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Loisirs - Arts - Lettres

Le sport, miroir de la société - (1995)
Première partie - Deuxième partie

Théo Mathy
Journaliste

III. Les sports olympiques

Les premières courses à pied ont lieu dans des hippodromes. Les coureurs s'équipent comme des jockeys, on parie même sur leurs chances. Leurs successeurs émigrent vers des parcs ou autour de terrains de football. Des clubs omnisports naissent et beaucoup portent encore aujourd'hui le nom de "Racing" comme un rappel des origines. D'ailleurs, la première fédération de football régit aussi la course à pied et le cyclisme amateur...

L'athlétisme, il y a un siècle, se résume à la course. Elle nous livre trois de nos plus grands champions.

Le dimanche 26 septembre 1937, au stade Jean Bouin à Paris, le Français Goix s'attaque au record du monde du 3/4 de mile. Quelques athlètes sont invités, dont Joseph Mostert qui gagne. Le Verviétois devient le premier athlète belge détenteur d'un record du monde. Joseph Mostert est en 1938 notre premier médaillé aux championnats d'Europe, second sur 1500 mètres derrière l'inaccessible Wooderson. Il aura 28 ans, l'âge de la maturité, en 1940, quand auront lieu les Jeux Olympiques prévus à Tokyo. L'occasion passe. Après la guerre, il est trop tard...

Il n'est pas trop tard en 48 pour Gaston Reiff, qui bat sous la pluie l'immense champion tchécoslovaque Emil Zatopek dans la finale du 5000 mètres aux Jeux de Londres. Il donne à la Belgique sa première médaille d'or olympique en athlétisme, la plus précieuse. Le Brainois améliore trois prestigieux records du monde, propriété du Suédois volant Gunder Haegg. Il fait main basse sur tous les records nationaux de 1000 à 10000 mètres qu'il améliore vingt-six fois.

L'athlétisme nous réserve une seconde médaille aux Jeux de Londres grâce à une anti-vedette. Fruit du travail et du courage, Etienne Gailly est le héros du marathon. Dans le stade de Wembley archicomble, en tête à l'entrée du dernier tour, il est dépassé sous les yeux de la foule ébahie par Cabrera et Richards. Gailly titube, il avance comme un automate, sa volonté le porte jusque sur la ligne. Sa médaille de bronze vaut de l'or.

Toujours en fond, il faut faire un grand bond dans le temps pour applaudir notre troisième champion, Vincent Rousseau. Spécialiste de cross, allergique à la chaleur, réalisant des performances en dents de scie sur la piste, il trouve son chemin passé la trentaine. Le Montois bat les records nationaux des 5000 et 10000 mètres, il devient champion du monde de semi-marathon, il se découvre au marathon de Rotterdam, il enlève la médaille d'argent sur 10000 mètres aux championnats d'Europe à Helsinki. Lauréat du Trophée national du Mérite sportif, à 32 ans, Vincent Rousseau a encore le droit de rêver.

Ce n'est pas un effet du hasard si nos champions les plus renommés se distinguent dans l'activité athlétique la plus naturelle. Mostert débute dans les courses de rue, Reiff et Rousseau commencent par galoper à travers champs. Plus techniques, nécessitant un repérage précoce et un environnement spécialisé, le sprint et les concours ne nous réservent pas de premiers rôles lors des grands rendez-vous internationaux. On se demande pourtant ce qu'aurait réussi par exemple un Jean Henault, sauteur en hauteur exceptionnel dans les années vingt, dont le record national résista à tous les assauts pendant vingt-quatre ans, s'il avait bénéficié des moyens requis.

Le Malmédien Freddy Herbrandt, dont le principal adversaire est Roger Lespagnard, reste notre spécialiste numéro un du décathlon. Totalisant quinze titres nationaux dans cinq spécialités différentes, il réalise son plus bel exploit aux Jeux de Munich en 72. Au départ de la dernière épreuve, le 1500 mètres, il est toujours candidat au podium, finalement sixième. Son record national n'a pas encore été battu.

On doit évidemment relativiser les choses. Il est certaînement aussi difficile à l'époque moderne d'accéder à une finale que de remporter naguère une médaille. Saluons donc les finalistes olympiques Emile Leva (800 mètres), co-recordman du monde du relais 4 x 800, Michel Zimmerman (400 mètres haies) ou Didier Falize (triple saut) et Anne Marie Pira (saut en hauteur)...

Enfin, avec ses vingt et un titres nationaux inter-clubs, la section d'athlétisme du F.C.Liégeois est la première du pays. Et son représentant, l'ingénieur Emile Binet, avec vingt-quatre championnats individuels, demeure le plus huppé après Gaston Roelants.

Deux mots encore de la marche, de grand fond s'entend, illustrée sur la route par Robert Rinchard, trois fois lauréat de Strasbourg-Paris, par Robert Schoukens qui lui succède en 77 et par Roger Pietquin, vainqueur de Strasbourg-Paris et de Paris- Colmar.

Si la course à pied moderne est née dans les hippodromes et s'est développée autour de terrains de football, l'autre grand sport olympique qu'est la natation a vu le jour dans l'anonymat des cours d'eau ou des étangs. Les premiers échos dans les journaux stigmatisent d'ailleurs des pratiquants dont la nudité offense la pudeur...

L'Ixellois Félicien Courbet est le premier Belge détenteur d'un record du monde sur 100 mètres brasse en 1909. Notre pays, il faut bien le dire, manque cruellement de bassins. Au début du siècle, il n'existe que six sociétés de natation, trois bruxelloises, deux anversoises et le Neptune de Liége, qui fondent la fédération. Viennent s'ajouter ensuite, dans nos provinces, avant 1914, le Cercle de Natation d'Anseremme-Dinant, le Cercle du Bain Grétry à Liége, le Charleroi Sporting Club, le Club nautique de Spa, le Swimming Club de Visé, le Cercle nautique de Huy, l'Excelsior Swimming Club de Namur. Longtemps, la plupart de nos nageurs ne s'ébattent qu'en rivière. Et certains clubs, quand une fête est prévue, demandent aux industries en amont de bien vouloir différer le déversement de leurs eaux usées...

Signe d'une infrastructure élémentaire, notre pays ne disposant pas à l'époque d'un seul bassin couvert aux dimensions olympiques, Jacques Henrard en 68 et Jacky Leloup en 72 sont les premiers nageurs wallons sélectionnés pour les Jeux Olympiques. Leloup en profite pour nager à Munich le 100 mètres papillon en moins d'une minute.

La vague féminine nous donne des espoirs grâce à la filière hennuyère, puis à l'école liégeoise, mais les grandes compétitions révèlent nos limites. Yolande Vanderstraten-Waillet, pourtant, est finaliste sur 200 mètres dos aux Jeux de Moscou 80 et aux championnats du monde 82.

Un petit bout de femme de 15 ans nous fait alors le plus beau des cadeaux. Elle dispose au départ de peu d'atouts, isolée, mais soutenue par des parents admirables. L'Arlonnaise Ingrid Lempereur accède en 84 à la finale du 200 mètres brasse à Los Angeles. Et elle se classe troisième, première médaillée olympique de la natation féminine belge. Tout en menant ses études à bien, Ingrid est encore championne du monde universitaire, médaillée d'argent aux championnats d'Europe, lauréate du Trophée national du mérite sportif 87.

Isabelle Arnould parachève la démonstration en disputant quatre finales olympiques, à Séoul en 88, à Barcelone en 92, sur 400 et 800 mètres. Avec sa concitoyenne Sandra Cam, elle est aussi régulièrement finaliste aux championnats du monde et d'Europe.

Parmi les autres grands sports dits olympiques, l'aviron fondateur nous réserve de belles satisfactions au temps où seuls quelques pays riches participent au mouvement sportif. Quand celui-ci s'accélère, nous soufflons. Georges Schuermans (sous le nom de Legrand) et Marcel Roman, deux futurs présidents du Sport Nautique, sont, en 1921, champions d'Europe en deux barré. Lucien Brouha et Jules Georges, qui dirigera le F.C.Liégeois, obtiennent les médailles d'argent la même année. N'oublions pas Bobby Georges qui remporte avec Van Stichel, en 52, la finale du double scull aux régates de Henley. Ou encore Jean-Marie Lemaire et Gérard Higny finalistes aux Jeux de Rome 60 et, plus près de nous, Christine Wasterlain, médaillée d'argent en skiff aux championnats d'Europe, troisième du championnat du monde.

Dans un bateau d'un autre genre, notre maitre du kayak se nomme Jean-Pierre Burny. Quatre fois finaliste olympique en vitesse, il gagne entre 69 et 79 quatre championnats du monde et deux Coupes d'Europe de descente de rivière, sa véritable spécialité.

"Gai Luron" partage avec François Mathy la médaille de bronze au concours individuel de saut d'obstacles ainsi qu'à l'inter-équipes aux Jeux de Montréal en 76. Après Ingrid Lempereur, c'est une autre Arlonnaise, Anne Goffin, qui rate de peu la première médaille féminine olympique belge de tir. Aux Jeux de Séoul, elle termine quatrième au tir de pistolet à 10 mètres. Odette Meuter est plusieurs fois médaillée européenne d'argent et de bronze au tir à la carabine.

La gymnastique, qui réclame un si long écolage, nous dicte la modestie. Il faut pourtant louer la performance de la Liégeoise Bénédicte Evrard aux Jeux de Barcelone 92. Pour la première fois, une gymnaste belge se qualifie pour la finale olympique du concours général individuel, c'est-à-dire parmi les trente-six meilleures du monde.

Aux Jeux Olympiques d'hiver, enfin, le Verviétois Max Houben décroche en 48 la médaille d'argent en bob à quatre. Footballeur à Verviers et à l'Union Saint Gilloise, champion du 100 mètres sous le maillot de Spa, sélectionné pour les Jeux d'Anvers en 1920, il est un des très rares Belges ayant participé aux Jeux d'été et d'hiver. Il trouve la mort en 49, dans un accident aux championnats du monde de bob à deux avec Jacques Mouvet.

 

IV. Les sports mécaniques

Berceau de l'industrie motocycliste en Belgique, Liège est naturellement un des hauts lieux des sports mécaniques.

Le Liégeois René Kieken, sur Gillet, gagne en 1921 le Grand Prix de Vitesse à Francorchamps, imité l'année suivante par Gaston Antoine. Edmond Claessens remporte le Grand Prix des Nations sur F.N. en 1923 à Monza. Nos coureurs triomphent sur des machines fabriquées à Herstal, Guillaume Lovinfosse bat treize records du monde sur F.N., Robert Grégoire améliore sur Saroléa à Oostmalle le record du kilomètre arrêté, les motos Gillet s'affirment les plus endurantes, René Milhoux et Jules Tacheny, futur créateur du circuit de Mettet, font sur F.N. une razzia de plus de quarante records sur l'anneau de Monthléry.

Nos trois principaux constructeurs ont le vent en poupe, quand éclate la grande crise qui gâche tout. Ce sont aussi des années noires sur le plan sportif. Le pilote d'Aywaille Robert Grégoire dérape à Francorchamps et se tue au guidon de sa monotube Saroléa à la veille du Grand Prix en 1933. Le Bruxellois Pol Demeuter, vainqueur sur F.N. devant Noir du Grand Prix d'Europe à Assen en 34, trouve la mort ainsi que son équipier huit jours plus tard en Allemagne. La moto de vitesse belge est décimée et pour longtemps, puisqu'il faudra près d'un demi siècle pour retrouver en Didier de Radiguès un vainqueur de Grand Prix. Mais déjà se prépare une forme de sport motocyliste d'un style très différent...

Le motocross s'affirme avec éclat au lendemain de la guerre. Victor Leloup en 52 et Auguste Mingels en 53 et 54 sont les virtuoses de cette spécialité spectaculaire, champions d'Europe des 500 cc, autant dire champions absolus puisque l'épreuve mondiale est créée en 57 seulement. Succédant au Bruxellois Roger De Coster, André Malherbe triomphe en 1980, 81 et 84, avant de passer le témoin à Georges Jobé, triple roi de la catégorie reine, après avoir déjà gagné deux titres mondiaux des 250 cc. Dans cette classe, le record appartient à l'impressionnant Joël Robert avec six couronnes mondiales, dont cinq consécutives et cinquante Grands Prix enlevés entre 64 et 72. Les trois premières éditions du championnat des 125 cc sont par ailleurs l'apanage du Verviétois Gaston Rahier, avant que le plus léger des pilotes mène en fin de carrière la plus lourde des motos à la victoire dans Paris-Dakar.

Dans une spécialité parente, Eddy Lejeune est le seul de nos compatriotes champion du monde de trial, trois fois consécutivement, Alex Colin récolte quatre médailles d'or aux Six Jours internationaux et Richard Hubin remporte le championnat du monde d'endurance.

La première épreuve automobile en Belgique a lieu à la fin du siècle passé. En deux étapes sur le parcours Bruxelles-Spa, avec halte au Chateau d'Ardennes, elle est gagnée à 26 kilomètres de moyenne par le baron Pierre de Crawhez qui organise l'épreuve.

Pierre de Crawhez est un des promoteurs du Circuit des Ardennes en 1902. Le circuit consiste en une boucle routière sans passage à niveau, de Bastogne à Bastogne, via Martelange, Habay-la-Neuve et Longlier. La réussite est totale et la victoire revient à Charles Jarrott sur Panhard. Pierre de Crawhez enlève la seconde édition.

Le Circuit des Ardennes occupe une place à part dans l'histoire du sport automobile. De même qu'un peu plus tôt le vélo n'a eu de cesse de démontrer qu'il était plus rapide que le cheval, on veut prouver que l'auto va plus vite que le train. C'est de la folie, sur des routes empruntées par chacun. En 1903, à la suite d'une série d'accidents mortels, la course Paris-Madrid est interrompue à Bordeaux au terme de la première étape. Les gouvernements interdisent les courses automobiles meurtrières sur route ouverte. A l'image de l'épreuve ardennaise, on va dès lors se tourner vers la formule en boucle, qui débouchera sur les circuits permanents que nous connaissons aujourd'hui.

Le circuit de Francorchamps, précisément, est découvert en 1920. On y dispute une course de motos dès 1921 et un Grand Prix de Belgique pour voitures de tourisme en 1922, que gagne à 89 kilomètres à l'heure le baron de Tornaco sur Imperia.

Francorchamps s'impose comme un des circuits les plus spectaculaires du monde et devient un des pôles de la formule 1 dès l'institution du championnat des conducteurs en 50.

Le journaliste-ingénieur Paul Frère, pilote à ses heures, s'y distingue au volant de voitures de série et il se surpasse en F 1 : second notamment du Grand Prix de Belgique en 56.

Olivier Gendebien est notre champion de Grand Tourisme, vainqueur quatre fois des 24 Heures du Mans (record à l'époque), mais aussi de trois Targa Florio, de trois Tours de France, de Liège-Rome-Liège, des 1000 kilomètres du Nürburgring, des 12 heures de Sebring et on en passe. Avant l'ère de Jacky Ickx, il est aussi notre premier pilote de F 1, bien qu'il n'y réalise pas une carrière pleine et ne dispose pas des voitures les plus performantes. Il participe à quatorze Grands Prix, second derrière le champion du monde Brabham du G.P. de France 60 et, la même année, troisième à Francorchamps.

L'impétueux Willy Mairesse ne se classe pas en ordre utile sur le circuit ardennais, où il part cependant de la première ligne en 63. Le pilote de Momignies dispute douze Grands Prix de F 1, il monte sur le podium à Monza, troisième en 60 sur Ferrari. Mairesse se fait connaître en rallye, gagnant sur une Mercédès, achetée d'occasion, le prestigieux Liège-Rome-Liège en 56. Il collectionne le Tour de France, la Targa Florio, les 1000 kilomètres du Nurburgring, les 500 kilomètres de Francorchamps.

Après la période glorieuse de Jacky Ickx, qui succède à Gendebien et à Mairesse, après Thierry Boutsen, la vie devient de plus en plus difficile pour les candidats à la formule 1. Le prix d'un volant nécessite un montage financier d'une ampleur démesurée. Et c'est presque un miracle lorsqu'on obtient une chance comme Eric Vande Poele qui connait son plus grand bonheur et sa plus lourde déception en 91. Dans son premier Grand Prix à San Marino, cinquième à quelques kilomètres du but, le Namurois tombe en panne d'essence et doit abandonner...

Si la F 1 est comme une sorte de mirage, le rallye est un tremplin pour beaucoup. Les épreuves comptant pour les championnats d'Europe ou du monde sont très courues et nos compatriotes n'y font pas de la figuration. Après Pascal Gaban, Grégoire de Mévius est sacré champion du monde du groupe N en 91 et 92. Marc Duez est triple champion de Belgique des rallyes internationaux. Nos compétitions les plus populaires sont les Boucles de Spa, le Circuit des Ardennes, le Rallye du Condroz, le Rallye de Wallonie, le Rallye des Hautes Fagnes et le Critérium Lucien Bianchi.

Quant aux 24 heures de Francorchamps, réservées désormais aux véhicules de tourisme, elles permettent à nos meilleurs pilotes de se partager régulièrement les succès. Et si Francorchamps est le plus réputé, sont également côtés nos circuits sur lesquels tant de champions se mirent en évidence : Mettet et Chimay ou, hier, Floreffe et Nivelles...

 

V. Anciens et modernes

Les sports de force, vieux comme le monde, sont regardés d'un oeil un peu méprisant à la fin du XIXe siècle. Les fédérations et les règles n'existent pas encore, les champions n'hésitent pas à s'exhiber dans des baraques foraines.

En 1899, 28.000 personnes montent en trois jours à la Citadelle de Namur, pour voir Constant-le-Boucher (Constant Lauvaux, de Florennes) gagner le championnat de la Meuse dans l'enceinte du vélodrome désaffecté.

Son successeur Constant Herd, un Liégeois, débute sous le nom de Constant-le- Marin. Il est la révélation du tournoi du Casino de Paris. On s'extasie devant son élégance, son adresse... et son urbanité. Parmi les lutteurs professionnels qui se parent de lauriers officieux et souvent galvaudés, les règles n'étant pas uniformes, il mérite sans doute de porter le titre suprême. Il gagne quatre "championnats du monde", il se pare de trois Ceintures d'Or, il est le plus populaire. Héros de la guerre 14-18, volontaire et grièvement blessé sur le front russe, il appartient à la légende.

On ne succède pas à la légende. Les temps changent, la lutte amateur est réglementée. Léon Charlier de Waremme remporte quatre médailles d'argent aux championnats d'Europe de lutte libre.

Les boxeurs belges connaissent leur âge d'or durant l'entre-deux-guerres. Jean Delarge est champion olympique à 18 ans. Chez les professionnels, on ne compte plus nos champions d'Europe : Henri Hebrans, Fernand Delarge qui cèdera sa couronne à l'Allemand Max Schmelling, Alfred Genon, le styliste François Sybille. Né à Heer- Agimont, Carolorégien d'adoption, Pierre Charles livre neuf combats victorieux pour le titre européen dans la catégorie des lourds, la plus côtée. Il prend sa retraite en 1938, invaincu sur le plan national pendant onze ans. Couronnés également, Nicolas Petit- Biquet, "la petite merveille liégeoise", coqueluche du public anglais, Phil Dolhem et enfin Kid Dussart, l'enfant de Pierreuse, joyeux vivant, champion pour la dernière fois en 49.

Il faut patienter jusqu'en 1984 pour fêter un nouvel "Européen". Jean-Marc Renard s'empare du titre en allant battre l'Italien Alfredo Raininger chez lui, à Naples. Champion de 84 à 87, il a du tempérament mais une main droite fragile limite son horizon sur le plan mondial.

Jean-Marc Renard n'a pas annoncé le renouveau. Car la boxe n'est plus la boxe. La société a muté. Elle ne se reconnaît plus dans un sport de combat parfois trop rugueux.

La figure de Serge Reding domine l'histoire de l'hatérophilie belge. Médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Mexico 68 en super-lourds, l'Ardennais se classe trois fois second du championnat du monde. Il améliore six records mondiaux. C'est un double exploit au temps du grand Soviétique Alexeiev, le premier homme à soulever plus de 600 kilos aux trois mouvements.

Le jeu de balle au tamis que nous avons abandonné au début du siècle est relayé par la balle pelote, plus grosse, autorisant de plus longs échanges. Spécialité spectaculaire, aussi publique que sa glorieuse aînée, elle est le témoignage d'une manière de vivre typique d'une région et peut-être d'une époque. Dans aucun autre sport, en effet, il n'existe une telle complicité entre les acteurs et la foule. Le dialogue des joueurs et des spectateurs est permanent, bon enfant, les joutes verbales font partie de la lutte et une simple répartie suffit parfois à désarçonner l'adversaire, le temps de gagner un "quinze".

En 1921 est instauré un championnat de Belgique. Les meilleures séries sont l'apanage de La Louvière, imbattable de 1933 à 1937, de Braine-le-Comte avec sept titres, de Gosselies qui détient le record avec neuf couronnes grâce notamment à son équipe des années soixante, de Chapelle à Wattines qui aligne, à partir de 71, cinq succès seulement interrompus par Gilly Centre. Après le sacre de Feluy en 81, le sceptre passe en Flandre où les clubs sont mieux structurés et alignent d'ailleurs des joueurs du sud du pays. Puis, en 1994, retour gagnant d'un cinq wallon, avec Ottignies qui enlève le championnat et la Coupe.

Choisir les acteurs les plus prestigieux de diverses générations dans un sport régional très compartimenté est impossible. Certains pensent que Léon Casaert est peut- être le meilleur. Grand milieu puissant, complet, maitre du contre-rechas, "le roi Léon" détient le record absolu du nombre de titres nationaux : seize, de 1954 à 76, avec Gosselies, Chapelle à Wattines et Pont-à-Celles. Et s'il est permis d'avancer quelques autres noms fameux, citons pêle-mêle Brisfer, le Djambot Fernand Dubray, Nobert Letroye, Léon Mathy, Turco Van Leuven, José Ferrailles, Delporte, Van Godsenhoven et autre Gossuin...

Parent du jeu de balle, le tennis devient un sport universel. Nos compatriotes brillent tôt sur le plan international. Paul de Borman et le Spadois Willy le Maire de Warzée disputent même le Challenge Round en 1904 contre l'Angleterre, exploit inégalé. Le second nommé est d'une endurance redoutable. On conserve parait-il aux Pays-Bas une balle passée et repassée 153 fois au dessus du filet pour le gain d'un point, lors d'un match disputé à Arnhem contre van der Feen. Autre tennis...

A l'époque moderne, Philippe Washer et Jacky Brichant atteignent les sommets. Ils gagnent la finale européenne de la Coupe Davis en 53 contre le Danemark et en 57 contre l'Italie. Dans la deuxième finale inter-zônes, à Brisbane, ils ne s'inclinent devant les Etats-Unis que par trois à deux. Brichant perd à la suite d'un coup de chaleur son second match après avoir mené par deux sets à un et trois jeux à un. Originaire de Mont- sur-Marchienne, Jacky Brichant fait aussi partie du quintette du Royal IV, cinq fois champion et base de l'équipe tricolore de basket.

Après l'ère Washer-Brichant, survient Eric Drossart, puis Bernard Mignot, second de Patrick Hombergen, enfin le Liégeois Bernard Boileau qui donne les plus beaux espoirs avant de révéler ses faiblesses. A la même époque, Michèle Gurdal remporte dix fois le titre national, elle est quart de finaliste de l'open d'Australie... et future professeur de Dominique Monami.

En golf, après avoir été championne d'Europe amateur, Florence Descampe se fait une place sur le circuit professionnel américain. Et dans un exercice très différent, variante pourtant du jeu de crosse à l'origine et par conséquent petit cousin du golf, les virtuoses du billard Laurent Boulanger, Léo Corin et Frédéric Caudron remportent dans diverses disciplines des titres de champion d'Europe et du monde.

Tous les sports dont il a été question jusqu'ici sont vénérables, datant du siècle passé. De jeunes disciplines ou d'anciennes modifiées s'exercent désormais exclusivement en salle. Elles se partagent des complexes omnisports de petite et moyenne importances qui ne nécessitent pas d'investissements trop lourds, se répandent au niveau communal et peuvent abriter des activités multiples. La formule parait porteuse d'avenir.

Joué en plein air au début, relativement confidentiel il y a un demi-siècle, le basketball a la chance de découvrir le sport en salle. La transformation est radicale. L'engagement de talents étrangers, plus spécialement américains, les pivots de deux mètres, les règles assouplies favorisant le rythme et le spectacle provoquent la mue. Seul, le Standard réussit à devenir champion : en 68 avec Radivoj Korac, Aerts et Scholliers, en 70 avec l'Américain Dheil et l'enfant terrible Willy Steveniers et, enfin, avec Geerts, Selicki et le Verviétois Alain Stollenberg en 77, sans oublier le grand Georges Schraepen qui contribue aux trois titres.

Les équipes wallonnes disputent, depuis, le tour final. Certaines approchent même très près du but, comme les Castors Braine de Tony Marion, Deheneffe et Tirtiaux, battus d'un seul point au cinquième match décisif en 89, ou comme Charleroi en 94, mais c'est le plus souvent Malines qui garde la clé du paradis. Les basketteuses, elles, paient d'exemple : après six roses du Standard dans les années 60, Monceau enlève le championnat en 89 et Saint- Servais fête son quatrième titre consécutif en 94.

Le volleyball n'a pas tout à fait le succès qu'il mérite. Le handball, par contre, est une exclusivité liégeoise, au temps du jeu à onze en plein air. Beyne et Flémalle règnent, le second nommé est irrésistible pendant dix ans tandis que le handball à sept en salle succède à son aîné. Beyne et Herstal toujours luttent aujourd'hui avec les clubs du nord qui ont investi le terrain.

Théo Guldemont montre la voie aux temps de la découverte du judo, Marie- France Mil est double championne d'Europe, Nicole Flagothier et Christelle Deliège montent sur les podiums.

Enfin, le tennis de table est au pinacle avec Jean-Michel Saive, vainqueur du Top 12, champion d'Europe et numéro un mondial. Le Ansois participe aussi avec son frère Philippe, Thierry Cabrera, Frédéric Sonnet, Zoran Primorac à la conquête des titres européens des clubs et de super-ligue. Grâce à un jeune loup, déjà finaliste du championnat du monde 93, beaucoup découvrent un sport qui devient majeur.

Nos trois plus récents champions Ingrid Lempereur, Vincent Rousseau et Jean- Michel Saive sont issus d'une cellule familiale ou l'aboutissement d'un cheminement individuel. Apprécions-les à leur juste valeur. Car nos sportifs de classe supérieure sont rares, la sélection se fait sur un nombre réduit, l'écart se creuse entre l'aide et les moyens dont ils disposent et ceux dont jouissent nos voisins.

Au moins, pourrait-on espérer qu'au départ les chances soient plus ou moins égales. Or, la condition physique de nos enfants - parmi lesquels se trouvent les champions de demain - est relativement déficitaire. Un bilan établi par la Fondation Roi Baudouin avec le Comité Olympique le démontre sans équivoque. Malgré tous les efforts de l'A.D.E.P.S., en dépit du succès spectaculaire de quelques manifestations de masse, le processus de sédentarisation se produit de plus en plus jeune, les loisirs passifs et la motorisation grandissante ont des effets pervers.

Tous les indicateurs montrent clairement qu'il faut à la base, bien dosée, plus d'activité physique et sportive "réelle" à l'école. Et par extension naturelle, plus de sport pour tous, nécessité vitale de notre monde industriel. Le bénéfice, évident pour chacun, se révèlerait capital pour l'avenir d'une population de plus en plus vieillissante. Accessoirement, le sport de pointe, à la fois laboratoire de l'effort humain et vitrine, ne s'en porterait que mieux.

La vérité est bien connue, mais elle doit être sans cesse répétée. Le sport, comme la santé, ne prospère que dans le long terme...

Il y aurait encore beaucoup à dire sur l'évolution générale du sport, sur la complexité de son organisation dans notre pays, sur l'influence de la T.V., sur ses rapports avec la société qui l'engendre, y compris dans leurs motivations les moins nobles.

Le sport de haut niveau, qui est la trame de ce chapitre parce qu'il génère seul une histoire, devrait être un exemple, une source de saine émulation. Mais comme la langue d'Esope, il est ce qu'en fait l'homme. Il reste un miroir reflétant notre image. Quand nous portons un jugement sur le sport, c'est nous-même que nous jugeons.

 

Théo Mathy, Le sport miroir de la société, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.


 

 

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