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Wallons d'ici et d'ailleurs, La société wallonne depuis la Libération - 1996

La société wallonne depuis la Libération

Moteurs politiques et sociaux

Philippe Destatte
Historien, Directeur de l’Institut Jules Destrée

 

La Wallonie constitue-t-elle une entité politique et sociale pendant la période que nous envisageons ici, c’est-à-dire depuis la Libération jusqu’à nos jours ? La question mérite d’être posée. En effet, le concept de société wallonne implique un cadre régional défini dans une période qui précède la réforme de l’Etat. Pour écarter toute suspicion d’anachronisme, on se rappellera les définitions successives du concept de région, aux sens sociologique et économique, avancées – après d’autres – par l’économiste André Schreurs en 1954 et en 1956. Celui-ci écrivait en effet à cette première date : du point de vue de l’économie régionale, la région doit être comprise moins comme une unité géographique, comme une unité administrative ou comme une aire de similitude économique, que comme une unité spatiale de vie sociale, c’est-à-dire comme un complexe auquel les hommes qui habitent une certaine étendue de sol, qui vivent dans tout ou partie d’une ou de plusieurs ressorts de compétence administrative et qui s’y livrent à des activités professionnelles, donnent sa physionomie particulière et confèrent son individualité (1).

En 1956, André Schreurs précisait sa pensée en estimant que la Wallonie constitue incontestablement, dans le cadre de l’Etat belge, une entité économique distincte, possédant des caractéristiques bien particulières (2). Le même auteur fondait ainsi l’entité Wallonie sur trois éléments : d’abord l’existence d’un complexe industriel wallon articulé sur l’axe hydrographique Haine, Sambre et Meuse, ensuite le caractère complémentaire des activités industrielles des différents bassins qui constituent le complexe, enfin – conséquence des deux premiers items – l’importance des échanges qui s’effectuent entre les différents bassins wallons. Cette vision, incomplète par rapport à celle qui est nôtre aujourd’hui d’une Wallonie développant un axe Nord-Sud complémentaire entre Wavre et Arlon, a le mérite d’avoir défini, sur le plan économique, l’espace qui nous intéresse pour la période que nous nous proposons d’étudier. Envisageant les décennies 1960-1980, les auteurs du Dossier pour Wallonie 2000 publié par le Centre de Recherches et d’Informations socio-politiques et la RTBF en 1982, estimaient que, si l’existence d’une économie wallonne, différente de celle des autres régions, ne faisait pas de doute dans le domaine socio-économique, la question de la Wallonie, entité politique ?, se posait. L’interrogation centrale consistait – et consiste toujours – dans le problème des relations avec Bruxelles. Et le CRISP d’estimer qu’il n’existe pas, entre Bruxellois francophones et Wallons, de cohésion symétrique à celle que connaissent les Flamands entre eux (3). C’est avec raison que, de son côté, Matéo Alaluf écrit que les mutations ne caractérisent cependant pas la seule Wallonie. Elles traversent d’une certaine manière le monde actuel et constituent une composante de la modernité. Mais comme toute société est marquée par son histoire, la société wallonne a imprimé de sa marque ses propres transformations (4).

Ainsi, l’objet de cette courte contribution – par rapport à l’ampleur du champ déterminé – consistera à relever quelques éléments politiques et sociaux (internes et externes), considérés comme importants, de transformation de la société wallonne en cette seconde moitié du XXème siècle. De l’ensemble des moteurs économiques et sociaux qui ont déterminé ce demi-siècle en Wallonie, il nous est apparu utile d’en retenir cinq : d’abord l’empreinte profonde laissée par le conflit mondial; ensuite ces trois mouvements autonomes que constituent l’avènement de la femme, la dynamique du renardisme et la contestation de la modernité; enfin, l’affirmation de la nécessité d’un projet wallon, ouvert aux populations immigrées et porteur de citoyenneté.

 

1. Une société profondément marquée par la guerre

S’il est un changement marquant, qui pèse considérablement jusqu’à aujourd’hui, c’est celui engendré par la guerre elle-même. Une mutation aussi vaste écrase l’historien par l’infinie variété de ses aspects, écrivait Pierre Léon (5). Notre vie politique, comme celle des grands Etats, reste empreinte par les clivages des années vingt et trente qui se sont exacerbés dans les circonstances du conflit mondial. Durant toute la période, nous sommes et nous restons dans l’après-guerre, tout comme nos grands-parents étaient restés dans un "après-guerre" jusqu’à ce qu’un deuxième conflit vienne les toucher et leur faire comprendre que leur jeunesse ne serait qu’un entre-deux.

Ainsi, alors que, de la Libération, nous gardons trop souvent en tête les images des manifestations euphoriques de nos jeunes filles accueillant les blindés alliés, alors que les manuels scolaires consignent que les Belges, unis dans l’œuvre de reconstruction nationale, jetaient les bases d’une Belgique nouvelle, notre mémoire perd l’ampleur du séisme qui a frappé le monde et qui explique l’existence prolongée de ses stigmates bien au delà de 1945. De même, trop souvent, les historiens oublient de mentionner les tensions extrêmes générées par le Gouvernement rentré de Londres qui ne tire sa légitimité que des élections d’avant-guerre, qui craint la Résistance au point de la désarmer dans la précipitation en s’appuyant sur la force militaire des alliés, qui s’inquiète des prises de positions du Congrès national wallon et qui reporte les élections législatives par hantise des communistes.

Pour la première fois dans l’histoire, les destructions dues à la guerre se sont étendues de manière systématique aux zones urbaines des belligérants et à l’ensemble du monde, dans l’intention d’en réduire la population et le tissu industriel, afin de vaincre par la terreur et la ruine. Les pertes et les déplacements des populations ont été considérables : plus de cinquante millions de morts et autant d’exilés. Auschwitz, Hiroshima, Dresde sont autant de plaies béantes dans l’entendement humain. Elle ne sont d’ailleurs pas cicatrisées aujourd’hui. Comme l’avait fait Paul Valéry, une guerre avant lui, André Malraux peut s’interroger sur l’homme et la civilisation. A la tribune de l’Unesco, le représentant de la France estime que l’homme est aujourd’hui contraint à répondre non seulement de ce qu’il a voulu faire, non seulement de ce qu’il voudra faire, mais encore de ce qu’il croit qu’il est (6). Dans la Belgique comme dans l’Europe à l’ouest de l’Allemagne, la Wallonie n’est pas représentative de la situation générale. Frappée en 1940, elle l’a été plus durement encore en 1944 par l’Offensive von Rundstedt, par l’épouvante psychologique d’un retour des SS, par un nouveau Noël d’occupation au sud de la Meuse et les bombardements des bombes volantes sur Liège, tandis que Paris et Bruxelles étaient en liesse. Frappée dans ses familles marquées par cinq ans de Résistance, cinq ans de déportations politiques, cinq ans d’absence de ses prisonniers de guerre, la Wallonie est plus révoltée que désespérée, en 1945.

La désespérance est pourtant de mise sur l’Europe rétrécie et figée autant par les accords de Yalta que par le nouveau face à face idéologique et militaire. Certains mouvements culturels rendent compte de cette anxiété, notamment le néo-réalisme italien, au cinéma avec Roberto Rossellini, Vittorio De Sica, etc., dans la littérature, avec Carlo Levi qui, par Le Christ s’est arrêté à Eboli (1945), exprime la situation dramatique du Mezzogiorno ou, encore, le Vasco Pratolini de la Chronique des Pauvres amants (1947). La déchéance de l’humanité est aussi le terreau dans lequel se développe la philosophie existentialiste, un des principaux courants philosophiques de l’après-guerre. Jean-Paul Sartre considère en effet que, devant l’absence de sens général à l’histoire, de connaissance scientifique et objective, de credo pertinent, il appartient à l’homme de prendre en main sa propre destinée et de ne pas se laisser emporter par l’air du temps. Progressivement, c’est le sens du relatif et le scepticisme avec lequel l’exprime Albert Camus qui vont succéder à la méfiance envers le scientisme et le culte de la raison humaine, qui nous avaient marqués depuis la fin du XIXème siècle et que l’idéalisme fasciste avait ébranlés avant qu’ils ne soient fondamentalement mis en cause par la bombe atomique. Progressivement aussi, c’est vers l’Est que les grands philosophes existentialistes comme l’auteur de L’Etre et le Néant et ses disciples vont se tourner. La reconstitution de blocs idéologiques et militaires ainsi que le déclenchement, le 25 juin 1950, de la Guerre de Corée vont les y inviter.

La Guerre froide qui va suivre puis la détente – qui n’en est qu’une forme atténuée – vont consacrer le concept d’équilibre de la terreur qui marquera la seconde partie du siècle, jusqu’à la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, en accordant une place prépondérante à l’idéologie dans chacun des blocs. Il est certain que l’épée de Damoclès de la brutale fin nucléaire, tout comme la modification du mode de pensée induite par l’intrusion de l’aléatoire dans le développement scientifique, ont eu des effets sur la logique politique où la vision explicative linéaire est battue en brèche par les raisonnements probabilistes.

De manière interne, la société européenne de l’après-guerre est surtout marquée par une modification de sa contexture : tertiarisation de l’emploi et naissance d’une technocratie. Celle-ci a foi dans le progrès social grâce à la croissance et au développement des entreprises multinationales dans les anciens secteurs tout autant que dans ceux porteurs d’innovation : l’énergie, la chimie, l’informatique, les télécommunications. Dès lors, cette tertiarisation fait naître de nouvelles élites dans les grands pôles industriels et financiers – absents en Wallonie – et valorise, au sein des classes moyennes, les diplômés qui peuvent s’affilier à des réseaux privilégiés d’informations. Ceux-là participent à la reprise de vigueur d’un nouveau libéralisme, essayant d’allier la maximalisation du profit au progrès social des travailleurs. Ce néo-libéralisme s’inscrit dans un contexte de libre entreprise et de stricte concurrence sur base du modèle de l’American Way of Life. En Belgique, celui-ci prendra la forme du libéralisme rénové d’Omer Vanaudenhove au travers du Parti de la Liberté et du Progrès, fondé le 8 octobre 1961. Utilisant dès ce moment un slogan qui fera fortune en mai 1968 – l’imagination au pouvoir (7) –, il s’appuie sur les nouvelles classes moyennes, politiquement "au centre", rompt avec l’anticléricalisme traditionnel des libéraux et s’ouvre aux chrétiens. Mais le cadre unitaire belge dans lequel il s’inscrit avec vigueur est dépassé et sera mis en cause tant par les libéraux flamands que par les libéraux wallons, ces derniers se donnant d’ailleurs – après avoir joué un rôle déterminant dans la réforme de l’Etat – une nouvelle dynamique en s’alliant avec la droite du Rassemblement wallon en 1977. Quand survient la nouvelle vague libérale reaganienne et thatchérienne dans les années quatre-vingt et qu’émergent les thèmes de dérégulation, déréglementation ou flexibilité, les libéraux wallons prennent, dans une certaine mesure, leur distance, pour – comme l’a écrit Jean Gol – éviter les excès des nouveaux économistes friedmaniens et les outrances de la "moral majority" (8).

 

2. L’avènement politique et social de la femme

Réunies à San Francisco le 26 juin 1945, les nations victorieuses définissent la Charte d’une organisation internationale destinée à éviter que ne recommence cette guerre qui n’est d’ailleurs pas encore finie puisque le Japon tient toujours tête aux Etats-Unis et à leurs alliés. Le principe de ce texte repose sur la proclamation de la foi des signataires dans les Droits fondamentaux de l’Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites (9). La Déclaration universelle des Droits de l’Homme votée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies – sans que ce texte ait le même caractère contraignant que la Charte afin qu’il soit plutôt un idéal commun à atteindre – confirme l’égalité des droits des hommes et des femmes, et rejette toute distinction de droits ou de libertés qui pourrait être fondée sur le sexe, comme d’ailleurs sur la race, la couleur, la langue, la religion, etc. (10). Les débats sur l’attribution des droits politiques à la femme ne sont pas neufs (11). Ils se sont posés lors de l’instauration du suffrage universel, alors que les pays scandinaves avaient reconnu ce droit dès 1910 et les Etats-Unis depuis 1920. Lorsque la France l’accorde en 1945, elle est le trente-sixième Etat du monde à le faire mais elle inscrit en préambule de sa Constitution du 27 octobre 1946 que la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme (12).

En Belgique, le Code électoral, révisé par la loi du 11 août 1928, contenait déjà – tout comme la Constitution révisée – le principe du vote aux élections législatives et le permettait d’ailleurs pour les veuves des patriotes de 1914 ou pour les prisonnières politiques de la Grande Guerre. Tant les socialistes que les libéraux avaient refusé d’accorder d’autres droits de vote que ceux prévus pour les élections communales auxquelles les femmes participèrent dès 1921. Absurdité, bien que refusant le droit de vote, ils avaient toutefois accepté l’éligibilité de la femme ! C’est la loi du 18 février 1948 qui étend le droit de vote aux femmes pour les élections législatives. Cela signifie un accroissement de près de trois millions de votants et un nombre d’électrices qui dépasse le nombre d’électeurs. Le premier suffrage législatif auquel elles participent est celui de juin 1949, année où paraît Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir, célébrant la structure ontologique commune de l’homme et de la femme. A cette date, treize femmes entrent au Parlement.

Sur le plan politique et social, cet avènement constitue une conséquence directe de la guerre, qui a vu s’affirmer le rôle de la femme, et surtout sa responsabilité familiale. Parallèlement, sa vie professionnelle – même si elle ne constitue pas une nouveauté – est enfin reconnue et va pouvoir s’accroître avec le développement des facilités ménagères tant sur le plan domestique que sur celui des services urbains. Le changement social réside ainsi dans la participation permanente des femmes à la vie économique et dans une féminisation croissante de l’emploi. La volonté capitaliste de rétablissement du taux de plus-value, à partir du milieu des années septante, va du reste accentuer ce phénomène (13). Ainsi, en Wallonie, pendant la période qui va de 1974 à 1992, la participation des femmes à l’emploi total est passé de 30,3 % à 42,3 %, soit 90.018 emplois supplémentaires au moment où les hommes en perdaient 120.782 (14).

Au delà de l’égalité des droits politiques, la grève des femmes de la Fabrique nationale d’Armes de Guerre (FN), à Herstal en 1966, va d’ailleurs constituer le révélateur de l’exploitation de cette main-d’œuvre et la force de la revendication en faveur de l’équivalence des salaires, résultant de l’application de l’article 119 du Traité de Rome. Cet engagement, qui s’inscrit dans la suite des combats de Léonie de Waha, de Marie Delcourt et de l’Union des Femmes de Wallonie (15), n’est d’ailleurs pas ponctuel. Par ses prolongements ainsi que par l’attention qu’il a influée sur la problématique des femmes dans la société (16), cumulée aux effets de mai et octobre 1968, il constitue le point de départ du féminisme moderne en Wallonie, comme d’ailleurs dans l’ensemble de la Belgique, avec la mise en place de groupes comme celui des Marie Mineur, créé à La Louvière au début des années septante sur le modèle des Dolle Mina hollandaises, et animé par Jeanne Vercheval et Christiane Rigomont (17).

Ces revendications politiques et sociales se sont également ouvertes à une lutte plus globale, qui nous est venue des Etats-Unis, pour la reconnaissance du rôle de la femme par la famille et la société tout entière. Ce mouvement, lancé au début des années soixante et relayé par la nouvelle gauche, a pris là une ampleur extraordinaire avec le National Organization for Woman (NOW) qui lutte pour l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, et pour l’accès aux responsabilités économiques et politiques de mêmes niveaux. Parallèlement, d’autres mouvements féministes ont débouché sur des positions plus absolues – que John Lennon a bien exprimé dans sa chanson Woman is the Niger of the World (1972), slogan du Women’s Lib américain – et ont poussé à des actions plus radicales de refus de tout travail domestique ou de remise en cause de la société dans son ensemble. Ainsi, dans la Wallonie des années septante où l’on organise les journées "F", celles qui revendiquent la sororité exigent la fin de la femme symbole sexuel ou ménagère soumise, réclament une éducation sexuelle valorisant une contraception libératrice – qualifiant le préservatif de moyen réactionnaire – et demandent la suppression des lois répressives sur la cohabitation des mineurs. Mais c’est surtout l’égalité juridique avec les hommes que les femmes appellent : suppression de la signature du mari pour ouvrir un compte en banque, pour acheter à tempérament ou pour recevoir un héritage, fin des discriminations en matière d’adultère, etc. (18). C’est souvent en prolongement de ces mouvements féministes que s’est inscrite la revendication, portée par le Docteur namurois Willy Peers (19) du droit à l’avortement librement décidé et gratuit pour des grossesses non désirées. C’est le cas en France pour le Mouvement de Libération de la Femme (MLF). Là, comme en Wallonie, les revendications de la femme ont souvent débouché sur des appels à un meilleur accueil de l’enfant au travers de réseaux de crèches, à une prise en charge beaucoup plus complète par la société des soins à accorder aux enfants en âge d’école, ou encore à un accroissement substantiel des allocations familiales, à titre de revenu de remplacement pour la mère (20).

C’est la jeune sociologue Véronique Oruba qui, le 22 mai 1985 à Louvain-la-Neuve, s’adressant au Pape en visite, s’écarte de la démarche convenue pour lui dire la difficulté d’être jeune, Wallon, et, pour moi, être femme [...] surtout dans une Wallonie frappée particulièrement par la crise, parent économiquement pauvre de la Belgique. Dix ans plus tard, la même Véronique Oruba, devenue Secrétaire générale du Mouvement ouvrier chrétien, estimait que, pour la femme, la réalisation de l’objectif de véritable citoyenneté passait d’une part par son intégration complète dans la société et, d’autre part, par une transformation des relations de pouvoir au sein du monde social, économique et politique (21). Il est vrai que, sous l’aspect de la participation à l’action politique, le déficit féminin subsiste. Aujourd’hui, il suffit d’ailleurs de jeter un coup d’œil au Parlement et au Gouvernement wallons pour se persuader que l’équilibre est loin d’être rétabli entre l’engagement politique des femmes et celui des hommes : aucune femme ne fait partie de l’Exécutif, seules 10 femmes sur 75 élus sont membres du Parlement.

 

3. Le renardisme et les réformes de structure

Lors du Congrès national wallon qui se réunit à Charleroi, les 3 et 4 octobre 1953, Willy Schugens, représentant de la FGTB de Liège-Huy-Waremme, renouvelle, par rapport aux thèses du Congrès, l’adhésion complète des 85.000 travailleurs liégeois qu’André Renard avait engagés aux côtés du mouvement wallon pendant l’Affaire royale. C’est néanmoins sur le déclin économique et social de la Wallonie que le syndicaliste fait porter son discours : les réformes structurelles ont manqué, constate-t-il. Nous sommes justement ici pour rechercher ce qui, par les grandes réformes de structure fédéralistes, va donner un élan irrésistible à l’expansion économique et aussi sociale de nos régions (22). L’idée de réformes de structure n’est pas neuve puisqu’elle figurait déjà au programme du Front populaire, mais n’est pas non plus l’apanage des socialistes puisque les libéraux l’ont inscrite dans leur Charte sociale de 1945 (23). André Renard a développé ce concept pendant la guerre, dans le cadre clandestin du Mouvement syndical unifié (MSU) et, après la guerre, au sein de la FGTB. Les réformes de structure, André Renard les défend comme une dimension nouvelle à donner à l’action syndicale. Ce qu’il revendique, c’est le dépassement d’un syndicalisme immédiat qui consiste à améliorer les conditions de travail ou à rencontrer des préoccupations professionnelles. Renard veut agir, au plan politique et au delà de la réforme de l’entreprise, sur la structure économique d’ensemble en définissant une stratégie globale de changement de la société et faire porter tous les efforts sur une réforme de la gestion de l’industrie et, plus haut, de l’économie nationale (24).

A l’initiative d’André Renard, les congrès extraordinaires de la FGTB de 1954 et 1956 vont inscrire les réformes de structure au programme du syndicat socialiste interprofessionnel. Il s’agissait, pour l’organisation syndicale, d’adopter un plan d’urgence en vue de faire face aux freins mis à l’expansion économique. Le rapport qui est présenté au Congrès de 1954 s’intitule Situation économique et perspectives d’avenir. Réclamant une planification souple, avec ce qu’on appellera plus tard une initiative industrielle publique – c’est-à-dire la création d’entreprises par les pouvoirs publics –, le Congrès des 30 et 31 octobre 1954 revendique la nationalisation de l’énergie, la coordination des investissements et de la politique financière, la création d’une société publique de participation, un haut commissariat à l’emploi, la démocratisation de l’enseignement, la modification du régime fiscal, l’élaboration d’une politique des transports, de l’infrastructure, du logement, etc. (25). Ces revendications, qui ne sont pas marginales sur le plan européen puisque certaines mesures sont déjà effectives en France ou en Grande-Bretagne, se font d’ailleurs moins dans l’optique marxiste d’une appropriation des moyens de production – et donc d’un transfert de propriété – que dans celle d’un transfert de pouvoir de secteurs clés de l’économie (énergie, crédit, etc.) à l’Etat. Ce plan est complété fin octobre 1956, lors d’un nouveau congrès extraordinaire de la FGTB, par le rapport Holdings et démocratie économique.

Ainsi, ce qu’André Renard réclame – et il le montrera dans les Opérations Vérité lancées par la FGTB en 1958-1959 – c’est le contrôle public sur les holdings, de manière à déposséder ceux-ci du pouvoir qu’ils exercent sur l’ensemble de l’économie, au travers de leurs filiales et des assemblées générales des sociétés (26). Au delà du rôle joué par André Renard dans la définition de cette politique, Francis Bismans y a d’ailleurs relevé l’influence de l’économiste keynésien liégeois Paul Lambert (27). La revendication portée par la FGTB débouche, en 1960, sur la création d’un Bureau de Programmation – qui deviendra le Bureau du Plan en 1970 – mais, dans les années soixante, cet outil restera un sage organe d’étude plutôt qu’un lieu d’impulsion tel qu’imaginé par André Renard et ses amis.

Le Congrès des Socialistes wallons réuni à Namur les 6 et 7 juin 1959 donne l’occasion à André Genot, Secrétaire national de la FGTB, de présenter un rapport économique et social particulièrement alarmant quant à la dépréciation croissante du potentiel économique de la Wallonie, et de faire adopter, comme remède, le programme de réformes de structure (28). Celui-ci sera d’ailleurs repris comme plan d’action par le Congrès extraordinaire du PSB de septembre 1959, sans toutefois que le parti socialiste en fasse une condition de participation au Gouvernement (29).

Lorsque se déclenchent les grèves de l’hiver 1960-1961, dans le contexte de la décolonisation du Congo et de la Loi unique, André Renard, déjà éclairé par la grève des métallurgistes en 1957 et celles contre la fermeture des charbonnages en 1959, constate la différence de réactions entre les classes ouvrières de Flandre et de Wallonie, liées aux évolutions différentes des économies des deux régions. Dès lors, le syndicaliste wallon estime que l’application du programme de réformes de structure de 1954 ne peut se réaliser qu’en Wallonie, en se dégageant de la structure politique de l’Etat belge, et ce, par le fédéralisme (30). Ainsi, dès le 23 décembre 1960, quand se réunissent à Namur pour la première fois les régionales wallonnes de la FGTB, André Renard demande aux délégués de s’engager à rester unis, non seulement jusqu’au retrait de la loi unique mais aussi jusqu’à l’instauration d’un système portant sur la planification de l’économie, la nationalisation du secteur de l’énergie et le contrôle des holdings. Si la lutte visait d’abord la loi unique, les réformes de structures s’affirmaient comme un objectif à atteindre (31). La revendication autonomiste se manifeste puissamment à l’occasion de la journée du 3 janvier 1961, proclamée journée de deuil pour la Wallonie. Aux réformes de structure est associé le fédéralisme, voire le confédéralisme (32). Dans leur adresse au Roi du 13 janvier, les élus socialistes de Wallonie rappellent leur volonté d’appliquer les réformes de structures, qu’il s’agisse d’orienter l’économie, de la planifier et de l’organiser en fonction de l’intérêt général (33).

La création du Mouvement populaire wallon, le 15 mars 1961, apparaît – en tout cas pour André Renard – comme la suite logique des cinq semaines de grèves et d’affrontements. Disposant de la collaboration du professeur Paul Lambert, le MPW va enchaîner son objectif de nouvelle expansion économique de la Wallonie à la concrétisation préalable des réformes de structure qui ne sont elles-mêmes réalisables que par l’instauration du fédéralisme. Le programme préconisé reste dans la ligne de celui qui avait été défini antérieurement par Renard et ses amis politiques : le contrôle des holdings, la mise en service public de tout le secteur de l’énergie, la création d’une société wallonne d’investissement et la coordination du crédit, ainsi qu’une planification souple et démocratique (34). Comme le précise François Perin en 1962, le fédéralisme sans les réformes de structures pour les Wallons, c’est une bouteille sans vin (35).

Mais, pour les renardistes, l’élargissement des compétences des pouvoirs publics dans le domaine économique se conçoit aussi, au niveau européen, comme une réponse à la conquête des économies du vieux continent par les investissements des entreprises américaines. Cette offensive, qui prend toute sa vigueur après la signature du Traité de Rome en 1957, est dénoncée en Wallonie comme une carence des forces économiques locales et des holdings nationaux (36), déjà dans l’esprit de l’ouvrage Le Défi américain de Jean-Jacques Servan-Schreiber.

Après la mobilisation exceptionnelle des Wallons, menée par le Mouvement populaire wallon et ses alliés de la Délégation permanente du Mouvement wallon ou du Collège exécutif de Wallonie – grandes manifestations et pétitionnements en faveur du fédéralisme –, le choc est rude avec le PSB, qui ne tolère plus la présence des cadres du MPW au sein du parti socialiste. La réconciliation vient au Congrès des Socialistes wallons à Verviers, en 1967. Le programme, élaboré en commun, prévoit les organes institutionnels du développement économique et régional ainsi que de l’aménagement du territoire wallon : l’Assemblée régionale wallonne, l’Exécutif wallon, le Bureau wallon des Planifications (BWP), la Société wallonne de Développement et d’Aménagement du Territoire (SWDA), la Société wallonne de Crédit (SWDC), la Société wallonne d’Investissement et de Gestion (SWIG) (37). La loi Terwagne du 15 juillet 1970, portant organisation de la planification et de la décentralisation économique, rencontre une partie de ce programme. Il faudra plus longtemps pour que les institutions qui en découlent soient effectivement mises en place, plus longtemps encore pour que soit appliqué l’article 107 quater de la Constitution, voté lors de la même réforme constitutionnelle de 1970 et créant en droit les Régions – dont la Wallonie –.

Au cours des années septante et quatre-vingt, les rapports de forces politiques et sociaux se sont encore modifiés au détriment de la Wallonie. En 1978, dans son programme Changeons la Wallonie, l’Interrégionale wallonne de la FGTB parle toujours de programme d’urgence en précisant – avec fidélité aux programmes de 1954 et 1956 – les réformes de structure de la manière suivante :

  • obtenir une autonomie régionale véritable avec des pouvoirs et des moyens d’action suffisants;

  • mettre sous statut public et contrôle de la collectivité certains secteurs stratégiques (énergie, sidérurgie, crédit, soins de santé);

  • développer un secteur industriel public dynamique et puissant pour créer de nouveaux emplois et réorienter l’économie;

  • planifier le développement économique et social de la Wallonie, grâce à un Bureau régional du Plan doté de pouvoirs et de moyens;

  • promouvoir une politique d’aménagement du territoire et de l’habitat social par des régies foncières et un Fonds régional du logement;

  • accroître la démocratie économique par le développement du contrôle ouvrier (38).

Durant toute cette période et celle qui a suivi, des renardistes n’ont cessé de réclamer les réformes de structure, dans le mouvement wallon, dans les organisations sociales, dans les partis politiques – particulièrement au PS, au Rassemblement wallon et dans leurs satellites –. Même si, comme l’écrivait Urbain Destrée en 1992, l’exigence d’un programme planifié d’investissements prioritaires pour la Wallonie témoigne de la persistance d’une conception qui accorde aux pouvoirs publics un rôle économique et industriel actif (39), les renardistes ont vu aussi les occasions leur échapper, notamment dans le domaine du crédit et, plus récemment, de l’électricité. Pourtant, dans l’esprit de ceux qui – avec André Renard ou après lui – avaient conçu un modèle politique répondant au déclin de la Wallonie, la création constitutionnelle d’entités régionales et les transformations structurelles de l’économie allaient de pair.

 

4. La contestation de la modernité

Une des critiques les plus vives et les plus argumentées de la société d’après-guerre est assurément celle d’Herbert Marcuse. D’origine allemande, cet intellectuel, dont on conteste parfois la qualité de philosophe, est né à Berlin et a quitté l’Allemagne en 1933 pour les Etats-Unis. Professeur dans plusieurs universités américaines, il a dénoncé le marxisme soviétique – qui, pour lui, a sacrifié l’histoire au profit du matérialisme – et a mis en cause la société d’abondance où l’on crée des besoins nouveaux et artificiels en vue d’entretenir la demande et, pour y répondre, d’accroître la productivité. Pour stimuler la consommation, c’est la publicité qui manipule les mentalités tandis que les médias, la presse, la télévision, le cinéma ont pour mission de colporter dans le contexte universel le mode de vie stéréotypé et conformiste du citoyen du monde ou les modèles de l’American way of life – dont l’automobile est le principal moyen d’asservissement – et d’enfermer l’individu dans un univers de discours clos, c’est-à-dire de confiner le débat dans un nombre limité de thèmes. Ainsi, Herbert Marcuse met-il en évidence les contradictions de la société, suite à l’adoption du style de vie de L’Homme unidimensionnel (1964), fondé sur la fausse rationalité. Mais, dans sa critique de la modernité, Marcuse conçoit un nouveau positivisme basé sur l’informatique et l’automation, libératrices de l’Homme car le dégageant des tâches industrielles pour déboucher sur la libération révolutionnaire des contraintes et, au delà, sur la société des loisirs (40).

C’est bien ce modèle d’American way of life (41), monde qui met en avant le profit et mesure l’Homme à son niveau de consommation, que va refuser une minorité active de la génération née après la guerre. Toute la dynamique qui va s’enclencher dans le milieu des années soixante sera celle de la contestation-répression. Contestation de la société, de la croissance au détriment du Tiers-monde – une expression d’Alfred Sauvy –, de l’enseignement dont les étudiants dénoncent l’inadéquation et le déficit culturel. Répression, par l’action de la Garde nationale sur les campus américains, par la police à Berlin, par les CRS à la Sorbonne : il s’en dégage un nouveau cycle d’amalgames et de solidarités avec ceux qui, dans l’esprit des jeunes, sont les victimes d’un même système au Vietnam où les GI’S mènent – subissent ? – la guerre ainsi qu’à Prague, où la population affronte les chars soviétiques. Répression aussi puisque la violence joue un rôle important dans ce type de conflit qui n’est pas institutionnalisable, ce qui donne un caractère révolutionnaire aux actions (42).

A Liège, à Bruxelles ou même à Leuven, devant des auditoires souvent surpeuplés par une relative démocratisation des études, les étudiants rêvent de Nanterre, d’assemblées libres, de l’Unef (l’Union nationale des Etudiants de France) – à l’égard de laquelle on prend des résolutions de solidarité –, de réveil de la société et de renversement de la pyramide de décision. De l’expérience parisienne, en Wallonie, on retient la crise de la société industrielle, les nouvelles contradictions : contradiction entre la multiplicité des biens de consommation et l’insatisfaction d’une large part de la population, le gaspillage d’une société de gadgets et la perte de toute créativité humaine (43). C’est Marcuse que l’on retrouve dans le slogan Produis, consomme et tais-toi (44).

Mais la contestation de 1968 est, en Belgique, indissociable de la problématique communautaire. Les actions vont prendre une couleur de flamingantisme à Leuven – avec le Walen Buiten ou le Walen go home, sur le modèle sémantique de la contestation pro-vietcong – et à l’ULB – avec le manifeste du Club Jules Destrée pour deux universités libres exaministes et unilingues à Bruxelles (45). Là, le mouvement a débuté dès le 13 mai (46). A Liège, notamment sous l’influence de Guy Quaden, son ancien chef de file, l’Union générale des étudiants (UG) que préside Thierry Grisar associe le syndicalisme étudiant à la préoccupation du chômage et, partant, à l’évolution de la situation économique de la Wallonie (47). Ainsi, en estimant que l’Université ne peut se tenir à l’écart des grands débats qui agitent les nations, Guy Quaden dénonce l’inertie wallonne au cours d’un meeting de l’UG, le 20 mars 1968, et souligne la nécessité pour les étudiants de prendre en main les conditions du redressement de la Wallonie plutôt que de s’en remettre à d’autres (48). Le Groupe Boule de Neige joue un rôle important. Réunissant comme noyau Ludo Wirix, Philippe Gibon, Paul Thibaut, Jean-Marie Roberti, Guy Quaden et Pierre Demeyst, cette équipe de réflexion va dynamiser l’UG et préparer les événements de la rentrée d’octobre 1968 (49).
Dès lors, c’est l’occupation de l’Académie des Beaux-Arts, le 3 juin, qui marque le début de l’action (50). Mais le mouvement à l’Université de Liège ne se déclenche véritablement que lors de la rentrée, lorsque Jacques Sauvageot, Président de l’Unef, anime avec Guy Quaden l’assemblée des étudiants liégeois et y fait un exposé sur le thème de Quel enseignement, quelle société ? (51). Tour à tour, les étudiants s’en prennent au Recteur Marcel Dubuisson, au journal La Meuse que l’on pastiche grâce aux presses de La Wallonie, sous le nom de La Gueuse et à la Société générale de Banque. Ils occupent l’Université et dénoncent le chômage des jeunes (52). On chante We shall overcome, on s’associe aux marches anti-atomiques et on cite Daniel Cohn-Bendit, Mao, Louis Althusser ou Ernest Mandel. A Liège, comme ailleurs dans le monde, de sérieux affrontements avec les forces de l’ordre éclatent – le 30 novembre 1968 – contre la projection dans un cinéma de la ville du film Les Bérêts verts de John Wayne et Ray Kellog, au nom de l’information objective de la population (53).

Comme l’a souligné Alain Touraine peu après mai 1968, le mouvement étudiant n’était pas seulement l’expression d’un conflit de classes mais une contestation globale de la civilisation et d’un pouvoir social et politique. Ce qui s’était passé à Berkeley en 1964, à Berlin ou à Paris, rappelle à la fois les débuts du mouvement ouvrier et les mouvements de libérations nationales du Tiers-monde tels qu’ils se sont développés, particulièrement depuis la Conférence de Bandung, lorsque les peuples émancipés et non-alignés ont dénoncé la colonisation, en avril 1955 (54). Pour ce qui concerne la Wallonie, l’absence de Golden Sixties autrement qu’en images publicitaires (55), la proximité des grandes actions du Mouvement populaire wallon et la conscience du déclin ont ajouté un caractère régional à la revendication.

Ainsi, en octobre 1969, l’éditorial de Perspective, le périodique de l’Union générale des Etudiants de Liège, titrait La Wallonie sur la voie du sous-développement :

Le problème wallon est un problème structurel. Il appelle des solutions en profondeur, une redistribution du pouvoir politique et économique. Il réclame une politique d’ensemble et de longue haleine et non plus une politique au jour le jour, abandonnée "au bon cœur" des investissements étrangers.

Le problème wallon est aussi un problème d’hommes. Il n’est pas prouvé qu’une démographie stationnaire entraîne une richesse moindre par habitant; il est plus certain qu’elle engendre un dynamisme moindre. C’est notre cas.

Nous avons besoin d’un nouvel Etat plus entreprenant, de partis rénovés, mais les hommes (et les idées) sont plus vieux ici que partout ailleurs. Mais pourquoi les jeunes seraient-ils ici plus résignés qu’ailleurs alors que leur avenir est plus sombre que partout (56) ?

La période de contestation – qui ne s’arrête d’ailleurs pas en 1968 – fut aussi une recherche de nouvelles valeurs communautaires avec une volonté affirmée de libérer l’individu du système social auquel il appartient. Elle constitua aussi, en Wallonie en tous cas, l’émergence d’une génération nouvelle de décideurs. On songe à Hervé Hasquin pour l’ULB, aux anciens du MUBEF, le Mouvement des Etudiants universitaires belges d’expression française, où se retrouvaient Guy Quaden, Ludo Wirix, François Martou, Michel Quévit, etc. (57), ou encore au personnel scientifique actif dans les événements : Jean Gol, Antoine Duquesne, Jean-Maurice Dehousse, etc.

Le plus paradoxal, surtout, fut la manière dont le contexte universel – pour reprendre la formule de Marcuse – récupéra l’engagement d’une génération. Sans évoquer la musique, qui est peut-être l’exemple le plus marquant, on peut rappeler les vêtements de la contestation, composés d’équipements militaires usagés : utilisé, à l’origine, pour symboliquement ou réellement accueillir les déserteurs de la guerre du Vietnam sur les campus américains, ce symbole a débouché sur une mode internationale des sahariennes kaki que portèrent les plus jolis mannequins de la haute couture parisienne.

Une seconde problématique est celle de l’engagement politique de la contestation. Au moment où elle explose, une partie de la jeunesse apparaît nettement engagée dans les associations politiques et syndicales de la gauche traditionnelle ou dans les mouvements gauchistes. Mais, et c’est important, l’engagement politique qui est manifesté ne se réduit pas – au contraire – à des questions portant sur la vie politique traditionnelle, il s’ouvre à de nouvelles préoccupations, liées à la critique de la modernité. Quoi qu’il en soit, cette période est celle de l’irruption de la parole des jeunes dans la politique. A la méfiance à l’égard des hommes politiques professionnels, vont s’ajouter un rejet du système de représentation démocratique au profit d’expressions plus directes et un refus du clivage gauche/droite. Ces positions expriment surtout une grande difficulté d’intervenir dans le domaine politique. Les effets culturels en Wallonie semblent avoir été limités par rapport à ceux que l’on a connus à Bruxelles, peut-être parce que, comme le relevait Jacques Dubois, il n’a guère existé en Wallonie de classe dirigeante et d’élites qui soient à même de soutenir et de promouvoir une culture autonome au sein d’institutions appropriées (58).

Les bouleversements universitaires des années soixante ne mettent naturellement pas fin ni au productivisme de la société industrielle ni à la contestation du modernisme. Au contraire, les problèmes liés aux déséquilibres mondiaux de répartition économique, le développement inégal, la dégradation des termes de l’échange entre pays riches et pays pauvres se sont ajoutés à une révolte toujours latente (59). De plus, l’inquiétude et la méfiance à l’égard du système social et du type de vie modélisé se sont accrues au gré des développements de l’infrastructure autoroutière et énergétique. La crise pétrolière, le gigantisme des transporteurs maritimes de carburants et les accidents qu’ils provoquent (Torrey Canyon en mars 1967, Amoco Cadiz en mars 1978), tout autant que la menace des centrales nucléaires (Three Mile Island en mars 1979), sensibilisent à l’environnement et font naître des préoccupations écologiques. A cet égard, 1972 constitue un moment clef avec, à la fois, la tenue de la Conférence de Stockholm des Nations unies sur l’environnement et la création de la coordination d’associations Inter-environnement.

En Wallonie, une dissidence namuroise du Rassemblement wallon autour du Sénateur Pierre Wauquiez et de Paul Lannoye rejoints par quelques sympathisants, diffuse en 1973 le Manifeste pour la Démocratie nouvelle. Ce texte se caractérise par un refus de délégation en matière de décision politique. Ainsi, aux élections d’octobre 1976, Démocratie nouvelle rassemble une série d’associations namuroises et provoque le dépôt d’une liste Combat pour l’Ecologie et l’Autogestion, première utilisation du terme lors d’élections en Belgique (60). A Liège, Mons et Charleroi, des initiatives parallèles ont été prises. De même, les relais de préoccupations écologistes s’accroissent avec la mise en place, en mars 1976, d’une association belge des Amis de la Terre, officiellement agréée par la très américaine Friends of Earth International et encouragée par le Français Brice Lalonde, où l’on retrouve des personnalités comme Raymond Yans ou José Daras. Aux élections législatives de 1977, des listes Ecologie-Wallonie ou Wallonie-Ecologie sont déposées dans huit arrondissements. Avec les préoccupations environnementales se manifeste également la volonté de défendre et promouvoir le fédéralisme intégral. Ces démarches aboutissent le 23 mars 1980 à la fondation d’Ecolo. Alors que la modification de la Constitution du 28 juillet 1981 étend jusqu’à 18 ans le droit de vote aux législatives et permet à 850.000 jeunes de participer au vote, pour la première fois, deux élus Ecolos font leur entrée à la Chambre. En Wallonie, le parti a obtenu plus de 6 % des suffrages (61).

Cette démarche qui constitue une prise de conscience et une nouvelle dynamique de terrain ouvre, comme l’a fait le Rassemblement wallon pour la problématique wallonne, l’ensemble du monde politique à la problématique de l’écologisme et le prépare aux grands débats du développement durable, tel qu’ils résultent de la Conférence des Nations unies sur l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro en juin 1992. Ces préoccupations n’éclipsent cependant pas la contestation de la modernité qui reste vive et animée par des personnalités de tout bord, comme celles du Groupe de Lisbonne (62). Se revendiquant d’une société civile mondiale, celles-ci s’attachent à définir un avenir basé sur la solidarité planétaire, rejetant l’hégémonie dominatrice que font peser l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord et le Japon, au nom de la division internationale du travail.

 

5. Le projet wallon, déjà une longue histoire

A une époque de fin de siècle où l’on ne fait plus de discours politique sans évoquer la nécessité de se doter d’un projet de société, il est utile de se souvenir de la formule de Jacques Attali qui soulignait en 1990 la difficulté qu’il y avait à définir un projet politique autre que celui de sa simple adaptation aux contraintes de la forme marchande (63). Les rapports avec le Gouvernement central comme avec les forces d’affirmations nationales de la Flandre ont depuis longtemps familiarisé les Wallons avec cette vision. Une des thèses principales de Michel Quévit dans Les Causes du Déclin wallon n’affirme-t-elle pas que la lutte concurrentielle sur le champ économique ne peut se limiter à une simple configuration de facteurs strictement économiques, mais qu’elle est aussi lutte de pouvoir (64) ? Du côté wallon, ce combat pour le leadership de la Belgique a révélé au moins deux types d’actions. D’une part, une politique retardatrice et conservatrice – dans le sens institutionnel – menée par les groupes les plus associés aux pouvoirs localisés à Bruxelles, qu’ils soient financiers, sociaux ou politiques. D’autre part, le mouvement wallon et ses relais politiques constants ou circonstanciels qui avaient fait le choix, au Congrès de 1945, d’une position minimaliste, réaliste – ou raisonnable eu égard aux deux options que constituent l’indépendance de la Wallonie ou le rattachement à la France – et qui se sont vu refuser tout fédéralisme pendant plus de quarante ans. Mais, comme l’a écrit, dès 1967, André Genot, président du Mouvement populaire wallon, le fédéralisme lui-même ne serait qu’une formule sans efficacité s’il ne s’insérait dans une conception rénovée de ce qui doit être une société démocratique sur le plan politique, économique et social (65).

Alors que, en 1970, l’article 107quater de la Constitution, créant la Région wallonne, vient d’être voté mais n’a pas encore été mis en œuvre, ni à titre transitoire, ni à titre définitif, deux volontés vont se manifester pour mettre en place ce plan, ce projet politique, économique et social. La première provient des milieux renardistes, la seconde du monde politique chrétien.

En présentant, en 1970, leurs Projets pour un Gouvernement wallon, les membres de l’équipe d’Emile Nols, économiste liégeois, et de Georges Vandersmissen, directeur de la Fondation André Renard, voulaient lancer un pari contre le passé de la Wallonie. Ainsi défini à un moment où la Région ne disposait pas d’Exécutif ni d’ailleurs de Législatif, l’avenir se dessinait pour les auteurs en deux phases : celui d’une participation populaire à la stimulation et au contrôle du pouvoir politique, d’un civisme wallon et celui de la construction d’une Wallonie à l’échelle humaine (66). Les mesures concrètes, sorte de plan de sauvetage urgent de la Wallonie, prenaient en compte les différentes problématiques sociales : enseignement, culture, logement, transports, téléinformations, jeunesse, hygiène publique, etc., en se donnant la volonté de mener des opérations de prestige pour donner une nouvelle image – plus positive – de la Wallonie à l’étranger.

Le Ministre des Affaires wallonnes dans le Gouvernement Leburton, Jean-Pierre Grafé, estime lui aussi, en février 1974, que, au delà des structures, il faut définir des politiques. La pire des erreurs – écrit-il dans la revue du Conseil économique wallon – consisterait à réformer ou à créer des institutions sans en avoir préalablement défini les finalités. Et Jean-Pierre Grafé ajoute qu’il faut définir le type de Société qu’elles devront promouvoir et dans lequel elles devront s’insérer. Le dynamisme d’une institution est en effet intimement lié à la définition d’un projet de Société (67).

Analysant en 1978 les Causes du déclin wallon, le professeur Michel Quévit appelle à des changements profonds tant dans les mentalités que dans les structures politiques, particulièrement dans celles des partis. En effet, selon Michel Quévit, des conflits d’intérêts nés des familles spirituelles polarisaient la lutte politique sur des problèmes déviants par rapport à un projet de société global et cohérent (68).

Les structures, en effet, se modifient. Depuis 1974, grâce à la créativité institutionnelle de François Perin, on a pu mettre en œuvre, certes à titre transitoire, un premier Exécutif wallon au sein du gouvernement central et une première assemblée législative, encore consultative. On n’en reste pas là. Une nouvelle dynamique engendre une nouvelle réforme pendant laquelle la Région wallonne peut se mettre en place. Ce travail est un combat de plus de dix ans, période marquée sur le plan wallon par Jean-Maurice Dehousse, président de l’Exécutif wallon de 1979 à 1985, sauf de mars à octobre 1982. Durant cette période, les pionniers en matière d’institutions wallonnes et les visions d’avenir de ces derniers sont souvent, d’une part, celles des hommes agissant dans les fonctions qu’ils occupent et, d’autre part, celles des partis.

C’est ce qu’exprime Michel Molitor en 1988 lorsqu’il constate que le mouvement wallon a longtemps été partagé entre ceux qui croyaient aux structures et ceux qui croyaient à la société. Sans doute, demain faudra-t-il plus écouter ces derniers; c’est une société qu’il faut (re)construire plutôt que de partir à la recherche de l’Etat wallon. La question intéressante ici n’est pas de savoir comment édifier un Etat national dans une région mais comment faire vivre une région en Europe (69).

A ce moment pourtant, deux démarches fondamentales se sont engagées, auxquelles d’ailleurs Michel Molitor a activement participé. La première est celle du Manifeste pour la Culture wallonne. Publié le 15 septembre 1983 par plusieurs dizaines d’intellectuels wallons, il marque une volonté d’affirmer l’existence de la Wallonie ouverte et démocratique, respectueuse de ses habitants, quelle que soit leur origine : Sont de Wallonie sans réserve tous ceux qui vivent, travaillent dans l’espace wallon. Sont de Wallonie toutes les pensées et toutes les croyances respectueuses de l’Homme, sans exclusive. En tant que communauté simplement humaine, la Wallonie veut émerger dans une appropriation de soi qui sera aussi ouverture au monde (70).

La seconde démarche a été menée à l’initiative de l’ancien ministre Robert Moreau avec la volonté de définir un projet de société. En effet, en octobre 1987, plus de quatre cents personnalités appartenant à des horizons culturels, philosophiques et politiques différents se sont réunies pour déterminer un nouveau paradigme pour une Wallonie au Futur. Michel Quévit, rapporteur général du Congrès, évoquait dans ses conclusions la Wallonie, une société en projet : projet économique, projet technologique et scientifique, projet éducatif et projet culturel. Il s’agissait pour le congrès de rejeter un régionalisme étroit et de s’appuyer sur une double démarche, celle d’universalité et celle d’enracinement, notamment par l’affirmation haute d’une spécificité s’alimentant aux savoir-faire et à la réalité pluriculturelle de la Région (71). Ce congrès, devenu permanent, appuyé par tous les présidents du Gouvernement wallon depuis Melchior Wathelet, constitue un véritable centre de prospective en Wallonie, s’attachant à définir un projet wallon voulant dépasser les querelles philosophiques et partisanes, y compris dans des problématiques aussi stratégiques que celles de l’éducation (1991) ou de l’emploi (1995).

La reconnaissance de la pluralité culturelle de la Wallonie est un fait important. Elle implique l’idée que les Wallons d’aujourd’hui ont été constamment enrichis d’apports humains extérieurs, dont les plus récents se situent dans cette période qui nous sépare de la Libération du pays, depuis 1945. Ainsi, l’historien doit relever le fait que les forces politiques qui ont le plus clairement affirmé la Wallonie et revendiqué son autonomie sont aussi celles qui ont défini l’identité de la Wallonie en y associant la totalité de ses habitantes et de ses habitants. Ceux nés ici et ceux venus d’ailleurs.

Compagnon de route d’André Renard, le professeur Marcel Florkin écrivait, dans Combat en 1962, un texte qui s’inscrivait parfaitement dans les déclarations du mouvement wallon d’avant-guerre et des formules de Fernand Dehousse ou d’Arille Carlier :

Le Mouvement populaire wallon ne connaît qu’un unique objectif : il demande que tout soit fait pour accroître la prospérité de la Wallonie, afin qu’elle ne devienne pas comme on l’a prophétisé, une réunion de vieillards ruminant des concepts périmés dans une maison en ruine. A la prospérité économique qui n’est pas seulement celle des travailleurs mais est aussi celle des patrons, et celle des commerçants, est liée la paix sociale, que les patriotes wallons appellent de tous leurs vœux. La Wallonie doit trouver des immigrants et elle doit obtenir l’expansion économique justifiant la venue de ces immigrants. Elle doit, sous peine de mort, rejeter comme le MPW l’a fait dès le début, tout concept pseudo-raciste.

Tout Italien, tout Polonais, tout Grec, tout Flamand qui participe à l’expansion de la vie wallonne appartient à la communauté wallonne. Même si sa carte d’identité ne le dit pas, il est un Wallon à part entière(72).

Par la suite, le MPW n’a cessé de s’inscrire dans cette vision de manière courageuse et pédagogique tant il est vrai que la crise, qu’elle soit conjoncturelle ou structurelle, encourage toujours la xénophobie latente dans les classes populaires comme dans les groupes plus favorisés. Ainsi, le MPW dénonce les marchands d’hommes – particulièrement de main-d’œuvre turque (73) –, manifeste, à chaque occasion, sa solidarité et celle des militants qu’il représente à l’égard des immigrés (74), encourage la mise en place de conseils consultatifs (75) et revendique l’application du suffrage universel aux étrangers installés en Wallonie et en Belgique (76).

Dans la même veine, le Groupe Bastin-Yerna dénonçait, en 1971, la loi du 28 mars 1952 sur la police des étrangers et particulièrement sa motivation de protection des caractères originaux de la population belge. En réponse, les auteurs réclamaient le droit de vote et d’éligibilité au niveau communal pour les étrangers membres de la Communauté européenne et demandaient son extension à tous les étrangers (77).

Aujourd’hui, la tâche prioritaire de ceux qui portent haut l’idée de la Wallonie consiste à faire en sorte que, sur base d’une reconnaissance mutuelle et d’un partenariat de citoyenneté, les Wallons d’ailleurs et ceux d’ici puissent disposer des mêmes droits politiques et sociaux. Ainsi, enfin, chacune et chacun pourra dire avec confiance : Mon Pays, c’est la Wallonie.

Notes

1. André SCHREURS, Contribution aux études d’économie régionale en Wallonie, Problèmes de méthode dans Revue des Sciences économiques, n°98, juin 1954, p. 96, et n°99, septembre 1954, p. 144-169.
2. André SCHREURS, L’Aspect sociologique du régionalisme et la réalité wallonne sur le plan économique et social, dans La Nouvelle Revue wallonne, janvier 1956, p. 25-28.
3. Dossier pour Wallonie 2000, CRISP-RTBF Liège, février 1982, p. 55.
4. Matéo ALALUF, Le Travail et les travailleurs ne sont plus ce qu’ils étaient, dans Freddy JORIS, dir., Wallonie, Atouts et références d’une région, Namur, Gouvernement wallon, 1995, p. 188-189.
5. Pierre LEON, Histoire économique et sociale du monde, t. 6, Le Second XXème siècle, 1947 à nos jours, Paris, A. Colin, 1977, p. 99.
6. André MALRAUX, Conférences à l’Unesco, Paris, Fontaine, 1946, texte reproduit dans Gaëtan PICON, dir., Panorama des idées contemporaines, Paris, Nrf, 1957, p. 695-696.
7. Viviane HASCAL, Parti libéral et PLP, Brève histoire de la famille libérale au XXème siècle, Bruxelles, Centre Paul Hymans, 1977, p. 27.
8. Jean GOL, L’Avenir du libéralisme francophone, dans Hervé HASQUIN et Adriaan VERHULST, Le Libéralisme en Belgique, Deux cents ans d’histoire, Bruxelles, Centre Paul Hymans-Delta, 1989, p. 394.
9. Odette VOILLIARD e.a., Documents d’histoire contemporaine, t. 2, Paris, A. Colin, 1964, p. 329.
10. Déclaration universelle des Droits de l’Homme, texte reproduit dans Ch. BRUNOLD et J. JACOB, Lectures sur les problèmes de la pensée contemporaine, Paris, Berlin, 1970, p. 108-115.
11. Voir Els FLOUR, Catherine JACQUES et Claude MARISSAL, Répertoire des Sources pour l’Histoire des Femmes en Belgique, Bruxelles, Ministère de l’Emploi et du Travail, 2 vol., 1993-94.
12. Les Constitutions de la France depuis 1789, présentation par Jacques GODECHOT, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, p. 389.
13. Pierre LEBRUN, L’Idéologie et son décryptage, D’une nouvelle histoire de la pensée économique à l’analyse du discours actuel, dans Contradictions, n°78-79 & 80, 1996, p. 82-83.
14. Mateo ALALUF, op. cit., p. 189.
15. Micheline LIBON, L’Union des Femmes de Wallonie, 1912-1936, Première Approche, dans Femmes des années 80, Un siècle de condition féminine en Belgique, 1889-1989, sous la dir. de Luc COURTOIS, Jean PIROTTE et Françoise ROSART, Louvain-la-Neuve – Bruxelles, Académia, Crédit communal, 1989, p. 185-191.
16. Jacques GERSANT (=Jean AUGER), Femmes au travail, dans Combat, 9 mars 1967, p. 8-9.
17. Françoise COLLIN et Véronique DE GRAEF, Néo-féminisme, dans Femmes des années 80..., p. 203-204.
18. Christiane RUGEMER, Société, Changer la femme et l’homme, Europe 74, Les Féministes, Novembre 1974, p. 17-22. – GROUPE B-Y, Quelle Wallonie ? Quel socialisme ?, Les Bases d’un rassemblement des progressistes, p. 54-59, Liège, Fondation André Renard, Bruxelles, Vie ouvrière, 1971.
19. Willy PEERS, Les choix d’une parenté responsable, De l’accouchement sans douleur, l’avortement, la contraception et quelques autres solutions, Bruxelles, Cercle d’Education populaire, 1974.
20. Hélène VAN DE SCHOOR, Le Syndicalisme au féminin, dans Combat, 6 avril 1972, p. 8. – Groupe B-Y, Quelle Wallonie ?, Quel socialisme ?, op. cit., p. 59.
21. Véronique ORUBA, Femmes et citoyenneté : une dynamique nouvelle ?, dans Pratique de la Citoyenneté et Identités, Treizième Conférence des Peuples de Langue française, Liège, 13, 14 et 15 juillet 1995, Charleroi, Centre René Lévesque/Institut Jules Destrée, 1996, p.81.
22. Le Congrès de Charleroi des 3 et 4 octobre 1953, Editions du Congrès national wallon, [s.d.], p. 7-8. – Le Congrès des 3 et 4 octobre 1953, dans Nouvelle Revue wallonne, t.6, n°1, 4ème trimestre 1953, p.8-76.
23. Boris-S. CHLEPNER, Cent ans d’histoire sociale en Belgique, p. 354-355, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 1972.
24. André RENARD, Réformes de structure, dans Syndicats, 25 octobre 1947, reproduit dans André Renard écrivait..., Recueil d’articles 1936-1962, Liège, Impredi, 1962, p. 170.
25. André GENOT, André Renard et la stratégie des réformes de structure, dans Stratégie ouvrière vers une société socialiste, Actes du Colloque de Pont-à-Lesse, 3-6 mai 1973, Liège, Fondation André Renard, 1973, p. 11-34.
26. Jacques DEFAY, Le Programme belge de réformes de structure de 1954 à l’épreuve de vingt ans de régime néo-capitaliste, dans Stratégie ouvrière vers une société socialiste..., p. 41.
27. Francis BISMANS, Croissance et régulation, La Belgique 1944-1974, Bruxelles, Palais des Académies, 1992, p. 490.
28. Nouveau départ wallon à Namur, dans Le Peuple, Hainaut, 8 juin 1959, p. 2.
29. Francis BISMANS, op. cit., p. 533.
30. Jacques DEFAY, op. cit., p. 66-67.
31. Guy SPITAELS, L’Année sociale 1961, Bruxelles, Université libre de Bruxelles, Institut de Sociologie, 1962, p. 150.
32. Robert MOREAU, Combat syndical et conscience wallonne, Du syndicalisme clandestin au Mouvement populaire wallon, 1943-1963, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1984, p. 164.
33. Les Elus socialistes wallons réclament pour la Wallonie le droit de disposer d’elle-même, dans La Cité, 14 et 15 janvier 1961, p. 4.
34. Congrès du MPW, Le Rapport économique, Résolution, dans Combat, 23 novembre 1961, p. 13.
35. François PERIN, Le Congrès des socialistes wallons, dans Combat, 22 mars 1962, p. 5.
36. Mutations, dans Combat, 20 janvier 1966, p. 4.
37. Pour une Wallonie prospère... le Congrès des socialistes wallons, Verviers, 25-26 novembre 1967 ... appelle tous les Wallons à s’unir, Liège, Biblio, 1967, p. 25.
38. Les Axes d’un programme régional et progressiste wallon, Interrégionale wallonne de la FGTB, mars 1978, p. 39-40.
39. Urbain DESTREE, Fédéralisme et réformes de structures, Continuités et changements, dans Bulletin de la Fondation André Renard, Syndicalisme et socialisme, ruptures et continuité, novembre-décembre 1992, p. 27.
40. Herbert MARCUSE, La Fin de l’Utopie, Neuchâtel, Delachaux & Nestlé, 1968 (Conférences organisées par le Comité des Etudiants de l’Université libre de Berlin-Ouest du 10 au 13 juillet 1967).
41. J. LOIRE, Américanisation de l’Europe, La pénétration américaine en Europe, dans Combat, 31 mars 1966, p. 3.
42. Alain SCHNAPP, Pierre VIDAL-NAQUET, Journal de la Commune étudiante, Textes et Documents, Novembre 67 – Juin 1968, Paris, Seuil, 1969. – Alfred SAUVY, La Révolte des Jeunes, Paris, Calmann-Levy, 1970. – Luc ROWIES et Luis CRUZ, Mai 68... et vingt printemps de plus, Espace synthèse n°3, Bruxelles, Communauté française, 1988. Il est intéressant de relever dans ce document l’importance accordée aux événements qui se sont déroulés à l’Université de Liège.
43. Jacques GERSANT (= Jean AUGER), La Crise d’une société, dans Combat, 6 juin 1968, p. 8-9.
44. Jacques GERSANT (= Jean AUGER), Produis, consomme et tais-toi, dans Combat, 27 juin 1968, p. 3.
45. Maurice MALPOIX, Une Prise de conscience claire : Le Manifeste du Club Jules Destrée, dans Combat, 1er août 1968, p. 6-7.
46. Jean-Marie ROBERTI, Une Nuit à l’ULB, dans Combat, 30 mai 1968, p. 7-11. – Michel HANOTIAU, Le Mouvement de contestation à l’ULB, dans Combat, 29 août 1968, p. 10.
47. Les Etudiants et la Nation, dans La Gueuse – La Bougie, 21 mai 1968, p. 3.
48. M.-R. F., A l’Université de Liège, Le monde universitaire et la nation, Un meeting d’information houleux, dans Le Soir, 21 mars 1968.
49. Richard PAULISSEN, La Contestation à l’Université de Liège, 1967-1971, Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de licencié en histoire, 1991-1992, p. 27-28. – Témoignage de Jean-Marie Roberti, 11 octobre 1996.
50. Jean-Marie Roberti, Un exemple de contestation étudiante, L’occupation de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, dans Combat, 13 juin 1968, p. 12.
51. Etudiants, un bon début, dans Combat, 17 octobre 1968, p. 12. – Jean-Maurice DEHOUSSE, Pour une université meilleure, dans Combat, 1er août 1968, p. 16.
52. IHOES, Papiers Michel Hanotte, Mouvement étudiant liégeois, 1967-1971, 1/2 Presse. L’Oeil écoute, Numéro spécial agrafé dans la salle académique, 20 février 1969. – Jean-Marie ROBERTI, Pour une démocratie plus réelle, La lutte des étudiants prend une ampleur croissante, dans Combat, 7 novembre 1968, p. 12. – Jean-Marie ROBERTI, Les Etudiants luttent, Pour le droit à une information réelle, Contre une répression policière inexcusable, dans Combat, 12 décembre 1968, p.6-7.
53. Ludo WIRIX, Policiers de tous les pays, Unissez-vous !, dans Perspective, n°2, janvier 1969, p. 13 et 14. – Comité Indochine Université du CEPEC (Cercle d’Etudes des Pays en Croissance), Indochine ? Connais pas ?, Dossier, Liège, s.d.
54. Alain TOURAINE, Le Mouvement de mai ou le communisme utopique, Paris, Le Seuil, 1968.
55. La Wallonie a perdu 14.715 emplois de 1960 à 1968 tandis que le reste de la Belgique en a gagné 233.000. A noter que la Wallonie avait gagné 27.276 emplois de 1960 à 1965 (124.255 en Flandre) pour en perdre 41.991 de 1965 à 1968 (gain de 24.700 en Flandre). Walter NOVA (= Emile NOLS, Georges VANDERSMISSEN), Dossier pour un gouvernement wallon, Fédéralismes et perspectives économiques, Liège, Fondation André Renard, 1970, p. 22-23.
56. IHOES, Papiers Michel Hanotte, Mouvement étudiant liégeois, 1967-1971, 1/2 Presse. DELTA, La Wallonie sur la voie du sous-développement, dans Perspective, n°1, Nouvelle Série, Octobre 1968, p. 2.
57. Serge GOVAERT, C’était au temps où Bruxelles contestait, Bruxelles, Pol-His, 1990, p. 165.

58. Jacques DUBOIS, Des Intellectuels en Wallonie, dans La Wallonie et ses intellectuels, Numéro spécial Toudi-Cahiers marxistes, Novembre 1992, p. 14.
59. Guy QUADEN, Le Néocapitalisme, Une Economie politique du capitalisme contemporain, Paris, Delarge, 1976, p. 225-243.
60. Philippe MAHOUX et Jacques MODEN, Le Mouvement Ecolo, dans Courrier hebdomadaire, n°1045-1046, Bruxelles, Crisp, 1984, p. 5.
61. Pascal DEWIT, Jean-Michel DE WAELE, Ecolo, Les Verts en politique, Bruxelles, De Boeck, 1996, p. 40.
62. Groupe de Lisbonne, Limites à la Compétitivité, Vers un nouveau contrat mondial, publié sous la dir. de Riccardo PETRELLA, Bruxelles, Labor, 1995.
63. Jacques ATTALI, Lignes d’horizon, Paris, Fayard, 1990, p. 182.
64. Michel QUEVIT, Les Causes du déclin wallon, Bruxelles, Vie ouvrière, 1978, p. 286.
65. André GENOT, Un Combat à élargir !, dans Combat, 25 mai 1967, p. 2.
66. Walter NOVA (= Emile NOLS, Georges VANDERSMISSEN), Dossier pour un gouvernement wallon, Fédéralismes et perspectives économiques, p. 234-235, Liège, Fondation André Renard, 1970. On trouvait notamment, dans l’équipe de la Fondation, Jean-Claude Vandermeeren, Louis Tordeur, José Verdin, Maryse Hockers, Jean-Marie Roberti.
67. Jean-Pierre GRAFE, La Problématique régionale en Belgique, dans Wallonie 74, n°1, Namur, CERW, Février 1974, p. 17.
68. Michel QUEVIT, Les Causes du déclin wallon, L’influence du pouvoir politique et des groupes financiers sur le développement régional, Bruxelles, Vie ouvrière, 1978.
69. Michel MOLITOR, Entre l’incertitude et l’espoir : les révolutions belges de 1988, dans La Revue nouvelle, octobre 1988, p. 13.
70. Culture et Politique, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1984, p. 96 sv.
71. Michel QUEVIT, La Wallonie, une société en projet, Actes du Congrès La Wallonie au Futur, Vers un nouveau paradigme, coll. Etudes et Documents, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1989, p. 524-529.
72. Marcel FLORKIN, Gazette, dans Combat, 29 mars 1962, p. 3.
73. Jacques YERNA, Les "touristes", air connu de la police, dans Combat, 3 novembre 1966, p. 12.
74. Les Etrangers parmi nous, dans Combat, 14 septembre 1967, p. 9. – Pouvons-nous leur dire : "Rentrez chez vous" ?, dans Combat, 11 janvier 1968, p. 11. – Les Immigrés ne sont pas responsables de la crise !, dans Combat, 29 avril 1976, p. 4.
75. Pour la première fois dans une grande ville de notre pays et de l’Europe, Un conseil consultatif des immigrés va être élu à Liège, dans Combat, N°2, 11 janvier 1973, p. 12.
76. Hélène VAN DE SCHOOR, Le Suffrage universel : pour les immigrés aussi !, dans Combat, 4 mars 1985, p. 12. – Hélène VAN de SCHOOR, Etranger aujourd’hui, citoyen demain, Il faut réviser le Constitution pour lever les obstacles au droit de vote, p. 3.
77. Groupe B-Y, Quelle Wallonie ? Quelle socialisme ? Les Bases d’un rassemblement des progressistes, op.cit., p. 170.

 

Ce texte est extrait du catalogue de l'exposition Wallons d'ici et d'ailleurs. La société wallonne depuis la Libération, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1996.


 

 

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