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Loisirs - Arts - Lettres

Les arts plastiques - (1995)
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Jacques Stiennon
Professeur émérite à l'Université de Liège

Continuité dans la création

Cette continuité se marque dans les genres les plus variés. Robert Crommelinck (Liège, 1895-1968) peint tour à tour avec vigueur une Espagne ardente, une Ardenne sombre et puissante, Marie Howet (Libramont, 1897) ajoute à la poésie parfumée des arbres, de l'espace, des ciels, des bouquets de fleurs ensoleillés et des portraits fortement structurés. Paul Daxhelet (Liège, 1905-199?) préfère le dynamisme gestuel fortement coloré des fêtes africaines. Fernand Vetcour (Liège, 1908), grâce au procédé de la peinture lisse, rend avec une netteté lumineuse la Provence et le paysage wallon. Lucien Hock (Liège, 1899-1972), dans ses pastels aime à écouter le silence ouaté de la Fagne sous la neige. Quant à Jean Donnay (Cheratte, 1897-?), qui est surtout connu comme un des plus grands graveurs de Wallonie, il rend avec sensibilité, dans sa peinture, la poésie voilée de la vallée de la Julienne. Taf Wallet (1902 -) est aussi à l'aise dans les marines de la côte belge, traitées avec délicatesse et dépouillement que dans les fleurs éclatantes de gaîté. Dans ce Hainaut privilégié, la personnalité de Gustave Camus (Châtelet, 1914-1984) s'impose par la solidité structurelle de ses compositions, dont les formes sont vigoureusement cernées d'un trait sombre et la mobilité de son énergie créatrice centrée sur le couple et la femme. A travers les mutations du talent inventif d'Auguste Mambour (Liège, 1896-1968), c'est également la femme qui a pris la meilleure part et, singulièrement, ces Femmes congolaises dont il a fait le symbole même de l'Afrique noire. C'est un style puissamment synthétique que l'artiste met en oeuvre dans la Négresse Bambolé. La lumière se répand, liquide, sur le visage et le torse de cette jeune Noire.

A Liège, Edgar Scauflaire (Liège, 1893-1960) a été, incontestablement, avec Auguste Mambour, une des figures de proue de l'activité artistique. Influencé par le géométrisme de Braque, il aime les gammes chromatiques sourdes dont il ne s'est libéré que dans sa période de peintures sur verre, où vibre et chante la couleur. Aussi à l'aise dans les grandes compositions murales que dans la peinture de chevalet, l'artiste nous laisse le considérable héritage d'une peinture imprégnée de méditation, la douce acceptation d'une vie rêvée.

Au fur et à mesure que l'on avance dans les chemins si variés de la peinture wallonne, on s'aperçoit de l'utilité des groupements d'artistes, parfois éphémères, souvent transitoires, mais toujours stimulants, par la rencontre et le dialogue d'individualités originales. Ces associations se sont, le plus souvent, manifestées dans le Hainaut et la région liégeoise. Ce serait oublier au moins deux artistes namurois qui ont accordé à la femme une place importante dans leur oeuvre. Yvonne Perin (1905-1967) avec La Musicienne, Les Femmes catalanes, Cassandre et l'admirable lyrique qu'est Luc Perot (1922-1985) dans Le Signe, Nu à la grande écharpe, Jeanne au châle orange.

Mais, à côté de cette volonté figurative qui reste une constante de l'art en Wallonie, l'abstraction a fait peu à peu son chemin. Conservant quelques racines dans le concret, l'oeuvre de Roger Dudant (Laplaigne, 1929) définit avec sensibilité un constructionnisme poétique.

Le raffinement, l'esprit de finesse allié à l'esprit de géométrie caractérise le monde médiatif, équilibré, du très grand artiste que fut Jean Delahaut (Liège, 1911-1992). Jean Rets (Paris, 1910) et Léon Wuidar (1938) ont souvent associé leur abstractionnisme géométrique, savamment structuré, aux volumes de l'architecture contemporaine. Raymon Art (1919) se situe à la charnière de l'abstraction géométrique et de l'abstraction lyrique, Léopold Plomteux (1920) est, lui, résolument lyrique, tandis que José Picon se livre avec fougue à l'embrasement de l'abstraction lyrique, Leopold Plomteux (1920) est, lui, résolument lyrique, tandis que José Picon se livre avec fougue à l'embrasement de l'abstraction lyrique. L'on rejoint, avec elle, une tendance expressionniste qui renoue avec le tragique du monde actuel, puissamment interprété par Charles Szymkovicz (1948), Calisto Peretti (1937) et Freddy Beunkens (1938).

Quant à Zéphir Busine (Gerpinnes, 1916-1976) peintre vitralier, il a partagé son talent multiforme entre l'abstraction (Bacchanale), (Départ) et l'expressionnisme (Les Frères), (Eclosion). Il est un des créateurs les plus originaux de l'Ecole hennuyère.

Le mur, la paroi ont exercé sur certains artistes une attraction irrésistible. C'est le cas de Fernand Stéven (1895-1965) interprète inspiré de la machine dans un mouvement cosmique d'une surprenante beauté, c'est le cas de Georges Collignon (1923) parti de l'abstraction chaude pour aboutir à un érotisme onirique paré du chatoiement des ors et des couleurs. C'est enfin le cas d'Edmond Dubrunfaut (Denain, 1920) dont Paul Caso a dit très justement qu'il était l'"héritier des fresquistes romans, l'homme des croquis emportés comme des grands murs souverains". Dubrunfaut est également à l'origine de la renaissance, en Wallonie, de la tapisserie monumentale. Ses compositions lumineuses, sont pleines d'oiseaux, de plantes, d'êtres vivants. Sa Féerie d'Amazonie résume son "chant poétique" - pour reprendre l'expression d'Alain Viray -, tout à l'opposé des teintes sombres et de l'aspect tragique de l'oeuvre de son maître Charles Counhaye. De son côté, Paul Renotte (1906-1966) est l'inventeur d'une technique nouvelle, faite de matière et de lumière, le......

Quant aux membres de la toute jeune génération, comment les citer tous, sous peine de se livrer à un inventaire sec et réducteur de leur talent ? Qu'il suffise de dire que les oeuvres de Joëlle Calembert, Yves Bage, Philippe Beaugnet, Richard Martin, Christian Otte, Bernard Lorge, Alain Denis, Michel Moffarts sont porteurs d'espoir grâce à leur pouvoir d'invention, de suggestion, dans les registres les plus contrastés de la peinture, du collage et de l'assemblage.

L'universel dans le singulier : René Magritte et Paul Delvaux

Oui, ils sont nombreux à témoigner de la vitalité de l'art wallon et, pourtant, vu de l'étranger, l'apport de la Wallonie à la création picturale se résume souvent à deux noms : René Magritte et Paul Delvaux.

Le premier s'inscrit dans la prodigieuse efflorescence du surréalisme en Wallonie, qui compte en Jean Ransy (1910-1990) un de ses représentants les plus racés. Jean-Luc Wauthier et Philippe-Robert Jones lui ont consacré des exégèses très fines, qui tendraient à inscrire ce bel artiste plus dans l'onirisme que dans le surréalisme proprement dit. De fait, c'est l'onirisme qui fait la transcendance du Verger endormi sous la clarté verdâtre des étoiles. Tout est recueillement et musique dans ce tableau, depuis l'orgue et la mandoline jusqu'au murmure discret du ruisseau, et la sphynge aux yeux clos paraît diriger de son sceptre, au sommet duquel la lune et le soleil sont accouplés, un invisible orchestre qui se situe très haut, au-delà des branchages noueux, dans les profondeurs du ciel. Comme Degouve de Nuncques, Jean Ransy se situe aux frontières du symbolisme et du surréalisme. Ces frontières, René Magritte (Lessines, 1897-1967) les a franchies avec une détermination et un sens de l'imaginaire qui forcent l'admiration. Dans L'empire des lumières (1954), autour de la maison, personnage silencieux au bord de la nappe d'eau, l'opacité noire du feuillage approfondit le mystère d'une heure qui va basculer dans l'éternité. Le réverbère et sa clarté sont les éléments permanents d'un décor qui existait depuis des milliers d'années avant que l'artiste ne lui donne vie. En revanche, la lumière orange qui vient d'apparaître au premier étage nous ramène dans le contingent et, par conséquent, dans le temps. Mais l'ambiguité fondamentale est provoquée par le fait que ce paysage qui appartient à la nuit, à ses phantasmes, est dominé par un ciel qui appartient au jour, à la course tranquille de ses nuages blancs sur sa profondeur délicatement bleutée.

Mais l'ambiguité n'est-elle pas le ressort même du surréalisme ? Magritte va en jouer en virtuose, que ce soit dans l'écart des titres par rapport aux images, la logique de Ceci n'est pas une pipe, l'association d'objets dont on n'imagine pas qu'ils puissent se rencontrer dans la vie de tous les jours, l'illusion du cadre, de la vitre et de la nature, la pomme ou le noeud- papillon qui masque les visages, et l'angoisse que fait naître l'inscription Corps humain dans le Miroir magique (1929). A ce moment la réalité se décompose dans la froideur de l'objet ou la morne souffrance de la Jeune fille mangeant un oiseau (1927), rare exemple de l'appropriation d'un titre à la scène représentée.

Celui qui se propose de suivre Magritte à travers son oeuvre s'embarque pour un voyage sans fin, comme le palais des glaces des foires populaires. Mais ce voyage n'est pas sans danger. A chaque instant, le doute ralentit la progression du promeneur, l'empêche de revenir sur ses pas, l'arrête devant l'enigme des objets mis en confrontation et en connivence. A la façon des romans arthuriens, nous devons, au moment de franchir le passage périlleux, répondre à la question posée par le peintre, faute de quoi la chute dans l'abîme est fatale. A ce moment, ne seront d'aucune utilité La culture des idées (1927), ni Les valeurs personnelles (1951-1952) et la riposte jaillira, gentiment, implacable, de la bouche même de Magritte : Vous ne saurez jamais (1925-1926).

Tout différent est le propos de Paul Delvaux (Antheit, 1897-Saint-Idesbald, 1994). Il n'a rien d'un surréaliste. Son univers tient plutôt du naturisme onirique, à travers trois périodes ou, plutôt, trois grands thèmes : celui des nus, celui des squelettes, celui des gares. Plus que la volonté, la nudité féminine suscite l'angoise charnelle. Les seins lourds comme des fruits, le mont de Vénus sapide, ombreux, odorant, les aisselles offertes comme un refuge, expriment une sensualité qui ne provoque pas le désir mais invite à une contemplation méditative, qui sourd parfois de l'inversion des situations. Témoin de ce tableau où Pygmalion (1939) se trouve statufié et sans défense devant le modèle féminin qui l'étreint. Dans La visite (1939), l'intention est dépourvue d'ambiguité. L'adolescent, devenu pubère, vient de quitter "le vert paradis des amours enfantines" que l'on aperçoit, simplement suggéré, dans l'embrasure de la porte. Il pénètre dans l'univers clos des adultes où l'accueille une femme qui, les mains sous les seins, est prête à lui offrir la chaude respiration de sa chair nue. La rencontre s'accompagne ici d'un trouble initiatique. Dans une autre version de La visite (1944) l'atmosphère est complétement différente entre les deux jeunes femmes, aucune surprise, l'habitude semble avoir figé le désir. Ne subsiste que l'imminence tranquille de la satisfaction physique.

Lorsqu'il aborde le thème récurrent des gares, Paul Delvaux se met comme en état de grâce. La lune éclaire wagons, rails, poteaux électriques d'une lumière froide et la fillette sur le quai oppose son immobilité à des voyages impossibles, suggérés par la vision du dernier wagon, symbole de l'irréversibilité du temps.

Pour le thème des squelettes, il arrive que l'artiste joue sur le thème antithétique de la Femme et de la Mort. Corps féminin, corps promis à la mort. Dans la Conversation, Paul Delvaux a conjugué les deux thèmes. Une femme à demi nue discute avec un squelette qui n'est autre qu'elle-même puisqu'il reproduit exactement ses gestes. Mais l'ombre du squelette portée sur le mur, introduit une autre dimension, en même temps qu'un autre personnage : c'est le spectateur qui est confronté à sa propre mort. On doit admirer dans le même esprit Mise au tombeau du même artiste. Mise au tombeau et non pas La Mise au tombeau. Le squelette déposé sur le linceul blanc n'évoque pas le cadavre du Christ. C'est la dépouille de tout homme, de n'importe quel homme, ensevelie par d'autres hommes, promis au même destin. "Ne cherchez pas à savoir pour qui sonne le glas, il sonne pour toi". Cette grave leçon est soutenue, avec un art suprême, par la froideur des tons, par les lignes de force de la composition, réparties en trois registres horizontaux.

De ses origines mosanes à sa retraite flamande, Paul Delvaux nous incite à réveiller une mémoire ensevelie dans la caverne des illusions platoniciennes. Lors de son décès, un homme politique nourri de sa culture a bien situé la dimension singulière de ce grand artiste : "C'est non seulement l'un des grands peintres du XXe siècle qui disparaît, mais aussi l'un des plus originaux. Il est à noter que, créateur d'une forme supérieure qu'il avait définie lui-même et qui lui a donné un rang mondial, Paul Delvaux a successivement illustré au cours de sa vie les trois régions belges : La Wallonie où il était né et où il a été reconnu comme un des Cent Wallons du Siècle, les communes bruxelloises où il a longtemps résidé, et la Flandre où il a choisi de vivre la fin de ses jours. Mais son vrai monde, celui que la postérité retiendra d'abord, est dans un autre réel".

Aquarelle, dessin, gravure

L'aquarelle est une technique particulièrement exigeante. Elle requiert détermination dans la conception, fluidité dans l'exécution, sûreté et souplesse de la main. Dans cet art difficile, Mariette Bayet (Vaux-sous-Chèvremont, 1928-Liège, 19 -) a révélé un talent sans failles, aussi à l'aise dans les paysages d'Ardenne, colorés de neige ou d'épilobes, que dans les mille collines du Rwanda. Micheline Latinis (Binche, 1930) se caractérise par un souci de synthèse et de clarté. D'abord influencée par les leçons de Gustave Camus, elle a peu à peu modéré sa fougue pour agencer avec une extraordinaire virtuosité des superpositions subtiles d'une matière dont la transparence devient voile aérien, souffle léger, poésie pure. Tour à tour, le Borinage, la Grèce, la Provence, la région liègeoise lui ont permis d'exprimer son art dans des variations qui vont de la solidité des structures à la suggestion subtile et fine d'une sensation, d'une impression.

La plupart des plasticiens sont également dessinateurs. On choisira le plus singulier, sans doute plus connu dans le monde de la littérature. Henri Michaux (Namur, 19 ?) a cultivé ce que l'on peut appeler des "calligraphies". Comme le note Yves Randaxhe, "ses premiers dessins, dans les années vingt, s'apparentent directement à des pages d'écriture : feuillet de petit format, signes tracés à l'encre et disposés en lignes", à la façon des pictogrammes primitifs. Un autre Namurois, André Lamotte (1940), a suivi la même voie comme en témoignent ses Anthropographies, qui rejoignent les alphabets anthropomorphes des artistes de la Renaissance, tout en visant la forme de toute possibilité de lecture, au sens commun du terme.

Dans le domaine de la gravure, Gilles Demarteau (Liège, 1722-Paris, 1776), en perfectionnant le procédé de la gravure en manière de crayon due au Nancéen Jean-Charles François, a permis de proposer à un large public, à une époque où la photographie n'existait pas, des traductions graphiques et sensibles, soit à la sanguine, soit "aux trois crayons" (noir, sanguine et bistre) des compositions picturales des grands artistes français de son temps, François Boucher, Paul Huet, Carle Vanloo, Bouchardon, Cochin. L'aquatuite en couleurs a été la technique de prédilection de son neveu Gilles-Antoine (Paris, 1756-1802).

C'est également Paris qui verra éclore le talent de celui que l'on a appelé "le Raphaël des fleurs". Pierre-Joseph Redouté (Saint-Hubert, 1759-Paris, 1840) est un fils de l'Ardenne que la France a adopté. Comme on l'a écrit ailleurs, c'est Paris qui voit éclore son talent, c'est là qu'il perfectionne la technique de l'aquarelle à laquelle il fait rendre les effets les plus raffinés pour traduire la beauté, la délicatesse des fleurs les plus variées. En même temps, il met au point, en 1796, un nouveau procédé de gravure en couleurs. L'art suprême de Pierre-Joseph Redouté est à la fois poésie et science : il a fait de la botanique une joie perpétuelle pour le regard. Son frère Henri-Joseph Redouté (Saint-Hubert 1766-1852) rapportera de la campagne d'Egypte, de 1798 à 1802, des dessins de bas-reliefs, de monuments et d'hiéroglyphes, à la fois oeuvres d'art et documents historiques.

Ce serait évidemment faire le grand écart en passant des frères Redouté à Félicien Rops (Namur, 1839-Essonnes, 1898). On ne peut oublier, en effet, les contributions des artistes montois aux progrès d'un nouveau procédé, la lithographie. Maurice-A. Arnould leur a, naguère, rendu pleine justice. D'autre part, c'est également à Mons qu'Auguste Danse (1829- 1929) fonde l'Ecole de gravure de Mons, qu'illustreront ses deux filles Louise et Marie, celle-ci épouse de Jules Destrée, et Cécile Donard, interprète du travail dans le Pays Noir. Félicien Rops transcende évidemment son siècle en accumulant lithographie d'illustration, eaux-fortes aux tailles profondément mordues, aquatintes en couleurs, vernis mous, gravure dans lesquelles la Femme est omniprésente, qu'elle soit la tentatrice, la souveraine, la charnelle ou même la diabolique. Mais, chez Rops, le métier l'emporte toujours sur les aléas du thème. Georges Comhaire et Francis Vanelderen ont souligné avec raison l'extraordinaire diversité d'un artiste qui se règle sur la plus haute intention d'art.

A Liège, on a vu tout à l'heure l'importance de l'oeuvre de François Maréchal comme aquafortiste. Avec Adrien de Witte (1850-1935), il sera à l'origine d'un épanouissement de la gravure dans la Cité ardente. Jean Donnay (1897-19 ) en est incontestablement le principal artisan. Il alternera, tout au long de sa carrière, l'analyse intimiste et l'inspiration épique. Dans une création cyclique, se succèdent, s'effacent et réapparaissent les méditations intimistes sur le pays de Herve, l'exaltation du travail des hommes, le spectacle de la nature et les architectures grandioses. A cet égard, la série d'eaux-fortes consacrées à Six aspects du travail au Pays de Liège (1927) et la grande suite du Chemin de Croix (1929) constituent des sommets. Parallèlement, Joseph Delfosse (1888-1971) exploitera, lui aussi, les ressources pittoresques de la Basse-Meuse. D'autre part, la critique contemporaine a eu raison d'associer les noms de Luc Lafnet (1899-1939) et de Jean Dols (1909-199 ), frères dans l'exubérance et l'imagination tantôt caricaturale, tantôt grinçante. Quant à Joseph Bonvoisin (1896-1960), ses pointes sèches traduisent un talent sobre et synthétique, aussi à l'aise dans les paysages que dans l'évocation du couple et des thèmes religieux. Son ami, Georges Hougardy s'est spécialisé dans l'art du portrait rendu avec vérité et sobriété.

De son côté, Georges Comhaire (1909) est considéré à juste titre par Francis Vanelderen comme "le pionnier du renouveau de la xylographie en Wallonie". Son magnifique bois de bout Marché au beurre de Namur en est le témoignage sensible et poétique, comme ses nombreuses illustrations. L'enseignement qu'il a recueilli des mains de Jean Donnay à l'Académie royale des Beaux-Arts de Liège a été particulièrement fécond. Déjà connu comme graveur, il s'est également affirmé comme un des meilleurs pastellistes wallons. Il applique avec maîtrise les ressources de cette technique, fort peu pratiquée aujourd'hui, pour restituer, avec une étonnante économie de moyens, la Hesbaye dorée ou L'abbaye de Cluny.

Quand on abandonne un moment l'Ecole liègeoise de gravure, c'est de nouveau vers le Hainaut qu'on se dirige. Gustave Marchoul (1924) est à l'origine de toute une génération de jeunes aquafortistes. Il doit cette fécondité à la liberté de ses choix dans l'inspiration, les thèmes, le style, mais toujours avec une fidélité au "beau métier", à la saveur des noirs, à la luminosité des blancs. Il y a plus de dépouillement dans les compositions, souvent lithographiées, de Gabriel Belgeonne (1935) mais c'est un dépouillement en quelque sorte transfiguré par la couleur. Jean-Pierre Point a choisi la technique de la sérigraphie pour se créer un monde personnel, fait de fantasie imaginative, tandis qu'Alain Winance associe manière noire et couleur dans des compositions où la science, la méditation, le rêve sont associés intimement dans des structures mûrement méditées. A Namur, André Sprumont fait jaillir, des traits exigeants de la pointe-sèche, des formes tourmentées et comme visionnaires.

Dans le Brabant wallon, Maurice Brocas (1892 - 1948) est le maître incontesté de la gravure sur bois : son chef-d'oeuvre est les illustrations qu'il a données de Visages de la Wallonie de Louis Piérard, le noir chante comme une couleur.

A Liège - car il faut y revenir - l'action lointaine d'Adrien de Witte, celle plus proche de Jean Donnay et de Georges Comhaire a orienté la création de jeunes graveurs dans des tendances dont la variété prouve la liberté et l'indépendance de leurs maîtres. Jean-Claude Vandormael (Liège, 1943-1982), trop tôt disparu, a rapporté d'Italie des gravures où la passion est maîtrisée par une virtuosité technique exceptionnelle. Marcel Laffineur (Bomal, 1940) a illustré avec talent les poèmes wallons de Marcel Hicter. Quant à Guy-Henry Dacos (Huy, 1940), on l'a qualifié souvent, avec raison, d'alchimiste de la gravure, une alchimie qui mêle eau-forte, vernis mou, aquatinte et photographie pour nous livrer, sur le monde contemporain, ses souffrances et ses révoltes, un regard tragique et lucide.

En 1983, une Exposition rassemblait les oeuvres de jeunes artistes sous le titre révélateur de Comhaire à Dacos. Ce fut l'occasion de mettre en valeur des talents confirmés, de fermes espoirs, des voies nouvelles de recherche. Parmi les premiers, on retiendra, Jeanne Dambiermont (Liège, 1930), Paul Franck (Gryon, 1918), Françoise Grandemange-Mehaignoul (1939), Anita Humblet (Liège, 1914), Robert Varlez (Liège, 1947), Denise Willem (Blégny, 1943), Maggy Willemsen (Grivegnée, 1939). Parmi les seconds, Pierre-Paul Bertrand (Liège, 1950), Micheline Crouquet (Verviers, 1950), Geneviève Lesko (Rocourt,1949), Martine Monfort (Verviers, 1951), Martine Morsa-Schmitz (Antheit, 1948). Enfin, Serge Englebert (Fraipont, 1959) s'est engagé avec succès dans l'exploitation de techniques mixtes, Paule Schinler (Angleur, 1940), dans l'abstraction lyrique et Léon Wuidar (Liège, 1932) déjà connu comme peintre, dans l'association du lino et du gauffrage, Stella (1981).

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(Jacques Stiennon, Les arts plastiques, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.)


 

 

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