concurrence des candidats potentiels par une procédure d’appel d’offres afin de garantir la transparence quant au choix du(des) prestataire(s).

Dans le cas qui nous occupe, l’appel à propositions s’adresserait aux organismes publics ou assimilés (fédérations professionnelles, chambres de commerces,…) détenant une compétence avérée dans l’accompagnement des PME et le soutien à leur développement. L’adjudicataire du marché agirait en qualité d’intermédiaire auquel la Région confierait la prise en charge d’un dispositif d’appui aux PME comprenant la fourniture d’un certain nombre de services partagés (par ex. un centre d’entreprises ou une structure de veille économique) ou individuels (par ex. la gestion d’un dispositif d’audits).

Partant de là, un cahier des charges doit être rédigé afin de préciser, entre autres : les qualifications requises de l’adjudicataire, une description détaillée des missions, les objectifs quantitatifs à atteindre, les actions à mettre en œuvre, les types de bénéficiaires, etc.

La réalisation de ce type de marché de services nécessitant la mobilisation de compétences nombreuses et diverses, on peut imaginer de le découper en plusieurs lots distincts (par ex. veille économique et diffusion d’informations générales ; accompagnement de dossiers d’aide publique ; hébergement de TPE (3) et réalisation de plans d’affaires ; etc.).

Une alternative permettant de rencontrer cette nécessaire pluridisciplinarité consisterait à attribuer le marché dans son ensemble à un consortium de prestataires (Groupement d’Intérêt économique, Association momentanée) qui coordonneraient leurs interventions en fonction de leurs core business respectifs.

Pour entrer en ligne de compte, le candidat prestataire devrait répondre à un certain nombre de pré-requis, tels que :

– se référer à un plan de développement transversal qui aurait été défini au niveau de la sous-région à partir d’une analyse Forces / Faiblesses / Opportunités / Menaces : à l’image d’un DOCUP, ce plan intégrerait pour la période considérée les différents axes stratégiques de développement, les actions à entreprendre, les moyens nécessaires et la quantification des résultats globaux et spécifiques à atteindre ;
– créer en son sein une unité de production bien distincte dévolue aux actions de développement économique ;
– se doter d'une cellule d'analyse, de prospective et d'évaluation.

Les offres déposées dans le cadre de cette procédure de mise en concurrence seraient évaluées à partir de l'expérience acquise par les candidats, de la qualité et de la cohérence de leurs propositions et de l’adéquation des actions envisagées au regard des besoins des PME.

Responsabilisation

De manière à optimiser l’impact des actions d’animation économique auprès du tissu de PME, il est indispensable d’accroître la responsabilisation des opérateurs tout en allégeant la charge de gestion administrative.

A cette fin, le suivi des actions devrait principalement être fondé sur l’appréciation tant de l’ampleur et de la qualité des actions menées que de leurs résultats.

Au niveau des indicateurs de réalisation, des progrès significatifs ont déjà été accomplis ces dernières années par la Région et les opérateurs dans la quantification des actions menées. Cet important travail commun a porté tant sur la définition des indicateurs que sur leur mode de récolte et de stockage informatique. Ainsi dans le cadre du DOCUP Objectif 1 Hainaut, les cinq intercommunales de développement économique délivrent chaque trimestre des fichiers informatiques relatifs aux entreprises bénéficiaires et à sept indicateurs liés directement aux services prestés (4).

En ce qui concerne l’impact des actions, on peut imaginer de construire des indicateurs à partir des questions suivantes : quel impact sur le volume d’emploi des entreprises bénéficiaires ? quelle évolution de leur chiffre d’affaires total et / ou à l’exportation ? combien de candidats entrepreneurs accompagnés ayant effectivement créé leur société ? quelle part des jeunes entreprises bénéficiaires ayant passé le cap des 3 années d’existence ?

Le suivi des prestations serait essentiellement basé sur ces deux types d’indicateurs (5). Un Comité d'Accompagnement, soutenu par une expertise externe indépendante, se réunirait périodiquement pour juger de l'état d'avancement des actions et de leurs impacts. Le versement des tranches successives serait conditionné à la réalisation des objectifs fixés à la signature du "contrat".

Ce faisant, la nature du partenariat établi entre la Région et les opérateurs "de terrain" serait sensiblement modifiée, la première laissant une plus grande marge de manœuvre aux seconds sur le plan opérationnel, mais à la condition que les résultats correspondent aux objectifs fixés ex-ante.

Le suivi étant beaucoup plus qu'auparavant fondé sur la quantification des actions et de leurs impacts, les opérateurs devraient se doter en interne de cellules d'analyse et d'évaluation capables de récolter et d’interpréter les données relatives aux interventions (pour mémoire, ce point avait été repris plus haut parmi les pré-requis du cahier des charges).

Ce dispositif nécessite donc un certain investissement tant chez les prestataires qu’au niveau des services concernés au sein de la Région, mais il sera compensé par l’allègement de la charge administrative liée à l’établissement, la justification et le contrôle des pièces comptables.

La pluriannualité

Le troisième principe directeur de ce nouveau mode de contractualisation réside dans la pluriannualité. Le contrat passé lierait les parties pour une période de minimum cinq ou six ans : par exemple sous la forme de trois ans renouvelables.

Cette base pluriannuelle serait de mise tant pour la programmation des actions et des objectifs à atteindre que pour les moyens disponibles (engagements pluriannuels). Avec un budget affranchi de l’annualité stricte, les prestataires pourraient faire correspondre au mieux leurs dépenses aux investissements humains et matériels que nécessitent leurs interventions.

Enfin, il va de soi qu’un tel dispositif a autant de sens pour les zones bénéficiant des financements communautaires que pour celles n’en bénéficiant pas (ou plus).

 

5. Conclusion

Le mode de contractualisation pratiqué entre la Commission européenne et la Région wallonne pour la programmation des actions cofinancées pas les Fonds structurels a indéniablement permis à la fois une plus grande cohérence des actions de développement économique, une responsabilisation accrue des acteurs régionaux à l’égard des résultats à atteindre et enfin le développement accru d’un certain nombre d’outils de management public.

De tels bénéfices pourraient être attendus d’une répercussion de cette démarche contractuelle globale au niveau des opérateurs locaux mettant en œuvre des actions d’animation économique. La présente note en a exposé, à titre exploratoire, les principes et modalités de mise en œuvre (6).

Une telle évolution implique des contraintes et devoirs spécifiques dans le chef des opérateurs locaux (mise en concurrence, responsabilisation accrue,…), mais elle devrait également contribuer à une stabilisation à plus long terme de leur financement, à un allègement de la charge administrative liée au suivi et enfin à une meilleure reconnaissance de leur rôle d’acteurs du développement.

En conclusion, la politique de développement économique menée par la Région wallonne et cofinancée par les Fonds structurels européens contient déjà un certain nombre d’éléments relevant d’une approche transversale et contractuelle, mais ces éléments sont encore épars et ne sont pas encore intégrés dans une démarche globale.

Presque toutes les pièces du puzzle sont là, il reste à les assembler. La perspective est moins de créer de nouvelles structures et de nouvelles procédures que d’assurer la cohérence du dispositif existant.

Il s’agit de faire le bilan des différentes expériences mises en place avec l’aide des Fonds structurels dans les zones d’Objectif 1, 2 et 5b et de s’en servir comme levier pour une politique régionale menée par la Wallonie à l’échelle de la Wallonie.

 (1) Les Contrats de Plan Etat - Région sont le fruit d’une négociation entre, d’une part, l’Etat central (le Premier ministre et les préfets de Région) et, d’autre part, les régions. Le contrat est signé par le préfet de Région, le président de Région ayant de son côté fait délibérer le Conseil régional et le Conseil économique et social. (Philippe Chain, Chargé de mission à la DATAR, dans "L’investissement public et les acteurs du développement régional", ouvrage du GERI édité avec le concours du Commissariat général au Plan, La Documentation française, Paris, 1997).

(2) On ne peut parler de contractualisation au sens plein du terme puisque le DOCUP est le produit d’une Décision de la Commission prise sur la base d’une proposition formulée par l’Etat membre (dans ce cas, la Région).

(3) Très petites Entreprises (moins de 10 personnes).

(4) Contacts établis, dossiers accompagnés, pré-audits réalisés, TPE hébergées, plans d’affaires réalisés, prestation de conseils et PME bénéficiaires d’adjoints de direction.

(5) Le choix des indicateurs de réalisation et d'impact qui serviront de base à l'évaluation continue des actions est un aspect central du dispositif envisagé. Ils doivent répondre à une triple condition :
1.  être cohérents eu égard au contenu des actions,
2.  être aisément quantifiables et vérifiables et
3.  se fonder sur des définitions et notions partagées par l’ensemble des intervenants.

(6) Il est à noter qu’à ce système de contractualisation globale pourrait être intégrée la notion de sanction du marché à l'égard des services prestés, par exemple via :
– des enquêtes de satisfaction auprès de groupes de PME bénéficiaires;
– la présence de représentants des entreprises au sein du comité d'accompagnement du marché;
– le financement partiel des opérateurs via la demande (par ex. sous la forme de "chèques-services" à la disposition des bénéficiaires potentiels).

 

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