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Histoire économique et sociale


L'évolution des sciences et des techniques en Wallonie
- (1995)
Première partie - Deuxième partie - Troisième partie


Robert Halleux

Directeur du Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques de l'Université de Liège


Anne-Catherine Bernès

Directeur-adjoint du Centre d'Histoire des Sciences et des Techniques de l'Université de Liège


Luc Etienne

Conseiller au Cabinet du Ministre des Technologies

 

 Introduction

L'histoire des sciences et des techniques s'accommode mal des délimitations régionales. A moins de prendre pour critère l'origine ethnique des individus, il n'y a pas de science wallonne, flamande, ou belge. Savoir et savoir-faire n'ont pas de patrie. Hommes, livres, idées, procédés se diffusent dans un espace qui, au fil du temps, s'élargit à la Terre entière.

Mais paradoxalement, cet internationalisme même a permis à la Wallonie de jouer un rôle appréciable dans l'évolution universelle des sciences et des techniques. C'est qu'elle est, par excellence, terre de transit, d'échange et d'accueil. Aux marches de la romanité, elle est le lieu d'interface de la culture française et de la culture germanique. Ses voies navigables et ses grandes routes ont constitué le lieu de passage obligé entre la France, l'espace rhénan, la Hollande. Elles n'ont pas seulement acheminé les marchandises et les invasions, mais les innovations de tout ordre.

Ainsi, tous les grands courants qui ont modelé le paysage scientifique et technologique de l'Europe ont traversé la Wallonie. Dans ce milieu aussi réceptif que perméable, ils ont fait éclore une intense activité intellectuelle et industrielle. Les foyers ainsi créés ont à leur tour essaimé en Europe et dans le monde. C'est donc au coeur d'un réseau complexe que se perçoivent les flux et les pulsations du savoir en Wallonie, hier, aujourd'hui et sans doute demain.

Les structures politiques auxquelles la Wallonie a été successivement intégrée ont, elles aussi, influencé les aspects institutionnels, économiques ou idéologiques de cette évolution. Ce que nous appelons aujourd'hui la Wallonie se répartissait, sous l'Ancien Régime, entre la principauté épiscopale de Liège, terre d'Empire, mais indépendante de fait, et les anciens Pays- Bas du sud qui furent bourguignons, puis espagnols, puis autrichiens. Avec la Révolution, puis l'Empire, l'ensemble bascule dans la sphère d'influence française, puis dans celle du royaume des Pays-Bas avant de se retrouver, avec la Flandre, dans une Belgique unitaire et francophone, jusqu'à ce qu'émerge une identité wallonne. Les communautés scientifiques wallonnes sont ainsi tour à tour intégrées au réseau français, hollandais, belge et européen. Il serait artificiel et mutilant de les en séparer.

 

  

I. Les racines d'un dynamisme

Réceptivité aux mutations du savoir

La périodisation classique de l'histoire n'est guère pertinente pour l'évolution des sciences. Au risque de simplisme, on peut articuler l'exposé autour de trois grandes charnières, que l'on dénomme, un peu abusivement, révolutions : l'arrivée de la science arabe, qui substitue au cosmos symbolique du haut Moyen Age l'univers d'Aristote, de Galien et de Ptolémée; la Révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles, qui met au point le modèle héliocentrique et mécanique; le tournant du XIXe et du XXe siècle, avec la relativité, la mécanique quantique et la génétique. Dans ces mutations, la Wallonie a toujours été présente, et souvent active.

 

  

1. L'arrivée de la science arabe

La grande coupure dans la science médiévale est l'arrivée de la science arabe; non par les croisades, comme on le répète souvent, mais par les régions de contact interculturel, comme l'Italie du sud et l'Espagne, où chrétiens, juifs et musulmans vivent en bonne intelligence. Ce sont nos régions, pourtant bien éloignées des foyers d'assimilation, qui vont constituer le premier terrain d'adaptation de la science nouvelle. Elles vont la répandre dans toute la Lotharingie et bien au-delà.

Du point de vue chronologique, les historiens des sciences distinguent plusieurs phases : une phase d'infiltrations (Xe-XIe siècles) marquée par les personnalités de Gerbert - le futur pape Sylvestre II - et de Constantin l'Africain (mort en 1085); une phase de traductions intensives, en Espagne et en Italie du sud (XIIe siècle); une dernière vague, limitée à l'Italie, celle des traducteurs angevins (XIIIe siècle). Pendant la première phase, soit du milieu du Xe au milieu du XIe siècle, il existe en Wallonie une importante école mathématique dont Liège et Lobbes sont le centre. Les savants et les oeuvres se répartissent sur deux générations.

Une première génération de mathématiciens est liée à l'école de Reims, où enseigne Gerbert : Notger lui-même, évêque de Liège (972-1008) est peut-être l'auteur d'un commentaire à la grande Arithmétique de Boèce. Son collaborateur Heriger, abbé de Lobbes (avant 950-1007) écrit des règles pour le calcul de l'abaque. Adelbold, élève de Lobbes et de Liège, évêque d'Utrecht (1010-1027) correspond avec Gerbert sur l'aire du triangle équilatéral et sur le volume de la sphère, et commente un passage arithmétique de la Consolation philosophique de Boèce. Sans être disciples de Gerbert, ces auteurs travaillent sur une voie parallèle.

A la seconde génération, formée à Chartres par Fulbert, appartiennent la célèbre correspondance échangée dans les années 1020-1027 entre Radulphe, professeur de Liège et Ragimbold, écolâtre de Cologne et La Quadrature du cercle que Francon de Liège écrit aux environs de 1050 avec la collaboration de Falchalin, écolâtre de Saint-Laurent. Enfin, on sait par la tradition indirecte que d'autres écolâtres, Wazon, Adelman et Razechin ont traité de mathématique, mais leur enseignement a péri.

Un réseau homogène d'hommes et de manuscrits couvre la Lotharingie et la déborde : Notger vient de Saint-Gall, Adelbold émigre à Utrecht, Adelman en Allemagne, Radulphe correspond avec Ragimbold à Cologne, Francon dédie son De quadratura à Hermann de Cologne, Hermann le Contrefait, moine de Reichenau, est l'élève de Berno de Prüm, et a pour disciple Meinzo de Constance. C'est dans ce véritable réseau de savants que vont cheminer de proche en proche les premiers éléments de la science arabe.

L'influence arabe diffère selon les disciplines. En géométrie, elle est inexistante. Un exemple suffira. Les problèmes relatifs au cercle et à la sphère occupent la lettre d'Adelbold à Gerbert et le De quadratura de Francon. Pour démontrer qu'une sphère ayant un diamètre double d'une autre aura un volume octuple, Adelbold calcule d'abord la circonférence = 227 D, puis la surface du cercle = D2 x C2 , puis le volume comme égal aux 1121 du cube construit sur le diamètre. Il en ressort pour p la valeur 227 . Francon procède de la même manière pour construire un cercle de diamètre 14 dont la surface, 154, n'est pas un carré, ce qui nécessitera de passer par une construction approchée pour réaliser la quadrature. Ces connaissances, étrangement pauvres, viennent des arpenteurs romains, c'est-à-dire de recettes, purement empiriques, pour le mesurage des champs, sans aucune notion de démonstration géométrique. D'Euclide, nos géomètres n'ont plus que quelques énoncés, sans les démonstrations.

Le tableau est différent en arithmétique, où Heriger de Lobbes (vers 950-1008) écrit des Règles des nombres sur le calcul de l'abaque. On sait, en effet, que l'emploi des chiffres romains présentait aux multiplications et aux divisions les plus simples des obstacles quasi insurmontables, à cause surtout des symboles additifs (XI, VI) soustractifs (IV, IX), multiplicatifs (L, D) différents pour les unités, les dizaines et les centaines. Gerbert perfectionna l'abaque, c'est-à-dire une planche à 27 colonnes, correspondant à nos unités simples, dizaines, centaines, unités de mille, dizaines de mille, centaines de mille etc. Sur cette planche, on déplaçait des jetons de corne (apice ) sur lesquels étaient figurés les chiffres de 1 à 9, qui prenaient ainsi une valeur de position selon la colonne, les cases vides équivalant à zéro.

Le problème ici est simple : qu'y avait-il sur les apices ? Les apices pouvaient porter soit des chiffres romains, soit des signes convenus (initiales), soit des chiffres "arabes" ou "indiens" que l'on préfère à présent appeler tolédans, car acclimatés depuis le Xe siècle en Espagne et modifiés par des graphies visigothiques de chiffres romains. Ces nombres tolédans ont pénétré en deux vagues : d'abord sur les apices , ensuite par l'arithmétique d'al Khwarizmi, l'algorisme , traduite en latin probablement à Tolède au XIIe siècle, qui introduit une nouvelle méthode de calcul, par effacement. Sur l'abaque d'Heriger les chiffres sont romains, mais chaque groupe de trois colonnes (l'arc de Pythagore) est numéroté en chiffres arabes. Dans un autre texte de même provenance, la "seconde géométrie de Boèce", les chiffres tolédans apparaissent deux fois, une première fois dans le corps du texte pour présenter les chiffres servant au calcul; une seconde fois sur l'abaque pour numéroter les colonnes. Nos calculateurs sont ici à la pointe de l'innovation. Mais on observe, dans les manuscrits, que les chiffres apparaissent inversés ou mis de côté. En fait, ces déformations s'expliquent par la "rotation des apices " : on ne savait dans quel sens tenir les jetons.

En astronomie aussi, la nouveauté de la recherche se révèle lorsque Radulphe écrit à Ragimbold "Je vous aurais envoyé un astrolabe pour que vous l'examiniez, mais nous avons besoin du nôtre pour en construire une copie. Si vous souhaitez vous en informer, venez à la messe de Saint-Lambert. Car il ne suffit pas de voir simplement un astrolabe". Ce texte est une des premières mentions de l'astrolabe en Occident. La principale utilité de l'astrolabe est de mesurer les distances angulaires entre deux objets donnés, particulièrement la hauteur des corps célestes. L'astrolabe est une invention grecque, considérablement perfectionnée par les Arabes. Tolède s'en était fait une spécialité et c'est par le monastère catalan de Ripoll qu'il pénètre en Occident par Gerbert. Il est à Chartres sous Fulbert, à Fleury sur Loire avec Abbon. Plutôt que d'inspiration grecque, l'astrolabe de Liège semble d'origine arabe. Pourquoi le trouvait-on à la messe de Saint-Lambert ? Peut-être parce qu'il servait à en déterminer l'heure. Il apparaît ainsi associé à une réorganisation de la vie monastique. De Liège, il se répand jusqu'au lac de constance où Herman le Contrefait, moine de Reichenau, en décrit le maniement.

Enfin, la médecine arabe pénètre, elle, par Salerne en Italie du sud, que Wibald, abbé de Stavelot, visite en 1137. Le galénisme gréco-arabe relaie ainsi le galénisme bénédictin.

Dans la deuxième moitié du XIIe siècle, les oeuvres arabes arrivent en masse; mais la capacité d'absorption et de valorisation de nos régions, comme de toute la Lotharingie, semble essoufflée. La culture lotharingienne, extrêmement réceptive à la nouveauté dans la période d'infiltration, n'a pas véritablement exploité la science arabo-latine. La comparaison s'impose avec la France de Philippe-Auguste, pour laquelle Guy Beaujouan parlait d'un "lent décollage des sciences". Mais en France, la science s'épanouit après 1200, tandis qu'en Lotharingie, elle continue de stagner. En réalité, la science arabo-latine n'a pu être féconde que grâce à la caisse de résonance que constituaient l'enseignement et surtout les universités. En Lotharingie, les cheminements des hommes et des livres sont nombreux, mais ils ne convergent pas et ne fondent pas d'école. La Wallonie ne parvient pas à donner au savoir nouveau l'infrastructure d'enseignement et de recherche qui en eût permis l'épanouissement, à savoir une université. Elle manque ainsi sa première révolution scientifique. D'autres écoles, acquérant l'autonomie juridique, deviennent une universitas : Paris et Bologne vers 1200, Oxford en 1214, Naples en 1224. Il faut y joindre les studia dominicains de Cologne (1248) et de Naples (1272).

L'exode des cerveaux, déjà, va essentiellement vers Paris. Il est singulier de constater que bon nombre des docteurs parisiens, et des plus hétérodoxes, sont originaires de nos régions : Siger de Brabant, né vers 1240, maître ès arts entre 1260 et 1265, chanoine de Saint- Paul à Liège, et ses deux collègues, Gossuin de la Chapelle, chanoine de Saint-Martin à Liège, et Bernier de Nivelles, chanoine de Tongres. Leur aristotélisme intégral les fit soupçonner, à diverses reprises, de cultiver la théorie de la double vérité : une pour la foi, une autre pour le raisonnement philosophique. Attaqués par Bonaventure en 1267-1268, par Thomas d'Aquin en 1270, ils virent treize de leurs propositions censurées par Etienne Tempier, archevêque de Paris, le 10 décembre 1270. Le 23 novembre 1276, ils étaient cités au Tribunal de l'Inquisition de France et devaient leur salut à la fuite. Le même Etienne Tempier condamnait définitivement leurs doctrines le 7 mars 1277.

A la génération suivante, Godefroid de Fontaines, né près de Hozémont (mort après 1303), grand admirateur de Thomas d'Aquin, est aussi l'intermédiaire par qui la morale et la politique d'Aristote influenceront le chapitre de Saint-Lambert dans les luttes politiques du XIIIe siècle. Autre proche de Thomas d'Aquin, le Hennuyer Gilles de Lessines s'attache à l'optique, à l'astronomie dans la tradition d'Alhazen, ainsi qu'à la théorie des comètes. Un troisième, Henri Bate de Malines, chantre de Saint-Lambert, observe des comètes, construit des astrolabes, dresse des tables astronomiques. A Orvieto, en 1292, il traduit des livres arabes d'astrologie pour la cour pontificale; en 1310, il observe à Tongerlo une éclipse de Soleil; à Liège, il traduit l'astrologue Abraham ibn Ezra; vers 1301, il écrit pour Guy de Hainaut, frère du comte Jean II d'Avesnes, une encyclopédie philosophique.

Si intégrés qu'ils soient à l'Université parisienne, les grands scolastiques wallons restent liés, souvent par le biais d'un bénéfice ecclésiastique ou d'une fonction administrative, à leur terre d'origine. C'est grâce à eux que les bibliothèques s'enrichissent des grands classiques de l'aristotélisme et de la scolastique. Ainsi, Bernier de Nivelles et Godefroid de Fontaines ont une prédilection pour la bibliothèque bénédictine de Saint-Jacques à Liège. Cette bibliothèque, sans cesse enrichie du XIe au XVe, révèle un véritable souci de suivre l'actualité scientifique, particulièrement médicale. Pétrarque y retrouvera un manuscrit rare de Cicéron. Cependant, ces richesses s'exploitent en vase clos, et n'alimentent que quelques compilations médicales à usage interne.

Il en va de même pour les couvents - observatoires des croisiers à Namur, à Huy et à Liège. On y copie les grands classiques de l'astronomie : albums d'astres, perspective, questions sur la sphère, tables alphonsines, traités de l'astrolabe, tables de l'astronome picard Jean de Linières (mort vers 1350-1355), mais on y fait aussi des observations, comme par exemple des éclipses de Soleil. L'activité se maintient jusqu'au XVIe siècle. On en a conservé des imprimés annotés. L'astronomie qui s'en dégage est celle de Ptolémée retouchée par les scolastiques : géocentrisme amélioré avec son jeu compliqué d'épicycles et d'excentriques.

 

  

2. La Révolution scientifique

Entre le De Revolutionibus de Copernic (1543) et les Principia d'Isaac Newton (1687) le modèle du monde et de l'homme change. Le monde géocentrique, clos, qualitatif, réglé par l'équilibre des éléments, des humeurs, des mouvements naturels, cède la place à un univers héliocentrique, infini, mathématisable, où tout est soumis aux lois de la mécanique.

La Révolution scientifique est le fruit de la Renaissance et du double retour qu'elle opère vers les mots et les choses. Remettre à l'honneur les Grecs et les Latins pour leur valeur de science, c'est en même temps les confronter à la réalité qu'ils sont censés décrire et s'apercevoir de leurs erreurs et de leur ignorance. En Pologne, Copernic confronte le modèle de Ptolémée avec les observations et découvre que les calculs sont plus faciles si on veut bien mettre le Soleil au centre du monde. A Louvain, la même année, André Vésale confronte les textes de Galien avec les corps disséqués, et conclut à l'erreur du maître de Pergame. Enfin, la découverte de l'Amérique révèle des plantes, des animaux, des hommes, qui échappent aux descriptions et aux taxonomies classiques. Autant d'aspects où les chercheurs de nos régions ont joué un rôle.

C'est en 1543, l'année de sa mort, que le chanoine polonais Nicolas Copernic fit enfin paraître le Traité des révolutions des orbes célestes (De revolutionibus orbium caelestium ). De centre de l'univers, la Terre devenait une petite planète errante. La diffusion fut rapide et ne semble pas avoir rencontré d'opposition, peut-être à cause de la préface astucieuse où l'éditeur Osiander présente le système copernicien comme un pur modèle mathématique permettant de "sauver les apparences", c'est-à-dire de calculer et de prédire la position des planètes. A Louvain, Gemma Frisius ne voit rien d'absurde dans le mouvement de la Terre. Son disciple, Jean Stadius, compose en 1560 au palais de Liège des tables astronomiques, Tabulae Bergenses, dédiées au prince évêque Robert de Berghes, et dans l'esprit copernicien. Ernest de Bavière possède un observatoire remarquablement équipé. Sans prendre position sur le débat cosmologique, il acquiert deux lunettes de Galilée. Lors d'un séjour à Prague en 1610, il en prêtera une à Kepler, qui n'en possédait pas, et c'est grâce à lui que l'infortuné astronome put vérifier les observations de Galilée sur les satellites de Jupiter. Il lui dédie sa Dioptrique. C'est l'époque où la facture d'instruments de précision prospère. Au palais de Liège, Gérard Stempels et Adriaan Zeelst mettent au point un nouveau modèle d'astrolabe, tandis que Lambert Damery grave celui d'Odon van Maelcote, et que Michel Coignet, ingénieur d'origine montoise, va construire à Anvers des instruments de rare qualité.

En médecine, crise parallèle en anatomie et en physiologie. André Vésale reconstruit l'anatomie sur les faits minutieusement observés, qui ont désormais plus de poids que les livres. A Paris, à Louvain, à Padoue, il montrera que l'anatomie des anciens repose moins sur la dissection du corps humain que sur des extrapolations à partir de l'anatomie animale. L'Humani corporis fabrica (1543) est un tournant dans l'histoire de la méthode expérimentale. Son contemporain, Paracelse, est plus radical encore. Les maladies nouvelles comme la syphilis requièrent une réforme fondamentale de la médecine. La "grosse vérole" est à Liège en 1496, dans la Basse Meuse en 1497-1498. La pandémie, non décrite par les anciens et incurable, mine les fondements mêmes de la médecine. Typique de cet état d'esprit, le traité de la maladie d'Espagne, Morbi hispanici, de Remacle Fusch de Limbourg (1541). Il considère la syphilis comme une maladie cutanée et contagieuse; les éruptions et les ulcères qu'elle provoque sont souvent accompagnées de douleurs atroces dans les os; il conseille de brûler, de scier, d'exciser les os cariés. Il préfère avoir recours à des décoctions de bois de Gaiac qui, en excitant, dit-il, la transpiration, guérissent radicalement la maladie. Fusch s'efforce d'adapter, tant bien que mal, les dogmes des anciens à la réalité nouvelle. Ce sont les Paracelsiens qui prôneront le recours à la chimie et concevront le fonctionnement du corps humain comme un laboratoire de chimie. Ernest de Bavière, quant à lui, fera de sa cour de Liège un foyer de diffusion de la pensée de Paracelse. C'est à son action personnelle que l'on doit la grande édition de Paracelse publiée à Bâle par Jean Huser de Brisgau. Paracelsiens et alchimistes trouveront refuge à sa cour, ce qui stimulera la recherche minière et métallurgique.

Si l'impact économique et politique de la conquête de l'Amérique a été bien étudié, l'impact intellectuel a été longtemps sous-estimé. Pourtant, cette confrontation sera riche de conséquences pour l'idée que l'Européen se fait du monde naturel et de l'homme. Un bouleversement dont nos régions ont ressenti l'onde de choc.

Le 13 avril 1521, les Espagnols de Cortès entraient dans Tenochtitlan (Mexico), capitale de l'empire aztèque. Dès 1520, Albert Dürer avait pu admirer à Malines les cadeaux de Montezuma à Cortès, dont Charles Quint avait remis une part à Marguerite d'Autriche. C'est sans doute à Malines qu'Erard de la Marck les vit. Dans la première cour du palais des princes évêques qu'il construisit de 1526 à 1538, les chapiteaux de la galerie occidentale et orientale portent aux angles des figures humaines grimaçantes coiffées de plumes, dont l'analogie est frappante avec l'art précolombien. Mais au-delà de cette influence culturelle, artistique, c'est une crise profonde qui s'amorce. Les Européens étaient, depuis l'Antiquité, accoutumés à une flore, une faune, une minéralogie méditerranéennes. C'est elle que décrivaient les textes classiques. Les plantes exotiques - les species ou épices - arrivaient séchées, contrefaites, défigurées. Avec les découvertes, on les retrouvait bien différentes des descriptions classiques. Bien pis, on découvrait des plantes, des pierres, des animaux qui n'étaient décrits ni dans Aristote, ni dans Pline, ni dans Dioscoride. La première attitude fut de les assimiler à des plantes déjà connues. C'est par exemple le but de Remacle Fusch de Limbourg dans son De plantis antehac ignotis "Sur les plantes inconnues jusqu'à présent, retrouvées par l'extrême soin de quelques modernes". Mais c'est bientôt l'inventaire tout entier du monde naturel qui est bouleversé. L'Artésien Charles de l'Escluse traduit en latin, en 1574, la grande étude de Nicolas Monardes, publiée à Séville de 1565 à 1574, sur les plantes des Indes occidentales, et les écrits du Portugais Garcias ab Horto sur les Indes orientales. Les classifications botaniques et les familles établies à grand'peine éclatent, et la thérapeutique s'enrichit, car beaucoup de ces plantes passent pour médicinales : l'ipécacuanha, le gaïac , le baume du Pérou, le café, ou même le tabac.

Pour la conquête de l'Amérique, c'est un graveur, Théodore de Bry (1528-1598), qui reflète le mieux le désarroi né du choc des cultures. Protestant, il devra quitter Liège pour Strasbourg et Francfort où il illustrera la collection dite des Grands Voyages. Le volume VI, consacré à la conquête du Pérou par Pizarre et Almagro, trahit tout à la fois l'admiration devant la culture des vaincus et sa sympathie de persécuté pour les victimes du génocide. Tout aussi parlant est le témoignage des missionnaires. Le père Louis Hennepin, d'Ath, observe les sauvages de la Louisiane. Comme une légende indienne rapporte un fratricide, Hennepin en tire la conclusion réconfortante qu'ils ont gardé le souvenir de Caïn et d'Abel. Leur singularité est ainsi réduite.

En 1633, la condamnation de Galilée va porter un rude coup à la nouvelle science en gestation. Le nonce de Cologne la notifie aux milieux louvanistes et liégeois. Descartes apprenant par Mersenne la notification liégeoise, remettra au tiroir le manuscrit de son Traité du monde. En fait l'affaire se termine sans vainqueur ni vaincu. Le gel des grandes questions cosmologiques permettra l'étude des problèmes particuliers, et un consensus s'établira au moins sur le recours à l'expérience et au calcul, et sur la réduction des phénomènes physiques à la figure et au mouvement.

Nulle part en Europe, la nouvelle science ne s'est imposée sans traumatismes. Dans la Révolution scientifique, ceux qui ont perdu sont aussi intéressants - et même aussi sympathiques - que ceux qui ont gagné. Libert Froidmont de Haccourt, professeur à Louvain, exprime bien ce désarroi : "Peut-être aucun siècle n'a-t-il autant que le nôtre méprisé l'antiquité et poursuivi la nouveauté. Dans les sciences sacrées comme dans les sciences profanes, on a de tous côtés battu en brèche (vainement toutefois) des doctrines qui étaient solidement assises, grâce à leur antiquité même et aux arguments dont on les munissait".

Froidmont n'est ni incompétent ni malhonnête. C'est un homme qui a peur. Au début de sa carrière, il est copernicien. Ensuite, contre les excès des coperniciens, il publie son Anti aristarchus (1631) où il est paradoxalement proche de Galilée. En 1634, il signe les censures qui envoient en prison le chimiste flamand Jean-Baptiste Van Helmont. En 1637, Descartes, qui publie le Discours de la méthode, la Géométrie, les Météores le consulte amicalement. Froidmont ne peut admettre cet univers purement mécanique, car l'intuition atomistique contredit non seulement l'univers d'Aristote, mais aussi le dogme catholique. Les travaux scientifiques des jésuites anglais de Liège iront dans le même sens. Le père Francis Hall (Linus), habile expérimentateur et mathématicien de talent, mènera des combats d'arrière garde contre les expériences du vide et l'optique de Newton.

Dans l'autre camp, une plaque tournante dans les échanges scientifiques européens est un chanoine liégeois, René-François de Sluse, abbé d'Amay. Né à Visé en 1622, il étudie le droit à Louvain. De 1642 à 1650, il est à Rome, auprès d'un oncle fonctionnaire de Curie. Il y apprend le droit, les langues orientales. Il s'y frotte aux disciples de Galilée et de Cavalieri, aux premiers cartésiens d'Italie. On ne dira jamais assez la fécondité intellectuelle des rapports entre la Wallonie et l'Italie. En 1650, il est pourvu d'une prébende de chanoine de Saint-Lambert et doit rentrer à Liège. On lui offrira la direction de la bibliothèque vaticane, une chaire à l'Université de Pise, il reste à Liège, où il occupe de hautes fonctions dans l'administration de la principauté. Il compense sa solitude par une correspondance assidue avec les meilleurs esprits d'Europe : Michelangelo Ricci, cardinal et mathématicien, Christiaan Huygens, Blaise Pascal, mais aussi Pierre Lambeck, bibliothécaire à Vienne; Henry Oldenburg, secrétaire de la Royal Society de Londres dont Sluse sera membre; John Wallis, professeur de géométrie à Oxford; Cosimo Brunetti, le secrétaire du roi de Pologne; Samuel Sorbière, aventurier de la science, curieux de tout; l'astronome Ismaël Bouillau, le voyageur Balthazar de Monconys, mais aussi le philosophe libertin Charles de Saint Evremond ou le mémorialiste Paul de Gondi, cardinal de Retz. C'est à sa correspondance que Sluse a réservé les résultats de ses recherches sur les sujets les plus divers : mathématique, physique (le baromètre et le thermomètre), astronomie, sciences de la vie (la reproduction des animaux). Reconnu comme un oracle par toute l'Europe, il vit la Révolution scientifique de près. Sluse est un homme discret. Sur les sujets sensibles, il pratique souvent la suspension du jugement, l'epoch des sceptiques grecs. N'a-t-il pas traduit en latin un des maîtres du scepticisme, Sextus Empiricus ? Mais le provincialisme, qu'il semble avoir choisi, finira par l'asphyxier. Absorbé par des tâches administratives accaparantes et prestigieuses, il voit sa créativité se tarir, sa correspondance se raréfier. Il consacre ses dernières années à des travaux d'érudition. C'est un savant dépassé qui meurt le 19 mars 1685, deux ans avant les Principia de Newton. Ainsi, Sluse illustre la très wallonne ambivalence de la fidélité à la terre.

Avec les idées nouvelles, l'organisation du travail scientifique se modifie elle aussi. Certes, les savants errent dans toute l'Europe, mais depuis le XVe siècle l'Université de Louvain, plus proche, draine les meilleurs esprits de nos régions. En 1561, Robert de Berghes avait obtenu une bulle érigeant et dotant à Liège une institution d'enseignement supérieur, vraisemblablement pas une université, mais un séminaire qu'il aurait confié aux jésuites. Il y attirait des savants comme le théologien Ximénès, les humanistes Torrentius et Lampson. Le projet échoua. Un projet d'université sera de nouveau lancé par Ernest de Bavière. Il échouera devant l'opposition du chapitre de Saint-Lambert et de l'Université de Louvain. A vrai dire, c'est en dehors de l'université que se fera la Révolution scientifique, et les universités du XVIIe siècle seront plutôt des foyers de conservatisme. La recherche expérimentale en commun exigera d'autres structures, la cour princière d'abord, ensuite ces groupements subventionnés de recherche fondamentale et appliquée que seront les académies.

Pour parler de la communauté internationale des gens d'étude, les savants de ce temps parlent de "République des lettres". La notion la plus proche aujourd'hui serait celle de réseau européen. Les correspondances y jouent le rôle de nos journaux scientifiques, puisque les lettres sont lues en public, discutées, copiées pour de nouveaux destinataires. Les voyages fournissent l'indispensable information de terrain. Un filet à mailles serrées couvre l'Europe savante. Privilégiées, nos régions sont le point de passage obligé de France vers la terre de liberté intellectuelle que constitue la Hollande. D'autre part, Spa commence à devenir le café de l'Europe. Nicolas Fabri de Peiresc possède chez nous de nombreux correspondants pour les matières d'érudition. Pierre Gassendi va prendre les eaux de Spa et en profite pour voir Van Helmont; le père Mersenne rencontre à Liège le P. Woestenraedt et André Rivet, pasteur de Leyde, qui est de passage; il s'intéresse au grand carillon de Saint-Lambert dans ses Harmonicorum Libri de 1636. Sur le chemin de Spa, une bande de brigands lui vole son argent et le dépouille de ses vêtements. Il ne reste pas longtemps, part à Anvers, en passant par Geet-Bets voir l'astronome Godefroid Wendelen et par Louvain voir Libert Froidmont.

Héritier de la Révolution scientifique, le Siècle des Lumières en cueillera tous les fruits. On sait que la Wallonie, particulièrement le Pays de Liège, fut le terrain d'élection des Lumières. Or, l'idéologie des lumières est particulièrement favorable au progrès scientifique : la diffusion d'une culture scientifique, l'idée que la science et la technique sont les véritables moteurs du progrès humain, qu'ils sont des outils d'affranchissement politique, de prospérité économique, de libération intellectuelle et morale; le goût pour l'expérimentation, le newtonianisme associé à la philosophie de Voltaire et à la facture d'instruments; la solidarité, sans cesse affirmée, entre la théorie et les applications, entre science pure et science appliquée; avec elle, l'enthousiasme manufacturier lié à la nouvelle chimie de Lavoisier; la nécessité de réformer l'enseignement pour y intégrer cette nouvelle dimension du progrès.

Or, les imprimeurs de Liège et de Bouillon sont au premier plan dans la diffusion de cette culture nouvelle. En particulier, on imprime à Liège plusieurs dictionnaires spécialisés tirés de l'Encyclopédie de 1751, et on montera plusieurs projets de réédition. Le libraire liégeois Plomteux s'associera avec J.J. Panckoucke pour l'EncyclopŽdie méthodique de 1782, c'est-à-dire une collection de dictionnaires particuliers de médecine, de chimie, d'agriculture etc. Il en va de même pour les journaux, comme le Journal Encyclopédique de Pierre Rousseau à Liège et à Bouillon, le Journal Général de l'Europe de Pierre Lebrun à Herve, l'Esprit des journaux de J.J. Tutot à Liège. Non seulement ils recensent les publications scientifiques, mais ils propagent des nouvelles théories, comme la vaccine, la nécessité d'une formation des sages femmes, la chimie pneumatique.

La diffusion de la culture scientifique au-delà du monde savant peut s'observer à travers l'étude des bibliothèques et des cabinets de physique des particuliers. Marie-Thérèse Isaac et ses collaborateurs ont analysé les inventaires de bibliothèques et les catalogues des libraires montois de la fin du XVIIIe et du début du XIXe. Les collections d'une certaine importance contiennent les oeuvres de Pluche, Buffon, Valmont de Bomare, pour l'histoire naturelle; d'Ozanam et de Nollet pour la physique, de Lémery ou de Macquer pour la chimie, bref, les grands vulgarisateurs. Les achats sont plus spécialisés lorsque le propriétaire est un médecin ou un professeur de mathématiques. Annette Félix a fait les mêmes observations sur les bibliothèques bruxelloises de la même époque.

L'académie, nationale ou provinciale, et à défaut, la société d'amateurs, constitue au Siècle des Lumières, le nouveau lieu du savoir. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, un véritable cercle d'études physiques et chimiques se constitue à Liège autour d'un constructeur d'instruments, François Laurent Villette (1729-1809), fils de Nicolas-François, ingénieur et opticien du prince-évêque. En 1752, Villette avait assisté aux leçons de physique de Nollet, avec qui il entretint dans les années 1762-1766, une correspondance, notamment sur l'électricité. De 1769 à 1771, Villette donna, à l'hôtel de ville, des leçons publiques de "physique raisonnée et expérimentée" au moyen d'un cabinet de physique fort complet. Autour de Villette se groupent ainsi, de manière d'abord informelle, des amateurs de physique et de chimie, particulièrement appliquées aux arts. On y trouve ainsi Jean-Jacques Daniel Dony (1759-1819), l'inventeur du procédé liégeois de fabrication du zinc; Henri Delloye (1752- 1802), son collaborateur; Jean Démeste (1748-1783) qui, après ses études à Louvain, ira travailler à Paris avec Sage et Romé de l'Isle. Ses "Lettres au docteur Bernard" (1779) sont en fait un manuel pour le cours de Sage inspiré par Romé de l'Isle avec qui Démeste entretiendra une longue correspondance (Bibl. de l'ULg, ms 2906); l'apothicaire Louis-François Desaive, émule du Français Morand, a cherché et trouvé du sel de Glauber dans le charbon des mines des environs de Liège, et il a mis au point un procédé pour extraire l'ammoniaque de la suie du charbon; enfin Etienne-Gaspard Robert, dit Robertson, né en 1763 fait avec Villette des expériences d'optique et d'électricité avant d'aller suivre à Paris les cours de Charles (1792). Il reviendra à Liège en 1794 et construira avec Villette un miroir ardent. En 1795, il retourne à Paris où il ouvre un cabinet de phantasmagorie. C'est en vain qu'on lui proposera la chaire de physique de l'Ecole centrale de Liège. Il ne reviendra qu'en 1812 faire des ascensions en ballon.

Tous ces personnages se retrouvent, d'une manière ou l'autre, à la Société libre d'émulation qui connaîtra deux grandes périodes de prospérité : sous le prince-évêque François-Charles de Velbruck de 1779 à 1784, et sous le préfet Charles-Emmanuel Micoud d'Umons de 1809 à 1814. La petite académie liégeoise se place délibérément dans la mouvance de la science française. On trouve parmi les membres correspondants Romé de l'Isle, Sage, Bernard de Douai, Morand, Vicq d'Azyr, le marquis d'Aoust, Buchoz et Fourcroy.

Comme beaucoup d'autres académies, grandes ou petites, la Société littéraire de Bruxelles et Société d'Emulation à Liège inscrivent à leur programme le progrès des arts et des manufactures. A Bruxelles, le prince de Kaunitz, chancelier de l'Empire, recommande d'éviter "l'inconvénient où sont tombées tant d'académies de belles-lettres en Italie qui, au lieu d'éclairer et d'instruire la nation, lui ont inspiré un esprit de bagatelle et de frivolité si nuisible au progrès de la raison". Le principal objet d'étude doit être "l'histoire naturelle et civile du pays". A Liège, l'abbé Ramoux ouvrit la séance de l'assemblée fondatrice de la Société libre d'Emulation en ces termes : "S'il est un voeu digne des âmes vraiment patriotiques, c'est de voir se former, au sein de notre nation, un tribunal de goût qui, en appréciant les essais relatifs aux arts nobles ou utiles, aurait pour but d'exciter le feu de l'émulation, soit par les avis d'une critique saine et raisonnée, soit par des encouragements, dont le défaut laisse presque toujours dépérir le précieux germe du talent. Tel est, Messieurs, l'objet de l'établissement d'une Société, dont on soumet aujourd'hui l'esquisse à votre zèle et à vos lumières.

Ne possédons-nous pas des émules dignes des Lemeri, des Nollet, des Franklin ? Que d'artisans même, dont l'heureuse industrie se réveillerait et susciterait des prodiges, si quelque marque publique d'honneur, ou l'attrait de quelque récompense, ou, au moins, l'assurance du débit, les dédommageait du temps et des peines qu'il leur en coûte pour donner à leurs ouvrages le degré de perfection dont ils sont susceptibles ?"

L'enthousiasme des participants de la Société d'Emulation pour une science utile se perçoit dans l'oeuvre d'un de ses membres les plus actifs, Léonard Defrance (1735-1805), qui introduit dans la peinture des sujets industriels et remporte en 1789 le prix de l'Académie des sciences de Paris en réponse à la question "La recherche des moyens par lesquels on pourrait garantir les broyeurs de couleurs des maladies qui les attaquent fréquemment et qui sont la suite de leur travail". Ce mémoire dont la Révolution empêcha la publication est conservé dans le manuscrit 3281B de la Bibliothèque de l'Université de Liège.

De 1794 à 1814, nos provinces sont rattachées à la France. L'Université de Louvain est fermée en 1797. Il appartenait aux soldats et aux instituteurs de la République d'imposer le système métrique, la géométrie de Monge, la chimie de Lavoisier, la cristallographie de Haüy et de Romé de L'Isle. L'oeuvre scientifique de la Révolution fut un sujet de grand débat. Si aucune découverte véritable n'est à mettre à son actif, la mutation est bien plus profonde : le savant devient l'ouvrier du progrès. Par l'éducation, il luttera contre le despotisme et la superstition; en appliquant son génie aux arts, il accroîtra la prospérité publique. Les Ecoles centrales, héritières de Condorcet, préparées par le projet de Joseph Lakanal le 16 décembre 1794, voient le jour par décret du 25 février 1795. L'enseignement moderne naît, avec la priorité aux mathématiques, à la physique, à l'histoire naturelle, sans négliger la géographie, l'histoire, la morale, la formation civique. Si les Ecoles centrales de Mons, de Namur, de Liège, de Maastricht recrutent leurs élèves "parmi les fils de fonctionnaires et d'acheteurs de biens nationaux" et si elles échouèrent, faute d'hommes et d'argent, elles vont insuffler un esprit nouveau et susciter de véritables vocations scientifiques. Ainsi, les livres de prix que l'on y distribue reflètent le progrès de la recherche en France. La loi du 1er mai 1802 supprime les Ecoles centrales et les remplace par les Lycées, marquant un retour aux études classiques. Mais les professeurs vont traverser les vicissitudes des régimes, on les retrouvera dans les institutions d'enseignement supérieur et secondaire de la Belgique indépendante. Ainsi l'Université de Liège avait été précédée par deux facultés françaises, la faculté des sciences, ouverte en décembre 1811, et l'école de médecine. Comme l'observe Marcel Florkin "Quand le roi Guillaume Ier fonda l'Université de Liège, il n'eut qu'à maintenir la Faculté des Sciences et l'Ecole de médecine du régime français. La première, privée de ses deux professeurs français, Percelat et Landois, n'eut plus que ses deux professeurs liégeois, Delvaux et Vanderheyden. A la seconde fut adjoint un nouveau professeur, Sauveur, ce qui, avec Ansiaux et Comhaire, portait à trois l'effectif des professeurs de la faculté de médecine".

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(Robert Halleux, Anne-Catherine Bernès, Luc Etienne, L'évolution des sciences et des techniques en Wallonie, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région, (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.)


 

 

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