Institut Destrée - The Destree Institute

               Accueil

Organisation

Recherche scientifique

Education permanente

Conseil

Action

Evénements

 

  Portail Wallonie-en-ligne : Histoire  Retour au Plan thématique du portail Wallonie-en-ligne

 

Histoire économique et sociale


Evolution sociale de la Wallonie. Le travail et les travailleurs ne sont plus ce qu'ils étaient
- (1995)
Première partie - Deuxième partie


Matéo Alaluf

Professeur à l'Université libre de Bruxelles

 

VI. L'emploi change de définition

Comme l'Europe et les pays industrialisés, sous l'impact de la crise, la Wallonie a également connu l'accentuation du chômage et la déstabilisation de l'emploi. Avec l'augmentation du travail des femmes, la prolongation de la scolarité pour les jeunes et les préretraites pour les travailleurs plus âgés, c'est le profil des "actifs" qui a été profondément bouleversé.

Ces évolutions ont accompagné, comme ailleurs dans le monde industrialisé, une transformation des activités elles-mêmes. La tertiairisation de celles-ci en est sans doute la composante principale.

La montée des emplois tertiaires et la diminution des actifs agricoles constituent certes deux tendances longues qui se déroulent depuis le début de notre siècle. Le déclin de l'industrie par contre, bien que de fort moindre ampleur, est récent. On l'a vu, il s'est manifesté en Wallonie dès les années cinquante avec la crise charbonnière et s'est poursuivi, en particulier, dans la sidérurgie, les fabrications métalliques et les métaux non ferreux. Si l'on ajoute l'incorporation massive des nouvelles technologies, notamment l'informatique et la robotique dans la production et les services, on peut dire que l'on a assisté à une véritable mutation des activités.

D'une part, le travail industriel ne consiste plus seulement à transformer des matières, mais de plus en plus à manipuler des informations : lire, saisir et interpréter des données, entretenir, surveiller et contrôler des équipements et des produits. d'autre part, certains travaux qui relevaient de la sphère domestique deviennent des emplois. Il en est ainsi de la garde des personnes âgées, des jeunes enfants, de restauration à domicile ou encore de nouvelles demandes de formation par exemple.

Tableau 2. Evolution de l'emploi par grands secteurs d'activité en Wallonie

Secteurs 1974 1992
Nombres Pourcentages Nombres Pourcentages
Primaire 55826 6,5 20328 2,5
Secondaire 434037 50,6 286008 34,5
Tertiaire 368602 42,9 521365 63,0
Emploi total 858465 100,0 827701 100,0

Source ONSS

Tableau 3. Evolution de la répartition de l'emploi en ouvriers et employés en Wallonie

  1974 1992
Nombres Pourcentages Nombres Pourcentages
Ouvriers 481899 56,1 325966 39,4
Employés 376730 43,9 501967 60,6
Emploi total 858465 100,0 827701 100,0

Source ONSS

Alors qu'en 1974, l'industrie représentait encore la majorité des emplois, soit 50,6%, elle n'en représente plus que 34,5% en 1992. Ainsi, bien que l'emploi industriel reste toujours important en Wallonie, c'est dans le tertiaire que se trouve localisée la majorité des emplois (63%). On retrouve une évolution similaire dans la part respective des ouvriers qui ne forment plus que 40% de l'emploi en 1992 contre 56% en 1974, et des employés avec 61% contre 44% moins de vingt ans auparavant.

Certes, le contraste avec la "Wallonie ouvrière" paraît profond. On peut observer en effet, une véritable "désouvriérisation" dans la mesure où la part des activités industrielles diminue au profit des services et qu'au sein même de l'industrie, la part des ouvriers diminue au profit des employés. Il n'en reste pas moins que le poids de l'industrie est toujours considérable en Wallonie et que cette évolution s'accompagne aussi d'une salarisation croissante de la population. Au total, les salariés représentent aujourd'hui plus de 85% de l'emploi en Wallonie.

Avec l'expansion des services, la redistribution des gains de productivité a aussi évolué. L'accroissement de la part indirecte du salaire en regard du salaire direct est un élément de ce changement. Il en résulte que la situation des individus dépend, plus qu'avant, des décisions concernant la fiscalité et la sécurité sociale. Si bien que la valeur du travail se laisse encore moins qu'avant identifier à des tâches précises. Celles-ci sont de plus en plus décrites à partir de leurs composantes immatérielles, alors que la reconnaissance de leur valeur repose sur des mécanismes et des jugements qui émanent de la société. Si l'industrie ne structure plus les rapports sociaux du travail dans les mêmes termes qu'auparavant, elle garde néanmoins son caractère stratégique comme moteur économique et sens du développement.

En Wallonie, confronté à la crise structurelle de l'industrie, le mouvement syndical a été un acteur important dans les transformations du travail comme dans la fédéralisation des institutions. Les taux de syndicalisation très élevés en Wallonie se sont maintenus malgré la crise. Sans doute la présence syndicale dans les entreprises, l'importance des services organisés par les syndicats , en particulier des services d'indemnisation du chômage et l'adaptation des structures syndicales aux changements institutionnels du pays, en sont des exmplications. Désormais, aux centrales professionnelles et régionales interprofessionnelles s'est ajoutée une structuration des organisations syndicales, comme d'ailleurs patronales, au niveau des entités régionales de l'Etat fédéral.

Les bassins industriels wallons avaient sans doute traduit au plus près le "noyau dur" de la conscience ouvrière décrit par des sociologues comme Alain Touraine. Une industrie lourde, très concentrée, des ouvriers qualifiés, syndiqués et combatifs, de sexe masculin : tous les ingrédients de cette représentation des ouvriers se trouvaient ainsi bien réunis. Examinée de plus près, non seulement la réalité est bien plus mélangée, mais les transformations sont très profondes.

 

VII. Des mutations profondes

A la suite de ces transformations structurelles, à savoir la transformation du travail par la tertiairisation des activités et les technologies nouvelles, et celle des travailleurs par les changements dans la population active elle-même, on peut schématiser par trois grands traits les mutations dans le monde du travail. Celles-ci ne caractérisent cependant pas la seule Wallonie. Elle traversent d'une certaine manière le monde actuel et constituent une composante de la modernité. Mais comme toute société est marquée par son histoire, la société wallonne a imprimé de sa marque ses propres transformations.

La féminisation croissante de l'emploi en est peut-être la principale. D'abord, les femmes ont, bien sûr, toujours travaillé et leur participation à l'activité économique a été importante. Si la grève de femmes de la FN à Liège en 1966 a mis en avant plan la revendication de l'égalité dans le travail, elle n'était pas la première. Mais ce qui a changé dans la période de l'après-guerre réside dans la participation permanente des femmes à l'activité économique. Contrairement à ce qui s'était passé dans les années trente, cette propension à travailler, comme disent les économistes, est tellement forte que, ni la crise, ni le chômage n'ont réussi ne fut-ce qu'à ralentir cette évolution. Si bien que les femmes n'ont jamais été aussi nombreuses sur le marché du travail et que leur taux d'activité n'a cessé d'augmenter.

Tableau 4. Evolution de la répartition de l'emploi selon le sexe en Wallonie

  1974 1992
Nombres Pourcentages Nombres Pourcentages
Hommes 598007 69,7 477225 57,7
Femmes 260458 30,3 350476 42,3
Emploi total 858465 100,0 827701 100,0

Source ONSS

Alors que les femmes ne représentaient en Wallonie que 30% de l'emploi salarié en 1974, elles en forment près de 43% en 1992. Cette situation est le résultat d'une double évolution. D'une part, le pourcentage des femmes dans l'emploi ouvrier se renforce légèrement. Elles subissent certes, même proportionnellement plus que les hommes, les pertes d'emploi dans le secteur secondaire mais elles participent bien plus que les hommes à l'augmentation des emplois ouvriers dans les activités tertiaires. D'autre part, elles sont surtout très présentes dans l'augmentation des employés. Alors que le nombre d'hommes employés dans l'industrie diminue, les femmes ne connaissent qu'une diminution infime et renforcent, en conséquence, leur part relative : elles formaient 22% des employés dans l'industrie en 1974, elles en forment 27% en 1992. Mais c'est surtout à travers la poussée des employés dans les activités tertiaires qu'elles ont accédé à l'emploi. Elles représentent 56% des employés du tertiaire en 1992 (contre 46% en 1974). En maintenant leur nombre parmi les employés du secondaire et en prenant très largement part à l'accroissement du tertiaire, les femmes forment, avec 52% de leur effectif, la majorité des employés.

Cette participation croissante des femmes à l'économie se fait de deux manières : un accès plus grand au travail professionnel d'une part, mais aussi une courbe de l'activité qui se différencie de moins en moins de celle des hommes d'autre part. En d'autres termes, le fait d'avoir des enfants est de moins en moins synonyme d'interruption de l'activité, si bien que c'est chez les mères avec enfant que l'activité a le plus augmenté. En même temps, c'est le modèle d'activité masculin qui, d'une certaine manière, s'est imposé.

Certes, l'accès croissant à l'emploi et la diversification du travail féminin ont eu pour contrepartie une infériorisation dans l'emploi. Les femmes se trouvent en grande partie cantonnées dans des formes particulières d'emploi , et le travail à temps partiel qui s'est très considérablement développé apparaît comme une forme d'emploi spécifiquement féminine. Mais surtout, en période de contraction générale de l'emploi, l'accès des femmes au marché du travail a pris aussi la forme du chômage, entraînant une augmentation considérable du chômage féminin.

Cette participation des femmes à l'activité coïncide avec l'expansion du secteur tertiaire. C'est dans la distribution, la santé, l'enseignement, les banques, les assurances, les loisirs, le social,... que beaucoup trouvent à s'employer. Cette culture de salariées et, plus particulièrement peut-être d'employées n'est pas étrangère aux changements des modes de vie et de l'organisation familiale.

Ainsi, cette propension croissante au travail des femmes a contribué à diminuer, au sein du ménage, l'étanchéité des rôles masculin et féminin. La femme continue néanmoins d'assumer la plus grande part du travail domestique et de l'éducation de l'enfant. Elle ne s'affirme pas moins comme personne à part égale dans le travail, la famille et la société.

Une proportion croissante de femmes choisit tout à la fois d'être mère et d'exercer une activité professionnelle. Cette tendance irréversible de l'activité féminine semble correspondre aux valeurs de plus en plus largement partagées par les femmes, mais aussi aux circonstances de l'emploi. Le salaire des femmes constitue maintenant une composante essentielle du revenu des ménages.

Dès lors, la majorité des familles sont à présent celles où les deux conjoints travaillent, sans que le salaire de l'un soit l'appoint de l'autre. Le modèle familial de référence n'est plus celui de la famille nucléaire traditionnelle, mais, pour utiliser le terme de Marie-Agnès Barrere- Maurisson, d'une famille à deux apporteurs, très différente de la précédente.

L'augmentation du niveau d'instruction des travailleurs paraît également une des transformations ayant affecté en profondeur les rapports du travail. La tendance générale à la démocratisation de l'enseignement s'est encore accélérée pendant la période de crise économique. Il en est résulté une augmentation importante du niveau de scolarisation des jeunes. En ce qui concerne la professionnalisation des diplômes cependant, leur généralisation entraîne aussi la dévalorisation des titres scolaires sur le marché de l'emploi.

En effet, les employeurs ont pu, dans ce contexte, augmenter leurs seuils d'embouche, si bien que des diplômes donnent à présent accès à des positions moindres. Pour occuper un même emploi, il faut aujourd'hui bénéficier d'un niveau d'instruction plus élevé que par le passé.

Des enquêtes dans les entreprises nous ont permis d'observer une stabilité relative des classifications d'emploi, alors même que dans chaque catégorie d'emploi, le niveau d'instruction des salariés augmentait considérablement.

Cette dévalorisation relative des titres scolaires pénalise moins les détenteurs du diplôme que ceux qui en sont dépourvus et dont la vulnérabilité devient plus grande sur le marché du travail. On comprend bien ainsi pourquoi la tendance à prolonger la scolarité devient prépondérante dans nos sociétés.

Enfin, l'immigration de travailleurs. Même si elle paraît liée aux origines mêmes de l'industrialisation et peut, de ce fait, être considérée comme un trait permanent de nos sociétés elle n'en revêt pas moins des formes récentes qui caractérisent d'ailleurs, à certains égards, la situation wallonne.

L'immigration est d'abord, on le sait, un phénomène socio-économique. C'est pourquoi d'ailleurs on la désigne souvent en termes de travailleurs étrangers. Il n'est donc pas étonnant que l'insertion professionnelle des immigrés ait constitué le facteur principal de leur intégration.

Ainsi, c'est au XIXe siècle, avec l'arrivée de Flamands dans les mines, que la Wallonie a connu son premier choc migratoire. Ceux-ci seront ensuite suivis par des Polonais et des Italiens et l'immigration devient véritablement massive dans l'entre-deux-guerres.

Après 1945, c'est encore la demande de main-d'oeuvre dans les charbonnages qui va poser le problème de l'immigration. Pour faire face à la "bataille du charbon", on aura d'abord recours à la main-d'oeuvre italienne ? La catastrophe minière de Marcinelle en 1956 au cours de laquelle 262 mineurs, italiens pour la plupart, perdent la vie, fera en sorte que l'on s'adressera dès lors à l'Espagne, à la Grèce, au Maroc, à la Turquie...

Alors qu'auparavant l'on avait de préférence recours à l'immigration de jeunes hommes célibataires pour les besoins des charbonnages, de la métallurgie et des travaux publics, un tournant sera pris dans les années soixante. C'est en effet en raison de la structure d'âge vieillie de la population wallonne - et le rapport établi à ce sujet par Alfred Suvy fera l'effet d'un choc - qu'une préoccupation démographique, à savoir le rajeunissement de la population, se greffera aux mobiles économiques de l'immigration. Désormais les regroupements familiaux seront encouragés et les immigrés seront aussi diversifiés par sexe et âge.

On voit donc bien comment les facteurs économiques et démographiques se sont conjugués pour faire de l'immigration un phénomène spécifiquement wallon et ouvrier, avant qu'elle ne se diversifie sur le plan régional, en s'étendant vers Bruxelles et la Flandre et, sur le plan des activités, en s'étendant vers les autres secteurs.

De la même manière que les Flamands, perçus d'abord comme ignorants en raison de leur origine rurale et de leur méconnaissance de la langue locale seront intégrés, l'intégration des différentes couches migratoires qui font partie de la réalité wallonne s'est faite, pour l'essentiel, à travers les activités de travail. Le rôle des organisations sociales et ouvrières, tout comme la scolarisation ont été, de ce point de vue, prépondérantes.

L'augmentation du nombre d'indépendants, de commerçants et d'artisans parmi les étrangers indique un changement de statut pour certains d'entre eux dans un processus d'installation définitive. Si les jeunes d'origine étrangère occupent dans l'ensemble le même type d'emplois que leurs parents, sous l'effet toutefois de la scolarisation, la mobilité sociale fait aussi partie de leurs aspirations et élargit leur horizon social.

Population mobile au départ, constituée par une forte proportion de jeunes hommes célibataires, affectés à des activités bien circonscrites, l'immigration s'est progressivement diversifiée démographiquement, sectoriellement et géographiquement, pour devenir familiale et se sédentariser. Aussi, malgré la crise et la montée du chômage qui ont entraîné l'arrêt de l'immigration de travailleurs en 1974, les immigrés font désormais partie intégrante de la population wallonne.

On compte à présent quelques 372.000 ressortissants étrangers installés en Wallonie. Ils représentent 41% des étrangers en Belgique et 11,6% de la population wallonne (source INS pour 1990) . Les Italiens forment près de la moitié de la population immigrée installée en Wallonie. Les autres nationalités les plus représentées dans la population étrangère sont les Marocains (5,7%), les Turcs (5,5%), et les Espagnols (4,5%).

Tout comme des Wallons se sont installés partout dans le monde, c'est aussi de Flandre, d'Italie, de Pologne, de Turquie, du Maroc..., "d'ici et d'ailleurs" que sont les travailleurs wallons.

 

VIII. La Wallonie active

On peut synthétiser l'ensemble de ces transformations en les ramenant à celles de la population active. La structure de celle-ci s'est modifiée par un double mouvement de soustraction et d'addition. Soustraction d'abord par le rétrécissement de la pyramide des âges à ses deux extrémités : insertion professionnelle retardée des jeunes par une scolarisation prolongée d'une part et abaissement de l'âge de la pension par l'extension, en particulier, de système de pré-retraites d'autre part. L'addition ensuite qui, dans un premier temps, résultait de l'immigration, est à présent la conséquence de l'accroissement de l'activité féminine.

En Wallonie les salariés (ouvriers, employés, fonctionnaires) forment 86,5% de la population active occupée et les indépendants 13,5%. Au total les femmes représentent 30% des actifs occupés. Elle sont cependant majoritaires parmi les employés (55%) et forment 38% des fonctionnaires. La proportion des femmes est nettement moindre parmi les ouvriers (26%) et les indépendants (25%).

Au total, 177.957 personnes, soit 17,4% des actifs occupés travaillent à temps partiel. Il s'agit en grande majorité de femmes. Ainsi 81% des travailleurs à temps partiel sont des femmes et 37% des femmes travaillent à temps partiel en Wallonie. C'est aussi parmi les employés que le travail à temps partiel a connu l'expansion la plus grande : 1/4 des employés travaillent à temps partiel.

Ainsi, une coupe de la population active occupée reflète bien les résultats des transformations qu'elle a subies. D'abord la salarisation des activités de travail : des auteurs comme Michel Aglietta et Anton Brender ont défini les sociétés contemporaines comme des sociétés salariales. La Wallonie n'échappe sûrement pas à cette définition. Ensuite, l'accès croissant des femmes à l'emploi; lorsque près de 40% des actifs occupés sont des femmes, c'est bien à une féminisation de l'activité que nous assistons. Cependant, dans la mesure même où cet accès à l'emploi s'est fait à travers le temps partiel, on peut voir là, malgré tout, la persistance de leur infériorisation dans l'emploi. Enfin, la part importante des employés (33,6%) et des fonctionnaires (21,9%) qui forment ensemble la majorité des actifs occupés reflète bien un changement important qui va de pair avec la montée en force des services. Dès lors, si la Wallonie peut également être qualifiée, tout comme les autres sociétés développées de "société de service", les ouvriers continuent à former, avec plus de 30% des actifs occupés, une part toujours très importante dans l'emploi.

Tableau 5. Population active occupée en Région wallonne - 1992

Statut Sexe Temps plein Temps partiel
 + saisonnier
+ intermittant *
Total
Ouvriers Hommes 211741 21435 233176
Femmes 36830 46026 82856
Total 248571 67461 316032
Employés Hommes 138852 17694 156546
Femmes 105332 82312 187644
Total 244184 100006 344190
Fonctionnaires Hommes 132881 4768 137649
Femmes 64283 21832 86115
Total 197164 26600 223764
Indépendants Hommes 103841 ** 103841
Femmes 34552 ** 34552
Total 138393 ** 138393
Total général Hommes 587135 43897 631212
Femmes 240997 150170 391167
Total 828312 194067 1022379

Source INAMI (30/6/1992)

* Les seuls travailleurs à temps partiel sont au nombre de 56.970 (13.129 hommes et 43.841 femmes) parmi les ouvriers, et de 94.387 (15.907 hommes et 78.480 femmes) parmi les employés.
** On n'a pas tenu compte, afin d'éviter les doubles comptages avec d'autres catégories, des indépendants dont l'activité est mixte, soit 24.442 personnes (17.063 hommes et 7.379 femmes)
.

 

IX. La modernisation négociée

Au fond, ces mutations profondes ne sont pas seulement liées aux révolutions technologiques. C'est aussi une logique industrielle caractérisée par la production standardisée en grandes séries et les traditions industrielles qui est secouée. Dans un contexte de mondialisation de la production et de concurrence accrue, les logiques de marché ont pris une vigueur nouvelle.

En ce qui concerne l'institutionnalisation des relations de travail, le syndicalisme se structure d'abord autour des entreprises et des centrales professionnelles et s'affirme au niveau de la Belgique. Il s'organise cependant aussi localement et régionalement. Les coopératives qui ont joué un rôle important dans le monde ouvrier ont été un facteur décisif dans son insertion locale comme dans la polarisation dans les villes et villages d'une vie ouvrière autour des Maisons du peuple.

L'organisation des négociations collectives au niveau des branches d'activité correspond certes au poids des centrales professionnelles dans les syndicats. Ceux-ci n'en restent cependant pas moins structurés également au plan local et par la suite au plan de la région. Ainsi, dans les organisations ouvrières, les structures nationales avaient certes prévalu dans l'ensemble, mais les coopératives ouvrières étaient marquées, au contraire, par leur implantation locale. Les syndicalismes socialiste et également chrétien furent fortement déterminés dans les débats qui les ont traversés et dans les orientations qu'ils se sont données par leurs composantes régionales. On peut ainsi discerner, aux diverses étapes de leur évolution, le poids de leur aile wallonne.

Depuis sa création, en 1830 jusqu'à la révision de la constitution de 1970 la Belgique avait connu une unité de législation et une forte centralisation des pouvoirs politiques. Les réformes institutionnelles qui s'engagent à partir de 1970 reconnaissent l'unité linguistique, culturelle, territoriale de la Flandre prônée par le mouvement flamand et la volonté wallonne d'obtenir des moyens propres pour échapper au déclin économique, moderniser ses structures industrielles, aménager son territoire et gérer ses ressources naturelles.

Au plan social, les organisations syndicales comme patronales ont ajusté leurs structures à la fédéralisation de celles de l'Etat. En particulier, les compétences régionales en matière d'emploi, la création du FOREM héritant, pour la Wallonie, des fonctions de placements des chômeurs et de la formation professionnelle, naguère exercés par l'ONEM. Celui-ci conserve comme attribution l'indemnisation du chômage, demeurée de compétence fédérale comme la sécurité sociale dans son ensemble. La constitution et l'activité du Conseil économique et social de la Région wallonne traduit bien l'existence institutionnalisée d'un niveau de concertation sociale au niveau wallon.

Le Conseil Economique et Social de la Région wallonne CESRW

Créé par le décret du 25 mai 1983, il est composé de vingt membres issus des organisations représentatives de l'industrie, des classes moyennes et de l'agriculture et de vingt membres issus des organisations représentatives des travailleurs. Il sont nommés, sur proposition des organisations, par le Gouvernement wallon. Le partage des mandats entre les trois organisations syndicales est fonction du résultat des élections sociales en Région wallonne.

Les grandes transformations du travail, qu'elles aient oeuvré localement, nationalement ou encore qu'il s'agisse de logiques de développement à l'échelle de l'Europe ou du monde, ont été modelées en Wallonie par son histoire, ses institutions et ses structures propres. Si bien que le vaste mouvement de modernisation qui a traversé son économie traduit, tout à la fois, sa tradition industrielle et les mutations sociales qui ont fait son histoire.

A présent, dans un contexte mouvant, la question de la modernisation des structures économiques se pose sous la double dimension technologique et organisationnelle. Les transformations technologiques permettent de situer les entreprises wallonnes en position enviable. Par leurs traditions sociales aussi, les entreprises comme la Région sont "rodées" par la négociation. La Région, par ses institutions, ses organes de développement économique, ses écoles et notamment ses établissements techniques et professionnels, ses universités et centres de recherche scientifique et bien sûr ses entreprises et son savoir-faire, se présente comme un "milieu innovateur". Le relais du charbon et du fer est pris à présent par l'aéronautique, l'espace, l'électronique, les biotechnologies, les énergies nouvelles, les produits pharmaceutiques, la robotique, l'éducation, la santé et les services.

Si l'on retient l'assertion suivant laquelle la modernisation ne se limite pas à la technologie mais qu'elle doit être aussi organisationnelle, la condition de sa réussite est d'être négociée. Sur ces divers plans, riche de sa tradition mais aussi de ses mutations récentes, la Wallonie dispose aujourd'hui des meilleurs atouts. A condition toutefois que des préoccupations particulières ne fassent pas perdre de vue que ce sont les perspectives de l'emploi qui conditionnent la participation de chacun à la vie sociale.

 

 

Orientation bibliographique

M.-A. BARRERE-MAURISSON, La division familiale du travail, Paris, PUF, 1992
N. CAULIER-MATHY, Cl. DESAMA et P. GERIN, 1886. La Wallonie née de la grève ?, Labor, Bruxelles, 1990.
B.S. CHLEPNER, Cent ans d'histoire sociale en Belgique, Université de Bruxelles, 1972.
H. DE MAN et L. DE BROUCKERE, Le mouvement ouvrier en Belgique, publié en mars 1911, réédité par les éditions de la Fondation Joseph Jacquemotte, Bruxelles, 1985.
V. FEAUX, Cinq semaines de luttes sociales, Université de Bruxelles, 1963.
M. LIEBMAN, Les socialistes belges 1885-1914, Vie Ouvrière, Bruxelles, 1979.
R. MOREAU, Combat syndical et conscience wallonne, Ed. Vie Ouvrière, Institut Jules Destrée et Fondation André Renard, 1984.
J. NEUVILLE, La condition ouvrière au XIXème siècle, 2 tomes, Vie Ouvrière, Bruxelles, 1976.
J. NEUVILLE, La CSC en l'an 40, Vie Ouvrière, Bruxelles, 1988.
J. NEUVILLE et J. YERNA, Le choc de l'hiver 60-61, Pol-his, Bruxelles, 1990.
J. PUISSANT, L'évolution du mouvement ouvrier socialiste dans le Borinage, Académie Royale de Belgique, Mémoires Lettres, Bruxelles, 1982.
R. SALAIS, N. BAVEREZ et B. REYNAUD, L'invention du chômage, Paris, PUF, 1986.
E.- P. THOMPSON, La Formation de la classe ouvrière anglaise, Gallimard, Le Seuil, Paris, 1988, (1ère Ed. 1963).
R. VAN SANTBERGEN, Une bourrasque sociale : Liège 1886, Commission communale de l'histoire de l'ancien pays de Liège. Documents et mémoires, fasc. 9, Liège 1969.
G. VANTHEMSCHE, Le chômage en Belgique. Son histoire, son actualité de 1929 à 1940, Labor, Bruxelles, 1994.

 

(Matéo Alaluf, Le travail et les travailleurs ne sont plus ce qu'ils étaient, dans Wallonie. Atouts et références d'une Région, (sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.)


 

 

L'Institut Destrée L'Institut Destrée,
ONG partenaire officiel de l'UNESCO (statut de consultation) et 
en statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social
des Nations Unies (ECOSOC) depuis 2012
  The Destree Institute The Destrée Institute,
NGO official partner of UNESCO (consultative status) and 
in Special consultative status with the United Nations Economic
and Social Council (ECOSOC) since 2012 

www.institut-destree.eu  -  www.institut-destree.org  -  www.wallonie-en-ligne.net   ©   Institut Destrée  -  The Destree Institute